Le film Dark Waters, porté par un impeccable Mark Ruffalo (solidement soutenu par Anne Hathaway et Tim Robbins) et en salle ce mercredi, relate une affaire judicaire aussi glaçante qu'authentique. Le combat mené par un avocat de Cincinnati, Robert Bilott (joué par Mark Ruffalo), transformé contre toute attente en défenseur des droits d'une communauté rurale contaminée depuis des années par un très dangereux produit toxique, qui décide de poursuivre un géant de l'industrie chimique responsable de la commercialisation du produit. Comme un triste écho malheureusement très actuel aux innombrables pratiques de grandes entreprises qui enfreignent la loi en toute impunité, et continuent à le faire...
Ci-dessous, la bande-annonce de Dark Waters, réalisé par Todd Haynes :
Vous avez vu le film ? Notez-le !
Le cinéma américain s'est fréquemment emparé de tels sujets. Et, souvent aussi, avec un certain brio. Voici quelques exemples.
Erin Brockovich, seule contre tous (2000)
Il n'est pas très surprenant que Erin Brockovich, réalisé par Steven Soderbergh, figure parmi les films les mieux notés sur AlloCiné de la copieuse filmographie de son interprète principale, Julia Roberts. Celle-ci s'y révèle absolument formidable dans une composition électrisante. Celle d'une mère célibataire de trois enfants, au chômage, se faisant engager comme archiviste dans un cabinet d'avocats. Elle tombe par hasard sur une affaire de rachats immobiliers par l'entreprise Pacific Gas and Electric Company (PG&E), derrière laquelle elle découvre les causes probables d'empoisonnement d'eau potable, dû au chrome hexavalent. Un scandale sanitaire bien réel pour une héroïne qui ne l'est pas moins : instruisant le dossier de centaines de victimes, elle réussit en 1993 à faire condamner la société PG&E, obligée de verser en dédommagement 333 millions $.
Ci-dessous, la bande-annonce du film...
Vous avez vu le film "Erin Brockovich, seule contre tous" ? Notez-le !
The Informant ! (2009)
On reste en compagnie de Steven Soderbergh, qui signait en 2009 The Informant !. Si le cinéaste emprunte la voie de la comédie, les faits décrits dans le film le sont sensiblement moins. Le film est une adaptation du best seller d'un journaliste du New York Times, Kurt Eichenwald, titré "The Informant: A True Story" et publié en 2000. Tout commence au début des années 1990. Ancien biochimiste, Mark Whitacre (excellent Matt Damon) est cadre au sein d'une grande société d'agro-alimentaire américaine, Archer Daniels Midland (ADM). Une multinationale possédant près de 207 usines dans le monde et dont il est le plus jeune dirigeant de toute l'histoire. Prétendant recevoir des appels d'un maître chanteur qui exige près de 10 millions de dollars en échange d'informations sur le mauvais coup que préparerait un concurrent japonais, Whitacre est mis en contact avec le FBI. Et se met à table. Ses révélations ne portent pas sur le supposé maître chanteur, mais sur une entente sur les prix entre les principales firmes de l'agroalimentaire. L'homme jouera un rôle clé en 1995 dans des révélations qui ont défrayé la chronique. Un des plus gros scandales jamais vus aux Etats-Unis pour une affaire de ce genre : coupable d'avoir participé à ce que l'on a appelé le "Cartel de la lysine" (un additif alimentaire), la firme fut condamnée à une amende de 100 millions $, un record absolu à l'époque en matière d'amende pour une entreprise ayant violé la loi antitrust.
Ci-dessous, la bande-annonce du film...
Révélations (1999)
Lowell Bergman, célèbre journaliste d'investigation et producteur de l'emission "60 minutes", recoit un dossier envoyé par un employé anonyme du fabriquant de cigarettes Philip Morris. Y sont décrits les méfaits de la nicotine et la dependance qu'elle créé. Bergman contacte Jeffrey Wigand, un scientifique travaillant au Département "Recherche & Développement" de Brown & Williamson, le troisième fabricant de cigarettes des Etats-Unis. Ses investigations lui ont permis de découvrir que les fabricants adjoignaient aux cigarettes des substances, comme l'ammoniac ou la coumarine, pour décupler les effets de la nicotine et accroître l'accoutumance du fumeur. Quatre ans après avoir marqué d'une pierre blanche le polar avec son chef-d'oeuvre Heat, Michael Mann est encore au sommet de son art, dans un film en partie inspiré par un fameux article paru dans Vanity Fair, The Man Who Knew Too Much, publié en mai 1996. Porté à bout de bras par un fabuleux duo, Al Pacino et Russel Crowe -magnifique lanceur d'alerte-, Révélations est un film-fleuve passionnant, tendu à craquer et haletant, toujours soucieux de coller au plus près des faits retentissants qu'il expose.
Dès le mois de mai 1994, le Mississippi est le premier Etat américain à porter plainte contre les fabricants de tabac pour le remboursement de ses frais médicaux. En 1998, un accord est signé entre 46 Etats et les cigaretiers (le Tobacco Master Settlement Agreement), qui doivent verser 206 milliards $ sur vingt-cinq ans, pour le dédommagement des dépenses de santé. En mars 2000, un tribunal de San Francisco condamne Philip Morris et R.J. Reynolds à verser 20 millions $ à une cancéreuse qui avait commencé à fumer après 1969, date des premières mises en garde sur les paquets. Quatre mois après, un tribunal de Miami a condamné Philip Morris, R.J. Reynolds, Brown and Williamson, Lorillard et Liggett à payer une amende record de près de 145 milliards $.
Le Mystère Silkwood (1984)
La grande Meryl Streep reçut sa cinquième nomination à l'Oscar en 1984; cette fois-ci au titre de Meilleure actrice, pour saluer sa performance dans Le Mystère Silkwood de Mike Nichols. La comédienne y incarne Karen Silkwood, employée dans une usine de traitement nucléaire, qui voit un de ses collègues de travail contaminé. Malgré les intimidations de sa hiérarchie, elle va tenter de mettre à jour de sombres affaires mettant en danger le personnel... Le film narre l'histoire authentique de Karen Silkwood, chimiste américaine et militante syndicaliste, connue pour avoir dénoncé des pratiques dangereuses pour la santé et la sécurité des travailleurs du nucléaire au sein de la société Kerr-McGee.
Le 13 novembre 1974, elle meurt dans un accident de voiture, alors qu'elle va rencontrer un journaliste new-yorkais pour lui fournir des preuves de l'insuffisance criminelle des mesures de sécurité prises dans l'usine où elle travaille. À la suite de cet accident, on retrouve des traces de plutonium dans son corps et aussi dans son appartement. Sa mort mystérieuse a fait l'objet d'un procès contre la compagnie chimique Kerr-McGee. Celui-ci dura trois ans, avec une centaine de témoins auditionnés, et devait déterminer dans quelle mesure Karen fut contaminée au plutonium par la faute de ses employeurs. Les trois enfants de Karen, qui réclamaient 11,5 millions $ de dommages et intérêts, obtinrent 10,5 millions $ lors du verdict rendu le 18 mai 1979 par le tribunal d'Oklahoma City. En l'espace de cinq ans, entre 1970 et 1975, on recensa 574 cas de contamination constatés à l'usine de Kerr McGee. En 1975, la Commission de l'énergie atomique des États-Unis ordonna sa fermeture.
The Constant Gardener (2005)
Au Kenya, Tessa Quayle, brillante avocate militante, est retrouvée assassinée. Son mari Justin, diplomate réservé, ébranlé par ce deuil décide de terminer l’enquête que menait sa femme sur l’industrie pharmaceutique, afin d’en révéler les actes criminels…Solide film signé par le réalisateur brésilien Fernando Meirelles (La Cité de Dieu), The Constant Gardener est adapté d'un roman du maître de l'espionnage John Le Carré, publié en 2000.
En septembre 2005, quelques mois avant la sortie automnale de l'oeuvre, le journal britannique The Independent évoquait "un film qui est à la fois un thriller, une histoire d’amour et une attaque foudroyante contre l’industrie pharmaceutique et la façon dont elle met en péril les vies de citoyens innocents de pays du tiers-monde, dans sa quête d’un marché d’un milliard de dollars pour un médicament à commercialiser dans les pays riches et industrialisés”.
Deux affaires ont en partie inspiré le récit du roman de John Le Carré et le film; des affaires qui touchaient les compagnies Pfizer et Apotex; "deux compagnies phamaceutiques [...] accusées de malveillance, [...] qui font écho aux allégations sur les tests secrets de médicaments au cours desquels toutes conclusions négatives étaient supprimées" poursuivaient le journal britannique. Si les faits concernant le laboratoire américain Pfizer numéro un mondial, remontent à 1996 au Nigéria, il faudra attendre plus d'une décennie avant que l'affaire ne se résolve. Et, semble-t-il, pas de manière propre... Le 10 décembre 2010, le site Wikileaks a dévoilé que Pfizer aurait tenté de faire du chantage sur les autorités du Nigéria, selon une note de l'ambassade américaine à Abuja, classée confidentielle. Le document indique que la multinationale a payé un détective privé pour trouver des preuves de corruption contre le procureur général nigérian, pour le forcer à clore définitivement le cas...
Ci-dessous, la bande-annonce du film...
Pour noter le film, c'est par là !