Depuis le week-end dernier, les salles de cinéma françaises sont fermées jusqu'au 15 avril pour freiner la propagation de l’épidémie du Covid-19. Dans un entretien présent dans Le Film français (datant du 16 mars), Richard Patry, le président de la FNCF (la Fédération Nationale des Cinémas Français), nous en dit plus quant à la problématique des conséquences de cette mesure sur l'économie du cinéma en France, et plus précisément sur l'exploitation.
Ce sont surtout les exploitants qui ont récemment investi et ceux qui ont un loyer conséquent à payer que cette fermeture touche le plus. Pour Richard Patry, "il ne faudra pas qu'une seule salle reste sur le bord de la route ou dépose le bilan, ce à quoi nous nous employons bien évidemment. Depuis 15 jours, nous réclamons au CNC des mesures, qui sont arrivées tardivement. Nous demandons, notamment, la création d'un fonds d'urgence pour les salles les plus en difficulté."
Au-delà de l'impact économique immédiat, réel mais absorbable si des mesures sont prises au niveau gouvernemental, c'est la sédentarisation forcée de nos concitoyens qui m'inquiète le plus.
Afin de limiter les dégâts, le CNC a indiqué la suspension de la collecte de la TSA (la taxe spéciale additionnelle d'environ 10% prélevée sur chaque ticket de cinéma pour ensuite être versée au CNC), ce qui aura des conséquences positives sur la situation financière des exploitants, distributeurs et producteurs. Toutefois, pour Richard Patry, si cette mesure économique est essentielle, la plus grande difficulté interviendra au moment de la réouverture des salles :
"Au-delà de l'impact économique immédiat, réel mais absorbable si des mesures sont prises au niveau gouvernemental, c'est la sédentarisation forcée de nos concitoyens qui m'inquiète le plus. Pendant plusieurs semaines, ils ne pourront pas sortir de chez eux. Que vont-ils faire pendant tout ce temps ? Regarder Netflix, Disney+ ou Amazon Prime Vidéo, et, donc, se déshabituer de la salle de cinéma. Or le cinéma est une machine qui doit rester en marche. Lorsqu'elle s'arrête, il est très difficile de la remettre en route. Il va donc falloir mettre en place un plan de relance d'une ampleur inégalée, afin de faire revenir massivement les gens dans les salles. Nous ne pouvons pas nous permettre, de surcroît, un petit redémarrage. Sinon, les séquelles seront bien plus grandes que celles que l'on imagine actuellement."
Il va falloir mettre en place un plan de relance d'une ampleur inégalée, afin de faire revenir massivement les gens dans les salles.
Pour répondre à cet enjeu central, la FNCF réfléchit à toutes les mesures qui pourraient être mises en place, au moment de la réouverture des salles, pour inciter au maximum les gens à se rendre au cinéma. Richard Patry explique à ce sujet :
"Le Printemps du cinéma n'aura pas lieu, c’est certain. Peut-être pourrions-nous donc le "recycler" ? Mettre en place une opération d'incitation tarifaire ? Je m'engage, par ailleurs, à faire tout ce qui est en mon pouvoir pour faire en sorte que les exploitants reprogramment, au moment de cette réouverture, les œuvres diffusées dans leurs salles avant la fermeture, qui en ont souffert. Nous ne laisserons pas tomber les distributeurs et les producteurs qui ont maintenu leurs films à l'affiche, nous nous devons d'être solidaires. J'espère d'ailleurs que la filière profitera de cette période pour faire preuve de solidarité, pour construire de nouvelles formes de solidarité, parce que nous en avons bien besoin."
En ce qui concerne la question de savoir s'il y aura un "embouteillage" des sorties lorsque les salles ouvriront à nouveau, Richard Patry affirme que cela dépendra de la date de report propre à chaque film (beaucoup de titres ont été repoussés sans nouvelle date de sortie).
Enfin, la problématique de l'annulation des tournages aura elle aussi un impact fort sur la programmation des salles, principalement lors des premier et deuxième semestres 2021. Richard Patry pense ainsi que "certains films annoncés pour fin 2020-début 2021 vont prendre un petit peu de retard, et qu'en conséquence, tout va glisser. Le problème ne sera donc peut-être pas aussi important que ce que l'on peut imaginer. Ceci étant dit, il faut que les distributeurs restent raisonnables et n’embouteillent pas certaines semaines de la fin d’année."