AlloCiné : Dans l'épisode de Demain nous appartient diffusé vendredi, Marianne a été violée par l'homme qui s'en était déjà pris à Amanda quelques épisodes auparavant. Comment avez-vous réagi lorsque vous avez appris ce que les scénaristes réservaient à votre personnage pour cette nouvelle intrigue ?
Luce Mouchel : J’étais très contente que les auteurs aient décidé de me confier un thème aussi lourd, aussi fort. Ça m’a fait super plaisir. Et je trouvais ça important d’aborder la question du viol à travers ma génération, parce qu’avec Amanda, puis Marianne, ce sont plusieurs générations de femmes qui sont touchées par ce prédateur.
C’est important pour vous qu’une série comme Demain nous appartient, diffusée à une heure de grande écoute sur TF1, s’attaque à des sujets de société forts et importants, comme c’est le cas ici avec les violences faites aux femmes ?
Oui, c’est aussi une des missions d’une série comme Demain nous appartient : mettre au jour des choses d’actualité très fortes et très sensibles. Donc si une série quotidienne comme la nôtre, qui est extrêmement regardée, peut s’emparer d’un sujet tel que les violences faites aux femmes, c’est génial car cela permet de sensibiliser un maximum de personnes.
Comment va réagir Marianne après le viol dont elle a été victime ? Est-ce qu’elle va garder cela pour elle dans un premier temps ou est-ce qu’elle va en parler rapidement à ses proches ?
Elle va essayer de garder ça pour elle, parce que c’est Marianne et qu’on sait que c’est quelqu’un qui n’est pas très à l’aise avec ses émotions. Elle a plutôt tendance à refouler et à dire "Allez, on avance". Mais là ça ne va pas se passer comme d’habitude. Ça va être très difficile pour elle de vivre avec un secret aussi lourd, donc elle va elle-même être prise à son propre piège. Elle refuse d’en parler, elle veut effacer ce qui s’est passé, mais finalement ça va être très difficile et elle va finir par se confier.
On la sentait déjà affectée par ce qui était arrivé à Amanda, on imagine que le fait qu’elles aient maintenant été violées par le même homme va les rapprocher encore plus et les forcer à faire front ensemble pour retrouver leur agresseur…
Ce qu’elles ont vécu est si terrible qu’elles ne peuvent pas faire autrement que de se rapprocher et d’être soudées. Et puis il y a une histoire de générations, il y a un petit transfert maternel qui se fait. Mais ce qui est certain c’est qu’elles vont porter toutes les deux ce qui leur est arrivé de manière assez forte. Même si c’est difficile d’être soudées autour d’un sujet pareil. Bien sûr elles n’ont pas vraiment le choix, mais elles vont en tout cas faire le choix de s’en parler. Et je n’imagine pas qu’elles auraient pu garder ça pour elles l’une et l’autre. Il fallait qu’elles s’entraident et qu’elles puissent se sauver l’une l’autre en partageant ça.
Cette arche narrative vous donne l'occasion de partager de nombreuses séquences avec Marion Christmann, l'interprète d'Amanda. Comment s'est passée cette collaboration ?
On ne se connaissait pas bien et on a eu beaucoup de plaisir à se rencontrer. Ça a tout de suite bien fonctionné entre nous, il y avait beaucoup d’évidences. Beaucoup d’humour aussi, parce qu’il en faut lorsqu’on aborde des sujets pareils, pour pouvoir traverser tout ça de manière "légère" sur le plateau. Je pense que c’était bien de se rencontrer sur une intrigue comme celle-ci. On s’est vraiment découvertes et on s’est bien marrées.
Quel impact ce viol va-t-il avoir sur la relation amoureuse qu'entretient Marianne avec Renaud ?
Il va y avoir un impact. C’est tout ce que je peux vous dire (rires). Mais oui, bien sûr, on s’en doute, il y aura un avant et un après pour Marianne et Renaud.
On imagine que cette intrigue n’a pas dû être facile à tourner. Est-ce qu’il y a une scène en particulier que vous retenez comme particulièrement éprouvante ?
Contrairement à Marion, la scène du viol à proprement parler était beaucoup plus soft et plus courte, parce qu’on n’a pas tout filmé. Mais c’est plutôt l’idée que je m’en faisais qui était compliquée. Je me disais "Cette femme est en train de se faire violer" et c’était évidemment assez dur à intégrer. Même si on ne filmait pas la scène, il fallait bien que je l’intègre pour pouvoir en ressortir quelque chose et avoir des émotions justes à jouer dans les scènes suivantes. Il fallait que je me raconte dans ma tête que ce type avait violé Marianne. C’est plutôt ça qui a été difficile sur cette arche.
Mais je ne peux pas vraiment dire que c’était "dur". Je suis comédienne et il n’y a pas vraiment de sujets qui sont durs à jouer, mises à part peut-être des choses qui me touchent personnellement bien sûr. Si j’avais moi-même été violée dans ma vie, je pense que ça aurait été une autre affaire. Mais il se trouve que ce n’est pas le cas, dieu merci. Par contre je pense que ça a été plus difficile pour Marion qui a vraiment eu la scène du viol à jouer. Ils l’ont refaite plusieurs fois, donc sans vouloir parler à sa place, je pense que ça n’a pas dû être commode. Mais heureusement l’humour est là pour désamorcer tout ça entre les prises. L’humour c’est juste de la distance, ça permet de ne pas plonger complètement dans l’affaire et de ne pas devenir fou. C’est pour ça que c’est important sur un tournage. Et avec Marion il y en a eu beaucoup. La preuve, je l’appelle "jeune pouce" et elle m’appelle "vieille bique" (rires). C’est un petit couple qui marche bien.
Présentée au départ comme très forte, voire comme quelqu’un d’assez dur, Marianne a peu à peu fendu la carapace et s’est montrée plus vulnérable depuis environ un an et demi, avec le retour à Sète d’André, son ex-mari, puis son combat contre le cancer. Ça vous plaît de pouvoir explorer ce registre plus fragile ?
Oui, c’est plus intéressant. Je pense que les auteurs ont vu qu’il y avait un certain nombre de facettes de jeu que je pouvais déployer et ils ont eu envie de s’en servir. Ils ont bien vu que les dehors un peu "dictatoriaux" de Marianne étaient en réalité une défense. Si on commence à déverrouiller tout ce qu’elle a mis en place pour gérer et cacher ses émotions, on voit que c’est une personne très humaine, fragile. Ce n’est pas toujours facile pour elle, car elle a traversé beaucoup de choses dans la vie, mais Marianne a beaucoup de cœur et beaucoup de fragilité. Et c’est ça que j’aime énormément chez elle. C’est toujours intéressant de jouer quelqu’un de fort quand on sait que ça cache en réalité beaucoup de choses qu’on ne veut pas montrer. Pour un acteur c’est du petit-lait. C’est toujours plus intéressant de jouer des contradictions.
Une partie du passé de Marianne a été explorée à travers le retour d’André ou à travers les raisons qui avaient poussé Anna à quitter Sète il y 18 ans. Est-ce que vous aimeriez que les scénaristes explorent bientôt d’autres zones d’ombre de son passé et qu’on en apprenne plus sur les autres hommes qu'elle a pu fréquenter, ou sur sa famille dont elle ne parle jamais ? Car si on part du principe que Thomas Delcourt est le neveu d’André, on peut aussi supposer que Marianne a peut-être des frères et sœurs qu’on n’a encore jamais vus...
Oui, j’aimerais bien. Je n’y avais jamais pensé pour tout vous dire, vous me donnez l’idée. Je vais aller en parler à la production (rires). Mais j’aimerais beaucoup oui et je me dis que ça arrivera peut-être. C'est vrai que ce serait bien qu’un frère débarque à Sète par exemple. C’est toujours bien quand des membres de la famille qu’on n’a jamais vus arrivent et foutent un peu le désordre dans tout ça. Que Marianne apprenne qu’elle a un frère dont elle n’a jamais soupçonné l’existence. Ou une sœur jumelle (rires). Mais ce serait difficile de me trouver une jumelle je pense.
Ça pourrait être intéressant pour vous de jouer deux rôles, non ?
Ah mais oui, voilà, ça ce serait super ! Comme ça je tournerais deux fois plus (rires). Mais bon il y a déjà eu ça un peu avec la première femme d’Antoine, jouée par Elisa Sergent, même si c’était un sosie et pas vraiment sa jumelle. Donc oui, pourquoi pas, ça me plairait beaucoup.
Un peu plus tard cet été, l’intrigue tournera autour de l’accouchement de Chloé (Ingrid Chauvin) et de la venue au monde d’une nouvelle petite-fille pour Marianne. Est-ce qu’on peut penser que cela va parvenir à lui redonner le sourire ? Est-ce que vous tournez des choses un peu plus gaies en ce moment ?
Oui, bien sûr, ça va faire du bien à tout le monde. C’est léger une naissance. Et c’est traité sur le ton de la comédie donc je pense que le public va se régaler.
André sera-t-il à nouveau de retour pour l’accouchement de Chloé ?
Oui, il revient pour jouer les grands-pères (rires). Et comme toujours ça va donner lieu à des scènes très cocasses entre lui et Marianne. Des scènes de comédie très bien écrites. On se régale en général quand il revient, et on se connaît depuis longtemps Vincent Nemeth et moi donc c’est rigolo.
Le tournage de Demain nous appartient a redémarré depuis un mois. Comment avez-vous vécu la reprise post-confinement ?
Ça se passe hyper bien, franchement. Au début on était un peu frileux, on se demandait comment ça allait se passer avec toutes les mesures sanitaires, car la charte est volumineuse et sérieuse. Il y a eu beaucoup de précautions de prises. Et je pense que ça nous paraissait une montagne. Avec notamment ces contraintes de distances, de masques, ou encore le fait que les habilleuses ne puissent pas toucher nos vêtements. Et finalement on se fait à tout, c’est ça qu’il faut dire. Il y a plein de choses qui sont très agréables. C’est beaucoup plus calme sur le plateau et au HMC [habillage, maquillage, coiffure, ndlr] par exemple. Parce qu’avec un masque, je ne sais pas si vous avez remarqué, on parle moins (rires). Ça permet une concentration différente. Je ne dis pas qu’il faut continuer avec des masques, évidemment, mais l’atmosphère est en tout cas plus concentrée et à la fois très détendue. Donc c’est assez agréable. Et on a vraiment intégré toutes ces mesures.
Avec les tournages qui reprennent peu à peu pour cet été et la rentrée, avez-vous d’autres projets à venir en dehors de la série dont vous pouvez parler ?
Oui, j’ai des projets au théâtre. Je vais faire un truc très rigolo. Il y a un site qui a été créé durant le confinement qui s’appelle Direct au théâtre et qui est suivi par pas mal de gens. Durant le confinement de nombreux théâtres nationaux ont proposé des captations de leurs pièces, et sur ce site il se trouve qu’on joue en direct des pièces de théâtre. Et moi j’ai écrit un texte sur l’enfance, ou plutôt en langue d’enfant, que je vais jouer en septembre, en direct, trois soirs par semaine sur Zoom. Et c’est un tremplin pour peut-être ensuite, qui sait, le jouer en live dans un théâtre avec des spectateurs. Et ensuite j’aurai un autre projet au théâtre mais plus tard. Et au niveau des tournages, rien d’autre. Il faut attendre que ça reparte.
Propos recueillis le 16 juin 2020 par téléphone.