Sofia, 8 ans, vit seule avec son père. Tous les soirs, il lui invente une histoire pour l’endormir. Ses récits extraordinaires prennent vie dans un monde imaginaire où l’héroïne est toujours la princesse Sofia, et son père, le Prince courageux. Mais trois ans plus tard, quand Sofia rentre au collège, elle n’a plus besoin de ces histoires. Désarmé, son père va devoir accepter que sa fille grandisse et s’éloigne de lui. Dans leur Monde imaginaire, le Prince va alors devoir affronter la plus épique de toutes ses aventures pour conserver une place dans l’histoire.
AlloCiné : Est ce qu'on écrit et met en scène différemment quand le film s'adresse aux enfants comme "Le Prince Oublié" ?
Michel Hazanavicius (réalisateur) : Toute l'entreprise n'est pas différente parce qu'il y a beaucoup de choses qui ressemblent aux autres films, mais on garde toujours en tête l'idée qu'il y a quelqu'un dans la salle qui a 6 ou 7 ans. Il faut accepter que ça ne fasse pas rire toutes les personnes plus âgées mais que le plus jeune, lui, va rire. J'ai quatre enfants avec qui j'ai un rapport très joueur et il y a vraiment beaucoup de moments où je pensais à mes enfants et je savais quand ça allait les faire rire. Quand vous faites un film pour adultes ou une comédie, vous pouvez vous adresser à vous-même, c'est a dire faire confiance à votre goût. Quand on fait ce genre de film, il y a mon goût, mais il y a un interlocuteur de 6-7 ans pour qui il faut des choses peut être un peu plus simples, plus basiques. Quand vous voulez faire rire un enfant, il faut se mettre à sa hauteur.
Les enfants viennent en salles accompagnés : comment avez-vous travaillé pour vous adresser aussi aux parents, pour avoir ce double-niveau de lecture ?
En ne prenant pas non plus ces enfants pour des imbéciles : quand vous essayez de faire rire un enfant, vous essayez de vous amuser aussi. Je ne suis pas clown, mais je ne fais pas un truc où je serais complètement déconnecté. Je ne renie pas qui je suis, je fais un film qui me plait aussi. Et quand je suis avec des gamins, je m'amuse aussi avec eux. Je dirais par ailleurs qu'il y a même trois niveaux de lecture parce que ce dont je me suis rendu compte lors de la tournée d'avant-premières, c'est que les grands-parents ont un rapport ultra-fort au film.
Vous parliez de vos quatre enfants : en quoi votre expérience de papa a nourri le film et la relation entre le personnage joué par Omar Sy et sa fille ?
C'est une histoire que je connais bien puisque je l'ai vécue plusieurs fois. Je vois très bien comment on est quand on gronde son enfant par exemple : on n'est pas très fier, on va trop loin, on ne va pas assez loin... Il y a toujours le fait de ne pas savoir à qui on parle quand on s'adresse à son gamin : la phase enfant est plus simple, comme la phase adulte, mais entre les deux votre enfant change constamment. Ce genre de situations vous nourrit et j'ai été très à l'aise dans l'utilisation de ces situations.
Dans le film, il y a le monde de l'imaginaire, quelle a été votre approche pour le concevoir ?
Je suis d'abord parti de là où on a tourné, c'est à dire dans un studio de cinéma dont on a fait des extensions en effet spéciaux, mais il y a quelque chose déjà existant. Je suis aussi parti du personnage car ce monde imaginaire est une projection mentale du personnage joué par Omar et je fais aussi partie de ce personnage-là, en me demandant ce que lui avait pu raconter, ce que lui avait pu faire, comment il a pu imaginer ce prince par exemple.
Un prince avec un costume très particulier. Comment a t-il été élaboré ?
Pour le coup, c'est beaucoup moi qui l'ai dessiné, mais ça a été un long processus avec la chef-costumière Sabrina Riccardi. Les premiers mouvements allaient vers un prince très Disney, et je trouvais que ça manquait de quelque chose. Après je suis allé petit à petit vers un mélange entre le super-héros et le prince. Il a une collerette et en même temps une cape à la Superman. Sur la collerette, il y a les cordons de la capuche, et ça donne un truc un peu bricolé qui va bien à Omar. Il a une silhouette à la fois graphique et amusante, il est crédible en prince.
Cette rencontre avec Omar remonte t-elle à cette incroyable année 2011, au moment de "The Artist" et "Intouchables" aux César ?
Je l'ai rencontré avant puisque j'avais mis en scène un spectacle de Eric et Ramzy : il était venu à cette époque et on s'était vu. Mais ce qui nous a tous scellés cette année-là, c'est qu'on a tous eu une histoire un peu exceptionnelle, c'est vrai. Cela a créé sans doute une sorte de mini proximité. J'ai été très admiratif quand il a reçu son César, de la manière dont il était connecté à lui-même. Il était complètement là et il exprimait sa joie, là où moi j'étais plus réservé, avec peut être plus de pudeur. Mais Omar, c'est quelqu'un qui, au delà de la sympathie, a vraiment une beauté d'âme que l'on peut filmer et que vous pouvez voir.