L'initiative n'avait pas manqué de faire réagir, en bien comme en mal : face aux mesures de confinement prises par le gouvernement pour lutter contre la pandémie de coronavirus, Canal+ annonçait, le 16 mars dernier, un passage de ses programmes en clair pendant un mois, et offrait l'intégralité de ses chaînes thématiques (cinéma, séries, jeunesse…) à ses abonnés. Tandis que quelques-uns de ces derniers s'estimaient lésés de voir un service qu'ils payaient devenir gratuit, le CSA est monté au créneau quelques jours plus tard pour demander d'arrêter le 31 mars cette opération "de nature à altérer l'équilibre entre les chaînes payantes et les chaînes gratuites" et qui "ne peut être que limitée dans la durée".
Une demande liée, selon la presse, à des réclamations de TF1, M6 et la SACD (Société des Auteurs et des Compositeurs Dramatiques), car le passage de Canal+ en clair a été perçu comme un coup de canif dans le contrat de la chronologie des médias, qui instaure les fenêtres de diffusion de films après leur sortie en salles, entre la VOD, la SVOD, les DVD et Blu Ray, les chaînes payantes et gratuites. Depuis décembre 2018, un DVD peut sortir entre 3 et 4 mois après son passage dans sur grand écran, tandis qu'une diffusion sur Canal+ peut avoir lieu entre 6 et 10 mois après, selon le nombre d'entrées réalisées.
RÉPARER UN "DOUBLE PRÉJUDICE"
Et c'est après, seulement, que les chaînes gratuites peuvent acheter (souvent très cher) l'exclusivité d'une première diffusion en clair, ce dont Canal+ les a privées en rendant des sorties de 2019 telles que Parasite, X-Men - Dark Phoenix ou Mon inconnue accessibles à tous. Alors que le retour au format crypté est effectif depuis le 31 mars, France Télévisions a décidé d'attaquer la quatrième chaîne via une lettre à son président Maxime Saada, à qui une réparation financière est demandée pour les préjudices causés sur les films diffusés lors de l'opération, selon Le Film Français.
En portant atteinte à la chronologie des médias et prenant "la liberté de diffuser des oeuvres pour lesquelles [elle] ne [disposait] pas des droits en clair", Canal+ a causé un "un double préjudice" à son homologue public : financier tout d'abord, avec une perte de la valeur de ces films inédits en vue de leur diffusion en clair sur ses antennes ; puis d'audience, "du fait de la concurrence déloyale engendrée entre les différentes antennes." Les dirigeants de la chaîne cryptée, qui ont vu leurs audiences grimper en mars 2020 pour atteindre une part s'élevant à 1,6% (soit une augmentation de 0,4 point par rapport à l'année précédente), n'ont pas encore réagi à cette demande.