Le 2 juillet 1980, il y a tout juste 40 ans, les spectateurs français découvraient dans leurs salles obscures le péplum érotique Caligula. Une oeuvre signée par le pape auto-proclamé du film érotique, l'italien Tinto Brass, qui s'était fait remarquer en 1976 avec Salon Kitty, l'histoire d'un luxueux bordel berlinois sous le troisième Reich, transformé en repaire parfait par la Gestapo pour espionner sa clientèle déviante. Caligula obtiendra un beau score en fin de carrière : plus de 1,4 millions de français ont découvert les délires du règne de l'empereur romain fou et sadique. Entre scènes d'orgies et bacchanales infernales, meurtres et supplices sadiques, humiliations et complots, le spectacle offert, déviant et d'un kitsch hallucinant, louchant ouvertement vers le Satyricon de Fellini, fait quand même son petit effet.
Ci-dessous d'ailleurs, la bande-annonce du film...
Le réalisateur quant à lui n'est pas peu fier de ses prises de guerre sur ce film : il réunit en effet un casting trois étoiles de talents qui ont accepté de se laisser embarquer dans cette aventure. Il y a d'abord l'immense acteur John Gielgud, l'acteur shakespearien par excellence, qui campe Nerva. La grande actrice Helen Mirren à la solide carrière sur les planches et au cinéma. Un Malcolm McDowell sous les traits de l'empereur fou, quelques années après sa petite virée d'ultra violence chez Stanley Kubrick dans Orange mécanique. Sans oublier bien entendu de donner une mention toute particulière au vénéré Peter O'Toole, qui incarne un empereur Tibère agonisant et tout aussi déviant que son jeune successeur Caligula. Mais, à l'époque, l'acteur est plus au creux de la vague, addict à la drogue, que sur les sommets des dunes de sable de sa période Lawrence d'Arabie...
La genèse de Caligula remonte à 1972, époque à laquelle la première version du scénario est écrite par le réalisateur Roberto Rosselini, puis repris par le grand auteur et scénariste Gore Vidal, qui avait signé les scripts de très grands films ou chefs-d'oeuvre hollywoodiens, comme Le Gaucher d'Arthur Penn; Soudain l'été dernier, le péplum légendaire Ben-Hur avec Charlton Heston, ou encore celui de Paris brûle-t-il ? Les principales prises de vue de Caligula sont tournées d'août à décembre 1976 aux Dear Studios de Rome, où s'étaient également déroulées les prises de vue du Cléopâtre de Joseph L. Mankiewicz en 1963. Plus de 2500 comédiens furent mobilisés, pour près de 3600 costumes créés, dont 26 pour le seul Caligula. Le budget de ce péplum érotique est pas loin d'être pharaonique, surtout si l'on considère le genre auquel il appartient : 17,5 millions de dollars. Si les costumes ont coûté très chers, ce sont les décors qui se taillent la part du lion de ce budget, et que l'on doit au chef décorateur réputé Danilo Donati, qui travaille régulièrement avec Federico Fellini mais aussi avec Pier Paolo Pasolini.
Le renvoi et le désaveu
Qu'est-ce qui a bien pu conduire Tinto Brass à renier purement et simplement son film ? Un mot, ou plutôt un nom : Bob Guccione. Producteur du film et homme d'affaire possédant la publication de charmes Penthouse, ce dernier n'a d'ailleurs pas hésité à battre le rappel auprès de ses Penthouse Pets - les playmates du magasine- pour participer au tournage et donner de leur personne...
Mais alors que Tinto Brass voulait faire de son film une oeuvre baroque et érotique, Bob Guccione se saisit du film en post-production, après avoir viré le réalisateur, pour y insérer avec son assistant Giancarlo Lui de nombreuses scènes pornographiques et sanglantes; la plupart tournées à l'insu de Tinto Brass. Des scènes entières sont aussi réécrites et retournées par Giancarlo Lui... Résultat : un scénariste (Gore Vidal) qui demanda ultérieurement à être retiré de l'affiche; un procès intenté par une playmate de Penthouse qui estima que ses scènes X nuisirent considérablement à la suite de sa carrière; et un réalisateur qui renia son oeuvre : le naufrage de Caligula fut intégral.
S'ajoute à cela le fait que le film subit les affres de la censure, quand il ne fut pas carrément interdit comme en Australie. De fait, il circule plusieurs montages du film. La version dite "intégrale" correspond à une durée de 148 min; c'est à dire en incluant les scènes de Bob Guccione. En 1981, ce dernier autorisa un remontage du film, ce qui porta sa durée à 105 min. C'est celle que les spectateurs français découvrirent en salle. En 1999, une nouvelle version du film de 102 min voit le jour. On a longtemps spéculé sur une version de 210 min du film, montrée en Italie et à Cannes en marge du Festival; mais quoi qu'il en soit, jamais Tinto Brass n'a pu apposer son director's cut... Si ces deux versions vous intéresse, ne serait-ce que pour faire la comparaison, sachez qu'elles furent éditées en France en DVD dans deux éditions séparées. L'une contenant la version du film interdite aux moins de 16 ans; l'autre strictement interdite aux moins de 18 ans, film X oblige. Caligula, une fresque déviante, hypnotique et malade, qu'il serait tout bonnement impossible à refaire aujourd'hui.