INNOCENTS - THE DREAMERS (2003)
Le film avec lequel tout a commencé. Littéralement. Car il s'agit du premier vrai rôle d'Eva Green au cinéma, après des expériences théatrales et une silhouette dans La Pianiste de Michael Haneke. Et la comédienne prouve immédiatement qu'elle n'a pas froid aux yeux en tournant pour Bernardo Bertolucci, cinéaste sulfureux réputé pour pousser ses acteurs dans leurs retranchements. Dans cette histoire d'éveil sexuel sur fond de Mai 68, la fille de Marlène Jobert impose sa présence et sa voix grave, ainsi que sa sensualité lors des nombreuses scènes de nudité, alors que le réalisateur la magnifie en faisant d'elle une incarnation vivante de la Vénus de Milo. Hommage au cinéma de la Nouvelle Vague tout autant qu'à son propre Dernier Tango à Paris, The Dreamers divise la presse et le public, mais son actrice principale est une vraie révélation (plus encore que Louis Garrel, l'un de ses partenaires), et elle fait l'unanimité.
CASINO ROYALE (2006)
L'explosion. Après le faux départ Kingdom of Heaven, que la version longue a toutefois permis de réévaluer, c'est Casino Royale qui révèle Eva Green au grand public mondial. Reboot des aventures des James Bond, le long métrage ne partait toutefois pas gagnant, entre le choix d'un acteur blond qui a divisé certains fans (alimentés par des photos peu flatteuses publiées par un tabloïd anglais au moment de sa présentation officielle sur une Tamise déchaînée) et une saga ringardisée par les Jason Bourne. Mais la mission est accomplie haut la main, avec une approche plus brute et réaliste. Humaine aussi, ce à quoi Vesper Lynd concourt grandement, en alliant glamour et caractère, renvoyant notamment les ardeurs machistes de l'espion à l'époque de la Guerre Froide avant de réussir à percer sa carapace. Le héros y apparaît vraiment amoureux de la James Bond Girl, qui n'est pour une fois pas un trophée interchangeable.
Un traitement qui doit beaucoup à la prestation de la comédienne et rend sa fin tragique d'autant plus déchirante. Surtout que cette dernière ne reste pas sans suite ni conséquence, car sa trahison et son décès hantent l'espion incarné par Daniel Craig dans les films suivants, où le personnage semble porter le poids de cette disparition tout autant que la mort qu'il sème autour de lui laisse de vraies cicatrices. Et ce devrait de nouveau être le cas dans Mourir peut attendre, son cinquième et dernier opus dans lequel l'ombre de Vesper devrait planer jusque dans la chanson aux accents funestes de Billie Eilish, où il est notamment question d'avoir cru à des mensonges. Avec un retour d'Eva Green dans des flashbacks ?
PERFECT SENSE (2012)
Sa sortie dans nos salles a été quelque peu confidentielle, mais Perfect Sense a fait un peu plus de bruit cette année, lorsque beaucoup ont réalisé que deux des symptomes du coronavirus, la perte du goût et de l'odorat, faisaient étrangement penser au postulat de départ du film de David Mackenzie (Comancheria), dans lequel les gens perdent leurs cinq sens les uns après les autres à cause d'une épidémie. Et que dire de son affiche, qui nous montre Ewan McGregor et Eva Green portant des masques ? Débutant comme un récit de science-fiction mâtiné d'horreur, le long métrage glisse progressivement vers le drame romantique qui déroute par moments mais finit par nous emporter grâce à son couple de stars au diapason. La comédienne y tient d'ailleurs l'un de ses plus beaux rôles, qui mérite d'être (re)découvert. Et pas seulement lorsqu'il colle à l'actualité.
DARK SHADOWS (2012)
Il y avait aussi Miss Peregrine, dont elle tient le rôle central, ou Dumbo, qui lui offre une scène poétique et aérienne avec l'éléphant volant. Mais c'est avec Dark Shadows qu'Eva Green fait ses premiers pas dans le monde de Tim Burton. Une entrée fracassante même, avec l'une des rares scènes de sexe de la filmographie du réalisateur, qui adapte ici une série télévisée des années 60 avec ses deux acolytes réguliers de l'époque, Johnny Depp et Helena Bonham Carter. Et, donc, la comédienne française qui, après A la croisée des mondes et avant Penny Dreadful, prête ses traits à une sorcière, personnage qui lui collera à la peau par la suite, alors qu'elle se révèle ici plus qu'à l'aise dans les univers gothiques.
THE SALVATION (2014)
Entre cinéma et télévision, grosses productions et films indépendants, Eva Green marque l'année 2014 de son empreinte, en étant présente dans pas moins de quatre longs métrages et une série. Moins imposants, sur le papier, que les suites de 300 et Sin City, White Bird et The Salvation la plongent dans deux ambiances différentes : d'un côté, un thriller à la Twin Peaks sur fond de disparition qui gratte le vernis du rêve américain sous la direction de Gregg Araki ; et de l'autre, un western européen, sec, signé par le danois Kristian Levring et dans lequel son personnage, avide de vengeance, est muet. Régulièrement utilisé par les cinéastes qui l'ont dirigée, pour souligner son mystère et/ou sa sensualité, le regard perçant de l'actrice française devient ici l'un de ses principaux moyens d'expression dans cet opus, certes passé inaperçu malgré sa présentation, hors-compétition, au Festival de Cannes, mais qui nous dévoile une autre facette de son talent.
SIN CITY - J'AI TUÉ POUR ELLE (2014)
Quand Frank Miller a de la suite dans les idées sur grand écran, Eva Green est dans le coin. Quelques mois après la sortie de 300 - La Naissance d'un Empire, on la retrouve dans Sin City - J'ai tué pour elle, tourné de la même manière, sur fonds verts, pour un rendu visuel saisissant et à mi-chemin entre le cinéma et la bande-dessinée. Surtout dans cet opus qui, comme son prédécesseur, également co-réalisé par Robert Rodriguez, joue avec les codes du polar dans un film en noir et blanc émaillé par quelques éclats de couleur. Dont les yeux verts et les lèvres rouge sang de la comédienne, star de la promotion du long métrage… mais pas comme elle l'aurait souhaité, puisque la MPAA (Motion Picture Association of America, organisme en charge de la classification outre-Atlantique) censure une affiche sur laquelle sa chemise est jugée trop transparente.
Une fois la polémique passée, l'actrice met son côté mystérieux au service d'Ava Lord, femme fatale jusqu'au bout des ongles qui fait chavirer bon nombre de protagonistes masculins, à commencer par Dwight, de retour mais sous les traits de Josh Brolin et non plus Clive Owen. Moins bien accueilli que son prédécesseur, Sin City - J'ai tué pour elle ne récolte que 40 millions de dollars dans le monde, et les chances de voir une nouvelle suite semblent aujourd'hui quasi-nulles, alors qu'un projet de série est dans les cartons.
PENNY DREADFUL (2014 - 2016)
Sur petit écran aussi, Eva Green a été la star de 2014. Et des deux années suivantes, puisque Penny Dreadful s'est achevée en 2016, avec une vraie fin, au terme de sa troisième saison. Produite par Sam Mendes et crée par son co-scénariste de Skyfall et 007 Spectre, John Logan, la série nous entraîne dans l'Angleterre victorienne le temps d'un récit qui convoque quelques-unes des grandes figures de la littérature fantastique. Au milieu de Dorian Gray ou de Victor Frankenstein et sa créature, la comédienne incarne la mystérieuse Vanessa Ives, cœur battant d'une intrigue dont elle est le fil rouge. Plus encore que chez Tim Burton, Eva Green et sa beauté sombre paraissent comme un poisson dans l'eau au sein de cet univers gothique où son personnage de médium est tiraillé par les forces surnaturelles qui lui font parfois vivre un enfer. Dans un casting tout aussi impeccable, elle est l'une des forces de ce show plein qualités, dont le spin-off a été lancé en 2020. Sans elle.
PROXIMA (2019)
L'échec critique et public (110 940 entrées dans l'Hexagone) de D'après une histoire vraie aurait pu la refroidir et l'éloigner à nouveau du cinéma français, qu'elle n'avait pas revu depuis la sortie d'Arsène Lupin en 2004. Il n'en a heureusement rien été et Alice Winocour lui a même offert l'un de ses rôles les plus marquants à ce jour, assorti d'une nomination au César de la Meilleure Actrice 2020, remporté par Anaïs Demoustier grâce à Alice et le maire. Dans Proxima, Eva Green est Sarah, une astronaute sur le point de s'envoler pour une mission qui la tiendra éloignée de sa fille pendant une année entière. Au-delà des héros de l'espace dont la vie ne tient qu'à un fil, la réalisatrice se focalise sur l'humain dans ce drame qui regarde vers le ciel avec les pieds ancrés sur Terre. Seule femme dans ce monde résolument masculin (et machiste), la comédienne y livre une prestation particulièrement juste et émouvante dans la peau de ce personnage tiraillé entre son rêve et sa réalité, et se révèle être l'étoile de ce beau portrait aux accents documentaires.
La série "The Luminaries", qui vient de débuter en Grande-Bretagne, rejoindra-t-elle cette liste ?