AlloCiné : Comment avez-vous eu l'idée du scénario assez décalé de Kajillionaire ?
Miranda July : L'idée de cette famille bizarre et tout ce qui l'entoure m'est venue assez simplement. C'est le premier film que je réalise en étant à la fois mère et fille donc j'avais en tête les notions de parentalité, de naissance voire de renaissance.
Est-ce que vous considérez Kajillionaire comme un film personnel ?
Il n'y a rien de vrai dans ce film, évidemment (rires). Je n'ai pas été élevée comme ça et je ne ressemble pas aux femmes qui sont dans le film. Mais c'est un bon catalyseur de toutes les émotions que j'ai pu ressentir. Si je me fie trop à ma vie personnelle alors je ne trouve pas d'inspiration originale.
Cette famille d'escrocs est triste et sombre contrairement à la photographie du film qui est pop et colorée. Pourquoi avez-vous choisi un contraste comme celui-ci ?
Cette famille parcourt les rues de Los Angeles qui sont très lumineuses. Je pense que c'est le décor qui rend le film pop. Evidemment, il y avait des couleurs que je voulais utiliser, je voulais ces bulles roses. J'imagine que les images colorées sont toujours une invitation au voyage surtout dans ce genre de film qui est tout sauf réaliste.
Comment avez-vous réussi à construire ce mur d'où viennent les bulles roses ?
C'est la brillante équipe d'effets visuels qui s'est chargée de mettre en place ces bulles roses à travers une machine qui pouvait contrôler la taille, la vitesse et la couleur de ces bulles qui dégoulinent du mur. Il y a eu énormément de phases de test pour arriver au résultat que j'avais imaginé mais on a réussi. Et c'était vraiment drôle à tourner !
Evan Rachel Wood est vraiment incroyable dans la peau de Old Dolio, elle ressemble à une adolescente qui a du mal à devenir vraiment adulte. Comment s’est passé le tournage avec elle ?
C'était incroyable de travailler avec Evan, elle est très intuitive. Chaque acteur a une manière de travailler et les réalisateurs doivent s'adapter. Avec elle, j'avais l'impression qu'elle avait une longueur d'avance et qu'elle devinait mes directives avant même que je les prononce. Je n'avais jamais rencontré de personne comme elle.
Gina Rodriguez a été une véritable révélation et j'espère que les gens découvriront une autre facette d'elle dans ce film.
Et avec le reste du casting ?
Tout le monde était très impliqué sur le tournage et c'était vraiment très agréable. Richard Jenkins et moi avons beaucoup discuté du scénario. On s'est beaucoup chamaillé mais toujours avec bienveillance. C'est un acteur que j'admire et que je respecte beaucoup. De son côté, Debra Winger a préparé son rôle de manière très intense car elle va toujours au fond des choses. Enfin, Gina Rodriguez est également réalisatrice donc elle avait une plus grande vision d'ensemble et elle a vraiment trouvé les émotions justes dans son personnage. Pour moi, Gina a été une véritable révélation et j'espère que les gens découvriront une autre facette d'elle dans ce film.
Les parents d'Old Dolio lui ont appris à voler et à préparer des arnaques depuis l'enfance mais ne sont pas du tout expressifs et aimants avec elle. On dirait presque une secte parfois et certaines scènes dont dures pour Old Dolio…
Oui c'est vrai ! (rires) C'est un petit peu extrême mais je pense que toutes les familles ressemblent à des petites sectes dont il est parfois difficile de s'extraire. Toutes les familles ont leur vision de la vie avec une certaine éducation. Quand on quitte sa famille et qu'on s'ouvre au monde extérieur, on se rend compte que les autres familles sont totalement différentes et que chacune a sa propre manière de fonctionner. Et parfois la confrontation avec la réalité peut être douloureuse mais très intéressante. Effectivement, il y a certaines séquences qui sont assez rudes et déchirantes pour Old Dolio. Mais j'ai osé placer le curseur assez haut dans les moments dramatiques parce que je savais que j'avais créé des personnages assez délurés et atypiques pour laisser de la place à la comédie.
Kajillionaire a été sélectionné en compétition au festival de Deauville et va sortir au cinéma en France mais pas aux Etats-Unis. Comment est-ce que vous vivez cette période compliquée ?
On est encore en plein dedans aux Etats-Unis et les cinémas ne vont pas rouvrir de sitôt. Cette situation m'attriste mais je pense que le cinéma peut redevenir un lieu sacré et que tout le monde sera très heureux de pouvoir y retourner quand les salles rouvriront. En ce qui concerne Deauville, il s'agit du premier festival auquel je me suis rendue, j'y ai foulé mon premier tapis rouge et signé mes premiers autographes il y a quelques années. Ce sont des souvenirs précieux et je suis vraiment très heureuse que Kajillionaire ait été projeté là-bas.
Propos recueillis par Mégane Choquet le 11 septembre 2020.
La bande-annonce de Kajillionaire, au cinéma ce 30 septembre :