Tout semblait écrit… et Bong Joon-ho a fait dérailler l’Histoire pour se l’approprier. Alors que son duel à distance avec 1917 se déroulait comme prévu (Meilleur Scénario Original et Film Étranger pour lui contre Meilleure Photo, Meilleur Mixage Sonore et Meilleurs Effets Spéciaux pour son concurrent), Parasite a fait main-basse sur la statuette du Meilleur Réalisateur que l’on pensait promise à Sam Mendes et semé le doute dans l’esprit des téléspectateurs et invités, qui n’avaient jusqu’ici pas eu la moindre surprise à se mettre sous la dent. Avant de réussir ce qui semblait impossible : devenir le premier long métrage en langue étrangère à recevoir l’Oscar du Meilleur Film, point d’orgue d’un succès qui fera date. Pour le metteur en scène, qui s’est adjugé les quatre trophées remis à son bébé (sur six nominations), comme pour Hollywood et l’Académie, qui ont su aller au-delà du conservatisme dont ils font trop souvent preuve, à l’image du sacre de Green Book l’an passé.
Sixième long métrage à remporter une Palme d’Or et un Oscar, Parasite n’avait pourtant rien du fameux "film à Oscars" académique. Mais, de la Croisette où son aventure a commencé, au Kodak Theater, en passant par les salles françaises où il est devenu, de très loin, le plus gros succès sud-coréen, il est parvenu à faire l’unanimité partout où il s’est aventuré sans souffrir des avis dithyrambiques qu’il a suscités, et à faire découvrir son cinéma outre-Atlantique. Plus encore qu’Old Boy au début des années 2000. Un mois après avoir adressé une petite pique au public américain, à qui il a conseillé de regarder plus de films avec des sous-titres s’ils voulaient découvrir des trésors du 7ème Art pendant les Golden Globes, Bong Joon-ho succède donc à Alfonso Cuaron dans la catégorie Meilleur Réalisateur, sacré pour Roma, et l’exploit paraît encore plus grand dans la mesure où celui-ci était en langue espagnole, très largement parlée aux États-Unis contrairement au coréen.
De la même façon que ses personnages principaux s’invitent dans un univers où l’on ne les attendait pas, Parasite a donc triomphé lors de cette 92ème cérémonie des Oscars, et ainsi fait de 1917 le grand perdant relatif de la soirée. Après ses triomphes aux Golden Globes, Producers Guild of America Awards et autres BAFTAS, le film de Sam Mendes était le grand favori mais repart avec "seulement" trois statuettes donc celle de la Meilleure Photographie remise à la légende Roger Deakins. Pour le reste, il n’y a eu absolument aucune surprise : Joaquin Phoenix est bien devenu le second Joker oscarisé après Heath Ledger ; la résurrection de Judy Garland a valu à son interprète Renée Zellweger sa deuxième statuette après celle du Meilleur Second Rôle pour Retour à Cold Mountain ; Laura Dern s’est adjugée la seule récompense de Marriage Story ; et Brad Pitt a, enfin, été sacré en tant qu’acteur, après l’avoir été comme producteur de 12 Years a Slave.
LES FRANÇAIS PRESQUE BREDOUILLES
Et c’est grâce à Quentin Tarantino, qui avait déjà offert deux Oscars à Christoph Waltz. Le cinéaste repart cependant bredouille, à titre personnel, de cette édition, même si Once Upon a Time… in Hollywood a reporté le prix des Meilleurs Décors. Avec deux trophées au total, il fait aussi que Joker (Meilleur Acteur et Meilleure Musique Originale) et Le Mans 66 (Meilleur Montage et Montage Sonore), tandis que Les Filles du Docteur March et Scandale ont respectivement été sacrés dans les catégories Meilleurs Costumes et Meilleures Maquillages et Coiffures, et que Taika Waititi a reçu l’Oscar du Meilleur Scénario Adapté pour Jojo Rabbit, des mains de Natalie Portman, qu’il dirigera bientôt dans le prochain Thor.
Si miracle il y a eu pour Bong Joon-ho (premier cinéaste a remporter les Oscars du Meilleur Film, Réalisateur et Scénario depuis les frères Coen en 2008 avec No Country for Old Men), il en a été autrement pour les Français en lice : Les Misérables a, comme à Cannes, subi la loi de Parasite ; Nefta Football Club et Mémorable ont fait chou blanc dans leurs catégories respectives (Meilleur Court Métrage et Meilleur Court Métrage d’Animation) ; la main coupée de J'ai perdu mon corps a cédé devant les jouets de Toy Story 4 ; et Alexandre Desplat devra patienter avant de remporter son troisième trophée, battu par Hildur Gudnadottir et sa bande-originale de Joker. Mais un "cocorico" a toutefois retenti lorsque 1917 a remporté l’Oscar des Meilleurs Effets Spéciaux, remis à un trio dans lequel se trouve le frenchie Guillaume Rocheron, nommé et primé pour la seconde fois après L’Odyssée de Pi.
Une fois n’est pas coutume, les Oscars ont su nous surprendre alors que les années précédentes nous avaient habitués à ce que la cérémonie ne soit que le point final d’un palmarès qui s’était surtout dessiné avant, grâce aux Golden Globes et prix remis par les syndicats. Historique à plus d’un titre, le sacre de Bong Joon-ho a ainsi permis de relever le goût d’une édition qui manquait jusqu’ici de sel, à l’exception des intermèdes musicaux et du live d’Eminem, avec ses discours majoritairement policés de lauréats attendus, qui ne rendaient pas vraiment grâce à la qualité de la sélection, particulièrement élevée tant bon nombre d'entre eux auraient pu empocher la mise sans un Parasite en face. Reste maintenant à savoir s’il s’agit là d’un épiphénomène ou d’une vraie ouverture de l’Académie. Rendez-vous l’an prochain pour le savoir… et dès Cannes pour faire connaissance avec quelques candidats ?
MEILLEUR FILM : Parasite
Étaient également nommés :
MEILLEUR ACTEUR : Joaquin Phoenix (Joker)
Étaient également nommés :
Antonio Banderas (Douleur et Gloire)
Leonardo DiCaprio (Once Upon a Time… in Hollywood)
Adam Driver (Marriage Story)
Jonathan Pryce (Les Deux papes)
MEILLEURE ACTRICE : Renée Zellweger (Judy)
Étaient également nommées :
Scarlett Johansson (Marriage Story)
Saoirse Ronan (Les Filles du Docteur March)
Renée Zellweger, Oscar de la Meilleure Actrice pour "Judy" :
MEILLEUR ACTEUR DANS UN SECOND RÔLE : Brad Pitt (Once Upon a Time… in Hollywood)
Étaient également nommés :
Tom Hanks (Un ami extraordinaire)
Anthony Hopkins (Les Deux papes)
Al Pacino (The Irishman)
Joe Pesci (The Irishman)
MEILLEURE ACTRICE DANS UN SECOND RÔLE : Laura Dern (Marriage Story)
Étaient également nommées :
Kathy Bates (Le Cas Richard Jewell)
Scarlett Johansson (Jojo Rabbit)
Florence Pugh (Les Filles du Docteur March)
Margot Robbie (Scandale)
"Marriage Story", Oscar de la Meilleure Actrice dans un Second Rôle pour Laura Dern :
MEILLEUR RÉALISATEUR : Bong Joon-ho (Parasite)
Étaient également nommés :
Martin Scorsese (The Irishman)
Todd Phillips (Joker)
Sam Mendes (1917)
Quentin Tarantino (Once Upon a Time in Hollywood)
MEILLEUR FILM D'ANIMATION : Toy Story 4 (Josh Cooley)
Étaient également nommés :
Dragons 3 : Le monde caché (Dean DeBlois)
J'ai perdu mon corps (Jérémy Clapin)
"Toy Story 4", Oscar du Meilleur Film d'Animation :
MEILLEUR SCÉNARIO ADAPTÉ : Jojo Rabbit (Taika Waititi)
Étaient également nommés :
The Irishman (Steven Zaillian)
Joker (Todd Phillips & Scott Silver)
La Voie de la justice (Destin Daniel Cretton & Andrew Lanham)
Les Filles du Docteur March (Greta Gerwig)
Les Deux papes (Anthony McCarten)
MEILLEUR SCÉNARIO ORIGINAL : Parasite (Bong Joon-ho & Jin Won Han)
Étaient également nommés :
A couteaux tirés (Rian Johnson)
Marriage Story (Noah Baumbach)
1917 (Sam Mendes & Krysty Wilson-Cairns)
Once Upon a Time… in Hollywood (Quentin Tarantino)
"Jojo Rabbit", Oscar du Meilleur Scénario Adapté :
MEILLEURE PHOTOGRAPHIE : 1917 (Roger Deakins)
Étaient également nommés :
The Irishman (Rodrigo Prieto)
Joker (Lawrence Sher)
The Lighthouse (Jarin Blaschke)
Once Upon a Time… in Hollywood (Robert Richardson)
MEILLEUR FILM ÉTRANGER : Parasite (Bong Joon-ho - Corée du Sud)
Étaient également nommés :
La Communion (Jan Komasa - Pologne)
Honeyland (Tamara Kotevska & Ljubo Stefanov - Macédoine)
Les Misérables (Ladj Ly - France)
Douleur et Gloire (Pedro Almodovar - Espagne)
Après la Palme d'Or, 4 Oscars pour "Parasite" :
MEILLEUR MONTAGE : Le Mans 66 (Michael McCusker & Andrew Buckland)
Étaient également nommés :
The Irishman (Thelma Schoonmaker)
Jojo Rabbit (Tom Eagles)
Joker (Jeff Groth)
Parasite (Jin-mo Yang)
MEILLEURE MUSIQUE : Hildur Guðnadóttir (Joker)
Étaient également nommés :
Alexandre Desplat (Les Filles du Docteur March)
Randy Newman (Marriage Story)
Thomas Newman (1917)
John Williams (Star Wars: L'Ascension de Skywalker)
MEILLEURE CHANSON : "I'm Gonna Love Me Again" (Rocketman)
Étaient également nommés :
"I'm Standing With You" (Breakthrough)
"Stand Up" (Harriet)
"Into the Unknown" (La Reine des Neiges II)
"I Can't Let You Throw Yourself Away" (Toy Story 4)
MEILLEURS DÉCORS : Once Upon a Time… in Hollywood
Étaient également nommés :
1917
Jojo Rabbit
Parasite
The Irishman
MEILLEURS COSTUMES : Les Filles du Docteur March
Étaient également nommés :
Jojo Rabbit
Joker
Once Upon a Time… in Hollywood
The Irishman
MEILLEURS MAQUILLAGES ET COIFFURES : Scandale
Étaient également nommés :
1917
Joker
Judy
"Scandale", Oscar des Meilleurs Maquillages et Coiffures :
MEILLEUR MONTAGE SONORE : Le Mans 66
Étaient également nommés :
1917
Joker
Once Upon a Time… in Hollywood
Star Wars - Episode IX
MEILLEUR MIXAGE SONORE : 1917
Étaient également nommés :
Joker
Le Mans 66
Once Upon a Time… in Hollywood
MEILLEURS EFFETS SPÉCIAUX : 1917
Étaient également nommés :
Avengers Endgame
Le Roi Lion
Star Wars - Episode IX
The Irishman
"Le Mans 66", Oscar du Meilleur Montage et Meilleur Montage Son :
MEILLEUR DOCUMENTAIRE : American Factory
Étaient également nommés :
MEILLEUR COURT MÉTRAGE DOCUMENTAIRE : Learning to Skateboard in a Warzone (If You're a Girl)
Étaient également nommés :
In the Absence
Life Overtakes Me
St. Louis Superman
Walk Run Cha-Cha
MEILLEUR COURT MÉTRAGE D'ANIMATION : Hair Love
Étaient également nommés :
"Hair Love", l'Oscar 2020 du Meilleur Court Métrage d'Animation :
MEILLEUR COURT MÉTRAGE : The Neighbors' Window
Étaient également nommés :
Brotherhood
Saria
Une sœur