Vivre, ou plutôt survivre, avec le poids des traumatismes et des regrets qui hantent le quotidien. Tel est le sujet de l'excellent premier film de Christophe Charrier, Jonas, diffusé ce 1er mai, à 21 heures, sur Arte. Présenté au Festival de la fiction TV de La Rochelle en 2018, le long-métrage avait particulièrement marqué les esprits lors de sa projection. Et pour cause, il fut récompensé par trois prix : celui de la meilleure musique, de la meilleure réalisation et celui du meilleur téléfilm. Un succès.
Jonas sur Arte : un téléfilm sensible et troublant porté par un Félix Maritaud fascinant [INTERVIEW]Jonas c'est le nom du personnage principal et son histoire commence un soir d'hiver en 1997, sous l'abri d'une station-service. Alors qu'il attend son père à l'intérieur de la voiture, l'adolescent de quinze ans est pris d'une hallucination qui le paralyse de peur. Dix-huit ans plus tard, le jeune homme, désormais adulte, poursuit sa vie péniblement. Devenu brancardier, il enchaîne les plans sur les applications de rencontre et les soirées dans les boîtes de nuit, qui se finissent au commissariat. Quelque chose ne va pas avec Jonas. Que s'est-il passé durant ses jeunes années, avant l'incident de la station-service ? La clé se trouve dans ses souvenirs et sa libération dans le temps présent.
Déconstruire pour mieux reconstruire
Durant ses premières minutes, l'œuvre de Christophe Charrier a tout d'un film d'horreur. Le décor est désert, l'ambiance est angoissante et le héros de premier plan se retrouve menacé. Pourtant, il n'en est rien. Ce qui pourrait être un énième thriller sur un tueur en série se transforme, au fil des minutes, en un drame humain d'une belle complexité. À travers une narration non linéaire, le récit suit l'évolution d'un seul et même personnage sur deux temporalités différentes. Une méthode parfaitement maîtrisée qui permet, au fur et à mesure, de reconstituer les pièces d'un puzzle. Les téléspectateurs, avec peu de points de repères, se retrouvent rapidement happer par le mystère et le suspense qui entoure la résolution de cette histoire.
Sans ne rien divulguer de l'intrigue, le film aborde brillamment le syndrome de stress post-traumatique et ses lourdes conséquences à long terme. Un sujet tabou et risqué, encore méconnu par un trop grand nombre. Bien qu'il soit sombre et torturé, le long-métrage ne se vautre jamais dans le pathétique et les raccourcis grossiers. Également scénariste, Christophe Charrier permet à son film de dresser un beau portrait de l'adolescence et de la quête d'identité. Le tout, à travers deux jeunes personnages homosexuels bien écrits, qui évitent les clichés du genre. Une représentation bienvenue, encore trop rare dans le paysage audiovisuel français.
Derrière Jonas, il y a deux excellents acteurs : Félix Maritaud - révélé dans 120 battements par minute et Sauvage -, et Nicolas Bauwens. Si les comédiens approchent leur personnage de différentes manières, leurs interprétations trouvent une cohérence qui sert parfaitement le récit. Aux côtés des têtes d'affiche, on retrouve une très bonne distribution, d'Ilian Bergala à Tommy Lee Baïk, en passant par Aure Atika qui, en peu de scènes seulement, réussit à livrer de beaux moments d'émotion. Nul doute que la force du film, à l'image du travail des acteurs, habitera l'esprit des téléspectateurs pendant un bon moment.
Également disponible sur Netflix.
Découvrez la bande-annonce de "Jonas" :