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    L'Etat sauvage : un western au féminin aux confins du fantastique [INTERVIEW]
    Brigitte Baronnet
    Passionnée par le cinéma français, adorant arpenter les festivals, elle est journaliste pour AlloCiné depuis 13 ans. Elle anime le podcast Spotlight.

    Avec "L'Etat sauvage", le réalisateur David Perrault propose un western au féminin surprenant, entre fantastique et vision fantasmée. Rencontre avec le cinéaste et la comédienne Alice Isaaz.

    Pyramide Films

    L'histoire : Etats-Unis, 1861, la guerre de Sécession fait rage. Une famille de colons français décide de fuir le Missouri où ils vivent depuis 20 ans. Edmond, Madeleine et leurs trois filles doivent traverser tout le pays pour prendre le premier bateau qui les ramènera en France. Victor, ancien mercenaire au comportement mystérieux, est chargé de veiller à la sécurité du voyage....  

    AlloCiné : Comment en vient on à réaliser un projet comme Etat sauvage ? Aviez-vous une passion partiuclière pour cette époque ?

    David Perrault, réalisateur : Chaque projet a sa propre dynamique. A la base, je pense plutôt en terme d’intuition de film, donc c’est très abstrait. J’avais envie de mettre en scène un groupe de femmes, dans un univers cloisonné, et d’abattre ces cloisons. C’était vraiment la première intuition.

    Quand j’ai cette intuition, je commence à tourner autour. Et après, ça fonctionne par strates. J’accumule beaucoup de photos, de la musique, et là c’était la photo d’une femme au XIXe siècle, qui était prise en photo dans le parc Yosemite aux Etats-Unis, qui était au bord d’une falaise. Devant elle, il y avait un immense paysage. Je trouvais que, dans cette photo, il y avait une sensation à la fois de très grande liberté, et en même temps, cette femme faisait un pas de plus, elle tombait dans le vide. Un mélange de liberté et de danger.

    Après, c’est venu par le genre aussi. J’ai toujours rêvé de faire un western. Mais en tant que Français, c’est compliqué, car il y a tout un tas de références. Comment aborder le western en restant européen, et dans la facture et dans le sujet ? C’est l’Europe finalement, ce sont des colons européens. Je suis parti de l’histoire de colons français, tout en gardant un point de vue autour des femmes.

    Y a-t-il des westerns qui vous ont plus particulièrement inspiré ?

    David Perrault : Les westerns, étrangement, j’ai essayé de ne pas en voir du tout, de ne pas me référer au genre western. Je me suis dit : si je me réfère à John Ford, Sergio Leone, je ne vais pas m’en sortir. La comparaison ne tiendra pas la route. Faire comme si j’allais repartir de zéro, et moi en tant que cinéaste français, moderne, aujourd’hui, comment je peux me réapproprier le genre.

    Après, ce qui m’a le plus porté, en terme d’influences, c’est plus une forme de cinéma européen, italien de genre ou plus classique, de Mario Bava, à Visconti. Quelque chose de très expressif visuellement, et qui n’a pas peur de décoller du réalisme. Le naturalisme, c’est quelque chose qui ne m’intéresse pas en tant que cinéaste. Ne pas avoir peur d’aller vers des choses visuelles très expressives, même au niveau des costumes, de la chorégraphie, mais aussi des personnages.

    Pyramide Films

    C’est un film d’époque, mais qui prend pas mal de libertés pour l’inscrire dans une modernité dans son approche, notamment dans la façon dont les héroïnes se comportent…

    David Perrault : Il y avait la volonté de faire un film moderne, dans sa facture, et du coup dans son discours, dans la tonalité qu’il donne. Eviter le film en costume trop guindé, trop poussiéreux, théâtral. J’ai adopté une mise en scène qui est toujours en mouvement, portée par une musique contemporaine. Pareil pour les dialogues : je ne voulais pas d’anachronisme, mais qu’il y ait une forme de modernité aussi qui soit toujours là.

    Alice Isaaz, comédienne : Quand on accepte un film en tant que comédienne, le film ne nous appartient plus ; on est entre les mains d’un metteur en scène. C’est son film, c’est son projet. J’ai fait énormément confiance à David car c’est quelqu’un d’ultra sensible, de doux, c’est un grand rêveur. C’est quelqu’un qui fantasme beaucoup. Je savais qu’il ferait un film singulier. J’avais envie d’aller dans son aventure ; il m’a donné envie d’en faire partie.

    Après, c’est vrai qu’il y a des choses – je le dis très honnêtement – avec lesquelles je suis peut être restée un peu plus hermétique, et je trouve que le film est magnifique. Je pense qu’esthétiquement il est très beau. Les paysages, les lumières, les cadrages, etc. C’est très joli.

    Il y a des choix de mise en scène, une partie un peu fantasmée, même fantastique. On sait que c’est clivant, que ça plaira ou que ça ne plaira pas. Il y a des gens que ça va fasciner et d’autres pas du tout. Ce qu’on a fait là, c’est du cinéma. J’aime faire partie de ce genre de cinéma là aussi, qui créé le débat. C’est un cinéma qu’on voit rarement ; j’espère que les gens auront la curiosité d’aller voir ce film. Ca raconte l’émancipation de la femme, la liberté de la femme. David a voulu raconter le portrait de plusieurs femmes dans un carcan. David sort des sentiers battus, il impose quelque chose, son imaginaire, sa folie quelque part. 

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    L'illusion est totale sur les décors… On croirait vraiment que vous avez tourné aux Etats-Unis dans l'Ouest américain. Où avez-vous tourné ?

    David Perrault : Je voulais que le film soit comme un voyage. Que ce soit une aventure de tournage, donc je tenais vraiment à faire les scènes d’intérieur au début du film, et après, partir de plus en plus loin. On a commencé les intérieurs en Ile de France. Après, nous sommes descendus vers les Pyrénées atlantique. On a passé la frontière, on est partis en Espagne. Et après, nous sommes allés au Québec.

    Pour les conditions de tournage, on ne sait jamais ce qui nous attend. Ce n’est pas un voyage organisé, ça faisait aussi partie de l’aventure ! On s’est retrouvé dans des conditions assez extrêmes.

    Alice Isaaz : Pour moi, ça a été une expérience hors du commun. Je suis très heureuse d’avoir tourné ce film parce que ça été ultra enrichissant. Nous avons tourné dans des conditions climatiques comme ça m’était encore jamais arrivé. On a tourné jusqu’à -37 degrés. On s’est retrouvé à tourner sous des trombes d’eau. C’est vrai que c’est un film à petit budget pour un film d’époque.

    On a dû faire avec tous les éléments climatiques, avec tous les éléments de la nature de manière générale. On a eu plein de bonnes et mauvaises surprises. Au final, je trouve que la neige amène quelque chose de très fort au film. Je suis contente qu’on soit passés par là, mais c’est vrai que ça a été hyper enrichissant. Ca a été une expérience extraordinaire au sens propre du terme. 

    Comment avez-vous constitué ce casting ?

    David Perrault : Je tenais vraiment à créer un groupe, qu’il y ait une sorte de cohésion, en choisissant des tempéraments d’actrices très différentes, et en même temps qui créé une forme d’unité.

    Dernière question : pourquoi ce titre ?

    David Perrault : Cela renvoyait à plusieurs choses. Ca donnait à la fois une sensation de grands espaces, et en même ça renvoyait à une forme d’intimité chez les personnages. A quel moment ils partent dans quelque chose de plus lâché en fait, de plus sauvage, dans ce qu’ils ressentent. C’est un voyage physique, mais je tenais aussi à ce que le film soit un voyage intime, presque mental, notamment autour du personnage interprété par Alice Isaaz. Qu'on ait presque l’impression au bout d’un moment qu’on est dans sa tête. Donc c’est un titre à double sens, physique et intime.

    L'Etat Sauvage
    L'Etat Sauvage
    Sortie : 26 février 2020 | 1h 58min
    De David Perrault (II)
    Avec Alice Isaaz, Kevin Janssens, Déborah François
    Presse
    2,7
    Spectateurs
    2,3
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    La bande-annonce de L'Etat Sauvage :

     Propos recueillis au Festival International du film de Saint Jean de Luz 2019

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