AlloCiné : Qu'est-ce qui vous a plu dans Le Bazar de la charité lorsque TF1 vous l'a proposé ? C'est le côté hyper ambitieux du projet ?
Julie de Bona : Série historique, en costumes, d'entrée j'avais envie de le faire. J'ai toujours rêvé de ça, c'est un rêve de petite fille. C'est hyper romanesque et ça permet vraiment de jouer la comédie parce qu'on joue un personnage historique, qui a une autre classe sociale et qui évolue dans un autre contexte historique. C'est fascinant. Et puis je rêvais de retravailler avec Alexandre Laurent, le réalisateur, avec qui ça s'était super bien passé sur Le Secret d'Elise. C'est la deuxième raison qui m'a fait dire oui tout de suite. Et la troisième raison c'est le personnage. Il est dingue ! Et là, sur les deux premiers épisodes, on ne voit que la balbutiement du personnage. La suite est encore plus folle.
À la fin du premier épisode on se retrouve dans une situation, en tant que téléspectateur, où on pense que Rose est morte et où on se dit "En fait on s'est fait avoir et Julie de Bona n'est présente qu'en guest dans le premier épisode de la série". Et puis finalement non, il y a cet énorme twist. On imagine que vous le saviez au moment de la lecture, mais quelle a été votre réaction en découvrant la trajectoire réservée à votre personnage par les scénaristes ?
Oui, je savais, mais l'idée de jouer avec les téléspectateurs me plaisait beaucoup. C'est inattendu. Mais finalement, quand on y pense, effectivement, Rose meurt. Et elle devient quelqu'un d'autre. C'est génial. C'est la mort d'un personnage dans les flammes et la naissance ensuite d'une toute autre personne. L'épisode 2 est une sorte d'entre-deux, mais l'épisode 3, vraiment, marque la naissance d'un nouveau personnage. La naissance d'un monstre. C'est l'épisode où Rose enlève ses bandages, constate les dégâts, et accepte pour survivre un deal complètement fou de la part de Madame Huchon, incarnée par Josiane Balasko. On va comprendre l'enjeu réel du personnage du personnage, qui va l'amener jusqu'à la fin de la série.
Avec Alexandre, dès le départ, on s'est dit qu'on voulait faire "un film de genre émotionnel" avec Rose. Elle a vécu quelque chose de dramatique et, par dessus ça, on la propulse dans une contrainte de séquestration. Qui s'accompagne de la contrainte physique de transformation de son visage. Et elle va devoir endosser l'identité de quelqu'un d'autre pour survivre. Quel renoncement un tel acte demande à une femme ? C'est hyper moderne, et c'est là que j'ai trouvé le rôle dément car j'avais l'impression de parler de toutes ces femmes opprimées, séquestrées, obligées de se marier. J'ai ressenti des choses assez dingues. Et le rôle permet ça car Rose est dans l'extrême difficulté. Et le challenge du rôle c'était d'avancer "masqué" car on ne voit pas mon visage. Je savais que le visage de Rose était brûlé à la fin du premier épisode et qu'on ne verrait plus vraiment mon visage durant tout le reste de la série.
Ce personnage de Rose, et tout ce qu'il implique en terme de jeu, vous l'avez pris comme un cadeau ?
Complètement. Merci de souligner ça, car certaines personnes me disent "Pourquoi t'as accepté ce rôle ? On ne voit pas ton visage". Ils sont fous ! Il n'y a pas que le glamour dans la vie. Je suis une actrice, j'ai envie d'explorer des choses comme celles-ci. Jamais on ne m'avait offert un tel rôle par le passé. On m'offre surtout des rôles d'héroïnes jolies, battantes, courageuses. Et c'est super, je ne dis pas le contraire. Mais ça fait du bien aussi d'aller vers quelque chose de totalement différent, là où on ne m'attend pas forcément. Ça a été un vrai travail d'interprétation et j'étais ravie. C'était incroyable. Au départ j'étais terrifiée, c'était assez casse-gueule. Car, vous le verrez dans les épisodes suivants, je devais souvent ne jouer qu'avec mon regard. Et avec ça je devais faire passer toutes les émotions de la tragédie que vit le personnage. Mais comme je savais que c'était Alexandre qui allait réaliser, je partais en confiance. Je ne sais pas si j'aurais pu le faire avec quelqu'un d'autre. Mais je trouve ça extraordinaire qu'on m'ait proposé un tel rôle. On est dans du jamais vu sur TF1.
Et puis pour une fois ça change des séries policières, même si je suis très heureuse d'en faire. On sait que le public est friand de fictions policières, mais bon on a quand même l'impression qu'il y a plus de meurtres à la télé française que dans la vraie vie (rires). Donc pour une comédienne c'est génial de jouer dans quelque chose de radicalement différent et de voir que ce genre de rôles existe aussi en France à la télévision.
Vos scènes avec Josiane Balasko sont très fortes dans l'épisode 2. On est en droit de penser que ça ne fait que monter en puissance par la suite ?
Dès que Rose va se réveiller et va se mettre à se rebeller contre elle, ça va devenir une bataille faite de torture psychologique, de coups bas, de manipulations. Et puis il y a tout un aspect "lutte des classes" qui est très intéressant. Car Huchon va lui proposer un deal qui pourrait lui permettre de sortir de sa condition.
On ne peut pas parler du Bazar de la charité sans revenir sur le premier épisode et sur l'incendie. Comment avez-vous vécu le tournage des séquences d'incendie ?
C'était heureusement très sécurisé, tout était ignifugé. Mais bon mes cheveux étaient là et par moment je me disais "Ils peuvent cramer, quand même". On était vraiment au milieu des flammes c'était très impressionnant. Au départ ils mettaient un tout petit feu et au moment de dire "action" il y avait six mètres de feu qui jaillissaient sur le plateau et ça chauffait très vite. On vivait vraiment ce qu'ont vécu ces personnes qui se sont retrouvées au milieu des flammes et qui sont mortes. On voyait le feu arriver vers nous. Et plus ça allait, plus ça chauffait. Évidemment on coupait avant de cramer, et tout était sécurisé, mais la peur, elle, était très vraie. La terreur qu'on ressentait n'était absolument pas de la fiction. Et le soir on était épuisés. Je faisais des cauchemars. Ces dix jours de tournage étaient dingues. On n'a jamais tourné quelque chose de ce genre dans un studio en France, c'était du jamais vu.
On sent beaucoup de références plus ou moins appuyées à Titanic dans le premier épisode. Vous aviez le film en tête au moment de tourner ?
Oui, complètement. Le clin d'oeil de la musique qui continue de jouer c'est une vraie référence à Titanic. Je pense que c'est vraiment assumé tout au long de la série. L'époque, la lutte des classes. Et puis il y a un vrai côté Titanic dans la relation entre les personnages de Camille Lou et de Victor Meutelet, avec Alice qui tombe amoureuse d'un ouvrier. Et puis Victor ressemble à Leonardo DiCaprio à mort (rires).
On vous retrouvera prochainement sur TF1 toujours dans Peur sur le lac, la suite du Tueur du lac. Qu'est-ce que vous pouvez dire sur ce nouvel opus de la saga Lise Stocker ?
Ça aussi c'était un gros challenge. On m'a dit "On a une super idée pour Peur sur le lac, ce n'est pas du tout un tueur en série cette fois-ci, c'est un virus". Un virus à Annecy qui va décimer la population. Au début on se dit que c'est quitte ou double, que c'est assez casse-gueule, et finalement Jérôme Cornuau, le réalisateur, a fait un travail de titan et le résultat est hyper crédible et hyper réaliste. Les images sont dingues, c'est flippant. Et ça aussi, d'une certaine manière, on ne l'a jamais fait non plus en France dans une série. C'est encore un projet hyper original et atypique, je suis ravie.
C'était une évidence pour vous de rempiler et de reprendre le rôle de Lise Stocker ?
C'était évident que j'allais reprendre le rôle avant même de lire les scripts parce que Le Tueur du lac c'était une grande et belle aventure. Ça a beaucoup plu au public et moi, personnellement, j'ai trouvé la qualité de la série à la hauteur. J'ai aimé la série, j'ai aimé travailler avec Jérôme, j'ai aimé la qualité de sa mise en scène. Donc quand j'ai appris qu'ils voulaient repartir pour une nouvelle saison, j'étais déjà emballée. Car c'est une mini-série à chaque fois et on repart donc toujours sur une nouvelle idée forte. Il n'y a pas de redite et c'est impossible de s'ennuyer ou de se lasser. On change d'univers. Et puis le casting est top. Sylvie Testud, Clotilde Courau, Anne Charrier, Bruno Debrandt. J'adore ces acteurs, donc c'était très agréable de tourner cette nouvelle saison. Et puis là, contrairement au Bazar de la charité, on voit mon visage (rires).
Propos recueillis le 13 septembre 2019 dans le cadre du festival de La Rochelle.
La bande-annonce du Bazar de la charité, qui continue ce soir à 21h sur TF1 :