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    Judd Apatow : "Je me sens moins obligé d’être drôle tout le temps"
    Emmanuel Itier
    Emmanuel Itier
    -Correspondant
    Basé à Los Angeles, Emmanuel Itier accompagne AlloCiné sur les sorties américaines, en assurant interviews/junkets et couverture d’événements US.

    Pour son retour derrière la caméra, Judd Apatow signe avec "The King of Staten Island" une comédie empreinte de mélancolie, un virage dans la carrière du roi de l'humour trash.

    Universal Pictures International France

    AlloCiné : Que vouliez-vous exprimer à travers The King of Staten Island ?

    Judd Apatow : Pete Davidson est un ami, et je savais qu’il avait beaucoup souffert de la mort de son père, un pompier décédé lors des attentats du Wall Trade Center. Nous en parlions depuis des années. En plus, cette douleur intime se conjuguait avec une douleur planétaire. Nous avons parlé de la façon dont cette perte a affecté sa vie et son état mental. Et j’ai trouvé courageux de sa part de vouloir en faire un film. C’était l’occasion pour lui d’explorer des thématiques ignorées par le cinéma.

    Comment avez-vous fait vôtres ces thématiques ?

    Parfois on peut être pétrifié par le chagrin. Dans ces cas-là, il est très compliqué de se détacher de cette douleur. Et il peut arriver qu’un autre traumatisme vous permette de vous la faire oublier. Dans le film, c’est le fait que la mère du héros ait une liaison avec un autre pompier. Cela l’oblige à se confronter à tout ce qu’il avait enfoui profondément en lui. Dans mon film, cette situation dramatique prend une tournure comique. La comédie se nourrit souvent du drame. Les vies ratées et les gens qui touchent le fond peuvent être des choses très drôles.

    A quelles difficultés avez-vous été confronté sur ce film ?

    L’équilibre entre le drame et la comédie a été délicat à trouver. Je voulais que cette histoire sonne vrai, que les spectateurs y croient. La vraisemblance était la priorité, quitte à mettre les blagues de côté. C’est une histoire dramatique avec de l’humour. Je tenais à garder cela en tête, et à ne pas céder à la tentation du rire pour le rire, comme j’ai pu le faire par le passé. Dans tous les films, on décide de la part de réalité qu’on désire y injecter. A vous de déterminer le genre d’humour dont vous voulez. Mon film est-il drôle parce qu’il est crétin, ou parce que les personnages sont défoncés ? Le monde que je décris est-il vraiment la réalité ? On voit souvent des films qui travestissent la réalité, qui la stylisent et la tordent. Pour mon film, j’ai souhaité rester au plus près du réel.

    Que souhaitez-vous que votre film apporte aux spectateurs ?

    Mon film parle de deuil soudain, du traumatisme qui en découle et de la façon dont on peut en guérir. On peut relier ces thématiques à ce que nous vivons tous en ce moment. Il parle aussi de ceux qui prennent tous les risques pour aider les autres, les pompiers, les infirmières… Pete Davidson voulait que ce film rende hommage à l’héroïsme de ses parents. Sa mère était infirmière pour les écoles et les hôpitaux. Nous nous sommes longuement interrogés sur l’engagement de ses parents.

    Le fait que Pete Davidson soit aussi émotionnellement impliqué a-t-il été un obstacle pour certaines scènes ?

    Les scènes où il devait explorer ses émotions les plus secrètes pour les exprimer devant la caméra ont été les plus difficiles à tourner. Et il allait bien souvent plus loin que je ne lui avais demandé. Cela m’aurait gêné d’exiger de lui une telle implication. Certaines scènes sont tellement intenses que nous n’avons eu besoin que de deux prises pour les mettre en boîte.

    En quoi ce film vous a-t-il changé ?

    The King of Staten Island m’a permis d’explorer une part plus dramatique. Je me sens moins obligé d’être drôle tout le temps. J’ai réalisé beaucoup de documentaires au cours de ces 5 dernières années. Ces films m’ont permis de créer des moments qui n’ont rien d’humoristique. Et fréquenter Pete Davidson a également été riche d’enseignements. Il se bat sans cesse contre le chagrin. Pete entend aider les autres avec ce film. Son courage m’inspire et m’incite à aider les autres.

    La bande-annonce de The King of Staten Island :

     

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