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    Le Dindon - Jalil Lespert : " Je pensais à une comédie depuis longtemps, et j’adore puiser dans le patrimoine français"
    Brigitte Baronnet
    Passionnée par le cinéma français, adorant arpenter les festivals, elle est journaliste pour AlloCiné depuis 13 ans. Elle anime le podcast Spotlight.

    Changement de registre pour Jalil Lespert, qui après le thriller ("Iris") ou encore le biopic ("Yves Saint-Laurent") s'attaque à la comédie, en costumes, d'après l'oeuvre de Feydeau. Rencontre avec le réalisateur autour de ce nouveau défi artistique.

    Julien Panié

    AlloCiné : Est ce que cela vous surprend si je vous dis que cela me surprend que vous réalisiez une comédie ?!

    Jalil Lespert, réalisateur du Dindon : Non, ça ne me surprend pas que vous soyez surprise ! J’avais envie depuis très longtemps d’adapter Feydeau. Pas forcément Le Dindon. J’hésitais entre deux - trois pièces. Je me suis toujours dit qu’il y avait une efficacité redoutable et absolument cinématographique. Je voulais d’abord tester ça à l’écriture. Travailler sur une réduction du texte, car la pièce dure trois heures, je crois. Au départ, j’ai surtout essayé de voir si je pouvais réduire le texte, pour avoir une comédie d’1h30. J’aime bien les comédies assez ramassées.

    Mais ça faisait vraiment longtemps que j’y pensais, et j’adore puiser dans le patrimoine français. On y trouve des choses incroyables. C’est bien de les remettre de temps en temps "au goût du jour" et de les faire partager au plus grand nombre si c’est possible.

    Beaucoup de réalisateurs français ces derniers temps qu’on n’associait pas forcément à la comédie se sont essayés à ce genre, comme Xavier Gens, Florent Siri ou Fred Cavayé. Est ce que vous diriez qu’il y a un côté défi car on dit souvent que c’est le genre le plus difficile à faire ?

    Déjà il y a une envie de comédie en tant que spectateur avant tout. J’aime toute sorte de films, et faire une comédie, pour moi, c’était l’opportunité de travailler différemment en effet. Mais avant tout me faire plaisir en tant que spectateur. Qaund je décide de faire un film, je ne sais pas trop quel va être le suivant, j’ai plusieurs envies et puis à un moment donné, il y en a une qui arrive à rassembler davantage, là en l’occurrence Dany Boon, Guillaume Gallienne, et qui me permet de me conforter dans l’idée que c’est possible de faire un film. Je ne me suis pas dit : "oh là là, il faut absolument que je fasse une comédie parce que ça va être un challenge".

    En revanche, c’était vraiment un des films les plus durs à faire pour moi. Ca a été un vrai challenge dans la mesure où ça devient, surtout chez Feydeau, une mécanique tellement précise, qu’on a pas le temps de prendre son temps, et de faire le metteur en scène, qui fait durer les choses. Il faut vraiment être au service du texte, et des comédiens. Dès qu’on a fait un pas de côté, on se prend les pieds dans le tapis, et ça ne marche plus du tout, donc ça demande une précision hors norme, en particulier Feydeau je pense.

    Pour moi et pour beaucoup de techniciens, ça a été un des films les plus durs qu’on ait eu à faire. C’est le principe de la fausse pente. On se dit : tiens, ça va être cool, on va s’amuser. On s’est beaucoup amusés, parce qu’on est des geeks de notre travail, on se dit qu’il faut qu’on y arrive, et on essaye de faire notre mieux, et ça nous passionne, mais c’est beaucoup beaucoup de travail, pour qu’on ne sente pas le travail. Que le spectateur ne sente pas qu’on en a ch***, il faut au contraire s’effacer derrière les comédiens et le texte.   

    Là vous avez corsé la difficulté, c’est en situant l’intrigue dans les années 60 !

    Oui, j’adore le côté "historique" dans un film, parce qu’en fait je trouve que ça donne beaucoup plus de libertés. A partir du moment où l’on est dans un ailleurs, on peut le fantasmer, et on est moins soumis à la réalité. D'un seul coup, on peut vraiment s'échapper. Je n'ai pas peur de l'aspect costumes, décors… J'aime bien faire avec ça. Une fois que je suis content de la direction artistique, que je trouve que les costumes marchent, que les décors marchent, on tourne comme on ferait un film contemporain. Il faut justement ne pas s'étirer là-dessus, et se dire "oh là là, faut que ça soit joli", parce que c'est un film d'époque. C'est comme ça que je l'aborde. Pour moi, ça me donne plus de liberté.

    D'où est venue l'idée de réunir Dany Boon et Guillaume Gallienne, qui étonnamment, n'avaient encore jamais tourné ensemble...

    En fait, j'avais Dany Boon en tête dès le départ, et j'appelle Guillaume Gallienne, qui est un ami. On a fait Yves Saint Laurent ensemble, et c'est vraiment quelqu'un de précieux dans ma vie, que j'adore. Je lui dis : "est-ce que tu connais un scénariste qui connaît bien le théâtre ?" Car il faut savoir que Guillaume Gallienne hyper chargé. Et il me dit : "ben moi". Donc, premier cadeau. "Tu peux ? Ca t'intéresse ? Oui, oui bien sûr !"

    A partir du moment où on a vérifié qu'on pouvait en faire un film, en réduisant le texte et en en faisant une première lecture, c'est là où j'ai commencé à lui parler de casting et lui dire : "depuis le début, je voudrais Dany Boon dans ce film et sur ce rôle là. Et en face, je cherche le pendant masculin, l'antagoniste". Il me dit : "tu sais, je l'ai joué 150 fois, en fait j'aimerais bien le jouer".

    C'est particulier quand on travaille avec des amis, et des acteurs qu'on connaît bien. Au bout d'un moment, on ne pense pas forcément à eux. Et d'un seul coup, je me suis dit que ce serait génial parce que ce sont deux mondes totalement opposés. Ca raconterait tellement bien aussi ce petit bourgeois, naïf, un peu parvenu que joue Dany. Cette espèce d'aristo, intrigant, sans scrupule et en même temps, aussi con. D'un seul coup ça tombait sous le sens mais je n'y avais pas forcément pensé au départ. Mais évidemment j'ai sauté sur cette 2ème opportunité d'avoir Guillaume Gallienne avec moi dans cette aventure. 

    Le Dindon est également l'occasion de retrouver Henri Guybet dans un petit rôle savoureux...

    Il avait fait un film avec Alice Pol juste avant. Il fait encore du théâtre. Et évidemment Rabbi Jacob quoi ! Quand je décide de faire le film dans les années 60, c'est aussi parce que j'ai été nourri, biberonné à la télé de ces films des années 60, de ces comédies qui passent encore à la télé, qui font notre culture aujourd'hui, en tout cas sur ma génération. Ces comédies avec Louis de Funès, Bourvil, tous les films d'Oury… Forcément Guybet, c'est notre petite madeleine de Proust. C'était super de l'avoir, c'était l'aboutissement de tous ces efforts pour rendre grâce à ce cinéma là.

    Quels sont vos projets ?

    Je fais un documentaire, en ce moment, pour Netflix. Il s'agit d'une série de 4 épisodes. Je tourne comme acteur aussi : je fais un film de Raphael Jacoulot, avec Louise Bourgoin, Mélanie Doutey… Et je fais le second film de Naël Marandin, avec Diane Rouxel et Olivier Gourmet.

    TOP PROMO - Le Dindon : Dany Boon et Guillaume Gallienne reconnaîtront-ils ces pièces de théâtre?

    Propos recueillis à Paris le 9 septembre 2019

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