Le documentaire Les Joueuses, en salles cette semaine, c'est une plongée passionnante au coeur du vestiaire de l'équipe de football féminin de Lyon, qui s’est imposée au fil des années comme une des meilleures formations au monde.
D'entraînements en compétitions, de doutes en victoires, le film de Stéphanie Gillard, produit par Julie Gayet et récemment présenté au Festival d'Angoulême, plonge pour la première fois au coeur du quotidien de ces joueuses d’exception et invite à porter un nouveau regard sur la place faite aux femmes dans le sport : un univers où les valeurs de respect et d’ouverture seront les piliers de l’évolution vers l’égalité. Rencontre avec la réalisatrice quelques jours après le septième sacre européen des Lyonnaises.
AlloCiné : Comment le projet d'un documentaire sur une équipe de football féminin est-il né ?
Stéphanie Gillard : Le 7 septembre 2018, juste après la victoire des Bleus lors de Coupe du Monde en Russie, j'étais dans un bar pour l'anniversaire d'un copain. Il y avait le documentaire retraçant le parcours de l'équipe sur TF1, qui a été une déception pour moi, et puis on parlait de la Coupe du Monde féminine qui allait arriver... Je me suis dit qu'il était temps de faire un Les Yeux dans les Bleus avec une équipe de foot féminin. (Les Yeux dans les Bleus est un célèbre documentaire dans les coulisses de la victoire de l'Equipe de France masculine lors de la Coupe du Monde 1998, ndlr)
Quand j'ai parlé du projet à ma productrice Julie Gayet, elle m'a dit "banco". On est alors allé voir la Fédération et on a très vite vu que ce serait compliqué de faire ça au sein de l'Equipe de France. Donc, très rapidement, on s'est tourné vers l'Olympique Lyonnais. Quand on a parlé de l'idée à Jean-Michel Aulas, le président du club, il a dit : "C'est ok pour moi, il faut juste que j'aille en parler à mes joueuses pour savoir si elles sont d'accord."
On a l'impression qu'il ne pouvait y avoir meilleur club pour le documentaire "Les Joueuses" que celui de Lyon, dont le président a toujours su accorder une grande place au football féminin...
A plusieurs titres, Lyon était le meilleur endroit pour faire un film sur le football féminin. Cette équipe, elle raconte que lorsqu'on met les moyens, et lorsqu'on donne les mêmes moyens aux filles qu'aux garçons, elles réussissent de la même manière, voire mieux. Jean-Michel Aulas a eu cette audace. Il n'était pas le premier, il y avait d'abord eu Louis Nicollin avec Montpellier, mais Aulas a compris cet intérêt-là. Et c'est assez marrant de voir que les plus gros clubs européens sont en train de le suivre mais que certains sont encore très à la traîne. Le Real de Madrid vient seulement d'avoir sa section féminine ! Jean-Michel Aulas a donc été visionnaire à ce niveau.
Mais il n'y avait pas que cette raison qui fait que Lyon était le meilleur endroit pour un film comme celui-là. C'est un club qui a connu le foot amateur et aujourd'hui, il y a encore des joueuses de cette époque. Par ce biais-là, on pouvait raconter avec Les Joueuses toute l'évolution du foot féminin.
Rouge Distribution
Avec ce documentaire, l'objectif était-il de faire changer les mentalités par rapport à un sport très masculin ?
Au tout début, mon envie à moi était juste de faire un film sur une équipe de foot. Je suis comme Eugénie Le Sommer (attaquante de l'équipe, ndlr) : les filles ou les garçons, c'est pareil ! Moi, j'ai envie d'entrer dans une équipe, suivre une compétition en leur compagnie... Voir comment ça se passe dans une équipe, en fait ! Ma première envie, c'est celle-là. Après, comme je suis au sein de l'OL, forcément, ça va raconter beaucoup plus qu'une compétition et finalement, c'est ça qui m'intéresse le plus. J'ai toujours raconté la société à un instant donné, donc faire un film sur le football féminin, c'est forcément raconter la place des femmes dans la société. Forcément, ça allait parler plus que de football...
Je me suis concentré sur ces filles, comment elle sont entre elles, l'énergie qu'il y a dans ce groupe, leur personnalité, essayer vraiment de les faire connaître. Et à travers elles, faire comprendre ce que c'est qu'être une femme, aujourd'hui, qui fait du foot... OK, elles sont pros, elles ont les plus gros moyens, mais elles ne sont pas blasées par rapport à ça. Elles ont quand même conscience qu'elles ont de la chance et que c'est un combat qu'elles partagent avec toutes les femmes qui font du foot.
Qu'est-ce qui vous plaît tant dans ce sport au point d'y avoir consacré deux documentaires, "Une histoire de ballon", en 2006, centré sur des supporters africains suivant la Coupe de Monde à distance, et aujourd'hui "Les Joueuses" ?
J'adore le foot. De manière générale, j'aime bien le sport comme sujet de documentaire car je trouve que ça ne parle pas que de sport. Moi, je fais des documentaires, je n'invente pas des histoires. Et dans le sport, il y a plein d'histoires que ne sont pas que de l'ordre du sportif. Et puis le sport est un grand révélateur de la société, surtout le foot, qui est le plus médiatique, le plus populaire. Pour moi, c'est un matériau très intéressant pour faire des films.
Propos recueillis à Paris
La bande-annonce de "Joueuses" :
