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    Park : entretien avec la réalisatrice Sofia Exarchou

    Entretien avec la réalisatrice Sofia Exarchou pour son premier long métrage, "Park", en salles depuis le 8 juillet en France, l'histoire d'une bande d'adolescents et pré-adolescents livrés à eux-mêmes dans le Village olympique d'Athènes à l'abandon.

    Tamasa Distribution

    AlloCiné : Quelle est la genèse de Park ? Etait-ce cet endroit, ses occupants ?

    Sofia Exarchou (réalisatrice) : La plupart des gens imaginent que ce film m'a été inspiré par le Village olympique d'Athènes, mais la vérité c'est que mon point de départ était de dresser le portrait d'un groupe d'enfants vivant dans un lieu abandonné et dans un environnement social ne leur laissant aucune échappatoire ni aucun espoir d'avenir. J'ai commencé à chercher cet endroit autour d'Athènes et c'est là que je suis tombée sur le Village olympique et son histoire. Il n'a été construit que pour les besoins des Jeux sans aucun plan d'urbanisation. Toutes ses maisons sont identiques, c'était celles des athlètes. Il est entouré d'une clôture, complètement isolé et proche de la route nationale, loin de tout quartier d'habitations.

    Cet endroit semble abstrait, comme s'il pouvait être de toute époque ou de n'importe où dans le monde et en même temps, il a une valeur symbolique forte pour la Grèce. Les Jeux de 2004 ont donné beaucoup d'espoir au pays, mais ont finalement marqué son effondrement. Il existe désormais comme un no man's land non pas à cause d'une guerre ou de quelque chose de ce genre, mais par des Jeux. Et je trouve fascinant d'en parler. (...) Je voulais montrer la contradiction entre l'image de cette nouvelle génération et cet endroit "hanté". L'histoire de ce "grand spectacle" et l'effondrement après le "spectacle".

    On voit que les jeunes gens qui vivent dans ce Village sont désœuvrés et livrés à eux-mêmes. Depuis quand la situation est-elle comme ça ?

    Le Village est réel, mais Park n'est pas un documentaire. C'est le mélange d'un environnement réel et de personnages et d'histoires imaginaires. (...) Lorsque j'ai commencé à écrire le scénario, je savais que je ne voulais pas de narration forte ou de directions imposées aux enfants. Je voulais être honnête avec cette réalité, le fait de n'avoir aucun rêve fort quand on vit dans un tel endroit. (...) Le rêve de ces personnages est juste de s'en échapper. Je voulais que le public essaye de pénétrer cette psychologie à chaque moment du film. Ceci afin que les spectateurs quittent le cinéma avec un ressenti de ce que ça représente de vivre dans un lieu comme celui-là et lorsque je dis cela, je fais référence à tout endroit qui aurait les mêmes problèmes. (...) L'isolement, le besoin de se sentir vivant, l'absence de parents, l'envie d'affirmation, d'acceptation et d'acceptation de soi.

    Tamasa Distribution

    Vous parlez de réalisme sans tomber dans le documentaire. Était-ce difficile de maintenir cet équilibre ?

    C'était l'un des défis les plus difficiles du film : tenter de combiner ce réalisme cru et très intense avec une approche stylistique très précise et un symbolisme fort. C'était compliqué, mais c'était l'idée principale depuis le début donc j'ai essayé de l'appliquer dans tous nos choix durant la création de ce film (casting, mise en scène, costumes, etc.).

    Vous avez engagé des acteurs non professionnels, comment avez-vous travaillé avec eux sur leurs performances ?

    Nous avons fait une première session de casting pendant six mois et auditionné plus de 500 enfants. Venus d'écoles, d'écoles de comédie, d'écoles pour immigrants. Nous avons aussi fait du casting sauvage. Dans la dernière étape de casting, nous avons commencé des auditions de groupes avec des jeux d'improvisation pour créer un groupe de garçons qui irait bien ensemble, pourrait communiquer et [dont les membres] se reposeraient les uns sur les autres. (...) Au début des répétitions, j'ai beaucoup improvisé avec les enfants pour déterminer quel caractère préexistait chez eux. Je voulais savoir qui était le plus agressif, le plus drôle, le plus fort et qui serait le meneur. Le scénario a créé les personnages mais je voulais voir les vrais enfants à l'intérieur des personnages.

    Toutes les scènes étaient écrites et le scénario très élaboré -j'ai travaillé deux ans dessus. Mais lorsque j'ai commencé ces répétitions avec les enfants, beaucoup de choses sont venues d'eux et sont devenues très importantes pour le film. Hormis les deux protagonistes principaux, aucun des enfants n'avait vu le scénario. Ils savaient juste qu'ils étaient un groupe d'amis vivant dans le Village olympique pour l'été. Je leur disais "on a une scène dans la douche, vous avez très chaud, quelqu'un essaye d'ouvrir les robinets. Jouons avec ça" (...).

    Tamasa Distribution

    Votre personnage principal féminin, Anna, est le plus important de tous, pouvez-vous expliquer pourquoi elle est si spéciale pour l'histoire que vous racontez ?

    Anna est la seule fille du groupe de garçons. C'est une ancienne athlète qui s'entraînait pour les Jeux mais a été victime d'un accident et contrainte d'abandonner. Elle était si jeune et pourtant déjà à la retraite dans une des maisons du Village. Ce passé et son histoire sont visibles sur les blessures de son corps. Lorsque j'écrivais, elle était le personnage qui représentait le plus le Village et le cœur de l'histoire. Les Jeux et les conséquences des Jeux. (...) L'allégorie qu'elle porte, ses blessures, sa sensibilité et sa douleur comme le fait qu'elle est le seul personnage féminin parmi ces garçons la rend, je crois, si particulière à notre film.

    Depuis sa première projection en 2016, sortir Park en France a pris du temps. Est-ce devenu plus difficile pour les films indépendants comme le vôtre de sortir dans les cinémas et pas sur une plateforme ?

    Oui, c'est devenu de plus en plus difficile pour les films indépendants de sortir en salles et c'est très triste. Je remercie d'autant plus Tamasa Distribution pour leur intérêt pour notre film et pour prendre ce risque.

    Tamasa Distribution

    Pouvez-vous nous parler de votre prochain projet ? Est-il terminé et si tel est le cas, quand pensez-vous qu'il pourra sortir ?

    Je travaille actuellement à mon second long métrage qui s'appelle Animal. Les personnages principaux sont un groupe d'animateurs qui passe tous les soirs sur la scène d'un grand hôtel de classe B sur la côte d'une île grecque. L'histoire de cet été sauvage se déroule sous les projecteurs, entre des jeux amusants, des spectacles de danse et des rencontres nocturnes en coulisses. Le scénario a été choisi pour participer au prestigieux Atelier du Festival de Cannes, qui s'est hélas déroulé en ligne cette année. Nous sommes en pré-production, nous auditionnons nos personnages principaux et cherchons les deux lieux de tournage principaux.

    "Park" est sorti le 8 juillet et est actuellement en salles :

    Park
    Park
    Sortie : 8 juillet 2020 | 1h 40min
    De Sofia Exarchou
    Avec Dimitris Kitsos, Dimitra Vlagopoulou, Enuki Gvenatadze
    Presse
    3,5
    Spectateurs
    3,0

     

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