Seuls 1000 cinémas sur 5000 sont ouverts aux Etats-Unis, qui totalisent 4 millions de cas de coronavirus à l'heure de ces lignes. Et même si certains tournages reprennent sous des mesures sanitaires drastiques, ce matin, Disney annonce que ses films comme ceux de la Fox sont repoussés (Avatar, Star Wars) et que d'autres, comme Mulan, perdent leur date de sortie. Pas (pour l'instant) de décalage des films Marvel depuis les annonces d'avril concernant Eternals et Black Widow.
Avec une pandémie mondiale bien installée et les salles de cinéma américaines globalement fermées, les studios américains semblent pessimistes, et certains partent du principe que les sorties ne reprendront pas avant avril prochain. Cela peut se déduire des nombreux décalages de blockbusters au printemps 2021. Autrement dit, la période mars 2020-mars 2021 pourrait devenir une année "blanche" pour les sorties cinéma.
Cependant, stratégiquement parlant, les majors n'écartent pas une réouverture mondiale des salles avant cette date, c'est la raison pour laquelle en octobre prochain, quelques blockbusters sont encore annoncés, de Wonder Woman 1984 à Snake Eyes: G.I. Joe Origins. En novembre, on trouve encore Black Widow, Mourir peut attendre ou Soul, le prochain Pixar.
Avant cela, en août et en septembre, les studios prévoient de sortir majoritairement des films qu'ils destinaient de toute façon aux plateformes ou qu'ils décident de ne plus sortir en salles mais en ligne. Une fois n'est pas coutume, c'est Disney qui a donné le la en juin dernier en choisissant de sortir Artemis Fowl directement sur Disney+ et non plus en salles. Dès lors, le ton était donné : quand un mastodonte comme Disney change ses plans aussi drastiquement, le reste de l'industrie suit majoritairement la même voie. Mais pas Warner Bros.
La stratégie Tenet
La Warner semble en effet déterminée à sortir Tenet dès que possible et ne pas attendre ce calendrier de reprise. Il en résulte une avalanche d'annonces de report du nouveau film de Christopher Nolan. Une chose est certaine : le long métrage n'aboutira pas sur une plateforme, comme l'a réaffirmé le PDG de AT&T (qui possède Warner) John Stankey. En attente d'une date officielle définitive, le studio envisage une sortie inhabituelle pour le film, qui tiendrait compte des circonstances et des variables imposées par le coronavirus.
Un plan de sortie assez inédit, comme en témoignent les propos de Toby Emmerich, Président de Warner Bros Group (via Deadline) :
Nous ne traitons pas Tenet comme une sortie traditionnelle "day-and-date" [partout dans le monde au même moment, NdlR] et notre marketing et idées pour sa distribution le reflèteront.
Autrement dit, à moins d'un revirement de dernière minute, Warner va sortir Tenet "là où il peut sortir" et les autres pays devront attendre pour le voir. Si cela se confirme, c'est un sacré pari, car le film de Nolan a coûté une fortune et ni son réalisateur (qui a des parts dans l'exploitation en salles) ni son distributeur n'ont intérêt à subir un échec retentissant, d'autant qu'il pourrait l'être pour l'industrie toute entière.
En effet, certains studios ont des films prêts à être placés dans les salles : Mulan (Disney), Top Gun 2 (Paramount), Morbius, Pierre Lapin 2 et Ghostbusters: Afterlife (Sony), entre autres... Plusieurs de ces blockbusters sont datés à 2021, d'autres n'ont plus de date, mais nul doute que si la pandémie recule dans les pays dont le box-office compte ou que le "plan Tenet" de Warner fonctionne, la concurrence envisagera de bouger à nouveau son calendrier pour suivre la même voie que le long métrage de Nolan. Pour le dire de façon un peu plus directe : les studios risquent de laisser Tenet essuyer les plâtres et s'engouffrer dans la brèche si le jeu en vaut finalement la chandelle.
Un peu de prospective... dans la limite du raisonnable
Personne ne sait comment va évoluer le coronavirus, ni quand et à quelle vitesse la pandémie va se résorber dans les pays où elle est hélas bien implantée. En revanche, le coronarivus a occasionné des changements dans la stratégie des studios. Certains qui étaient dans l'air du temps et se confirment, d'autres plus inédits :
- Les films "entre deux" comme les blockbusters sans casting internationalement reconnu pour drainer les gens en salles (Artemis Fowl), les films aux sujets "pointus" (USS Greyhound) et à moindre potentiel pour une sortie mondiale (Bill & Ted 3) peuvent sortir sur les plateformes, y trouver leur public, et éviter d'être déficitaires en salles de cinéma. Le contrecoup étant que les studios vont peut-être limiter encore un peu plus la prise de risques de sortir un film en salles : les films plus indépendants risquent de passer par la case "sortie directe sur plateforme".
- La salle de cinéma reste indispensable pour rentabiliser les mastodontes comme les Marvel, Fast & Furious 9 ou les Disney live (avec un dépassement potentiel du milliard de dollars de recettes par film) et même en cas de pandémie, les majors ont besoin des cinémas.
- N'avoir rien sorti au cinéma pendant une année va coûter à l'industrie. Cela va aussi pénaliser les petits distributeurs qui ne peuvent pas compter sur des films aux succès mondiaux pour envisager l'avenir et en attendant, n'ont pas d'argent entrant dans les caisses, à moins de recourir aux plateformes.
Dans quelle mesure ces tendances vont-elles devenir les indicateurs de demain pour les studios ? Seul l'avenir le dira. En attendant, les salles des cinémas français sont ouvertes et proposent des films actuels ou des ressorties : profitez-en ! Qui sait si cela va durer.
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La bande-annonce de "Tenet", en attendant de voir le film :