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    Thalasso : Guillaume Nicloux nous parle de sa drôle de cure avec Houellebecq et Depardieu
    Clément Cuyer
    Clément Cuyer
    -Journaliste
    Clément Cuyer apprécie tous les genres, du bon film d’horreur qui tâche à la comédie potache. Il est un "vieux de la vieille" d’AlloCiné, journaliste au sein de la Rédaction depuis maintenant plus de deux décennies passionnées. "Trop vieux pour ces conneries" ? Ô grand jamais !

    Rencontre avec Guillaume Nicloux à l'occasion de la sortie en salles de "Thalasso", une drôle de cure sur grand écran à laquelle participent Michel Houellebecq et Gérard Depardieu.

    Wild Bunch Distribution

    Cinq années ont passé depuis L'Enlèvement de Michel HouellebecqMichel Houellebecq et Gérard Depardieu se rencontrent en cure de Thalasso à Cabourg. Ils tentent ensemble de survivre au régime de santé que l’établissement entend leur imposer. Alors que Michel est toujours en contact avec ses anciens ravisseurs, des événements imprévus viennent perturber leur programme…

    Rencontre avec le réalisateur Guillaume Nicloux à l'occasion de la sortie en salles de Thalasso, cure pas comme les autres à la fois drôle et touchante.

    AlloCiné : Vouliez-vous, dès "L'Enlèvement de Michel Houellebecq", poursuivre l'expérience avec un deuxième film ?

    Guillaume Nicloux : Rien n'était prémédité. Il y a eu le désir de rassembler Michel Houellebecq et Gérard Depardieu dans un film qui reprendrait la même procédure que dans L'Enlèvement de Michel Houellebecq. C'est à dire qu'ils interprètent leurs propres personnages à l'intérieur d'une intrigue, et que l'on garde la même infrastructure et les mêmes principes de tournage : un scénario, des indications parfois données à certains acteurs et pas à d'autres, des dialogues également livrés à certains et pas à d'autres, des interventions pendant le tournage, la possibilité, parfois, de continuer une scène qui n'était pas totalement écrite... La fusion de plusieurs façons d'envisager la mise en scène, dans la mesure où le fait de tourner en continuité permet également de profiter de tous les heureux accidents qui peuvent arriver, de toutes les fulgurances que les uns et les autres peuvent avoir au moment du tournage.

    Ce procédé me permet d'être à l'écoute et de profiter de ces moments de spontanéité. Parce que le but, dans ce type de projet, c'est d'essayer de capter ces instants un peu rares où on a presque l'impression d'assister à une version personnelle de ce qu'ils sont dans la vie. L'idée est de proposer aux spectateurs de voir réagir Michel Houellebecq et Gérard Depardieu dans des situations cocasses, mais avec les réactions qu'ils pourraient avoir à ce moment-là. Inscrire Michel et Gérard dans un processus où c'est finalement leur personnalité qui va également permettre au film d'avancer, même s'il y a des ressorts de dramaturgie, une ossature scénaristique, de la péripétie. Mais que leur propre personnalité agisse aussi sur l'histoire. Parce qu'au travers d'une saillie verbale, différentes choses peuvent également naître et nous permettre de poursuivre une séquence dans une direction qui n'était peut-être pas totalement définie.

    La fiction est d'autant plus forte quand elle s'appuie sur la réalité et qu'on ne peut plus distinguer la frontière entre les deux...

    C'est ce qui rend, j'espère, le film singulier et parfois troublant. Il y a une porosité permanente entre ce que l'on croit connaître des personnes, Michel et Gérard, et ce que le film propose. Parce que là, ils ne sont pas en train de jouer un rôle, dans la mesure où ils sont eux-mêmes. Ce qui est intéressant, c'est finalement de leur permettre de se confier encore plus que s'il s'agissait d'un documentaire sur eux. L'alibi fictionnel permet de se retrancher et de se dire que même s'ils se jouent eux-mêmes, ils jouent un rôle dans une histoire. Mais les sentiments humains sont ce qu'ils sont, et quand on aborde certains sujets, ce sont leurs vérités qui parlent, leurs intimes convictions. C'est pour ça que l'expérience est troublante, même pour moi, car je finis moi-même par me perdre... Ce que je sais être faux devient vrai, et l'inverse aussi. La frontière est toujours très trouble entre ces deux mondes.

    Wild Bunch Distribution

    Il y a un jeu avec l'image publique de ces deux personnages qui est assez délicieux. Ca doit être un plaisir de jouer de la sorte avec leur image...

    C'est un terrain d'exploration et aussi d'expérimentation. On a, avec Michel et Gérard, tissé une collaboration un peu particulière. Au-delà de l'amitié qui nous lie, on a tourné quatre films ensemble en cinq ans avec Gérard, on a même joué ensemble dans un court métrage ! Il y a des interactions très fortes entre la vie qu'on mène et les expériences cinéma qu'on a ensemble, où il y a finalement des ponts et des vases communicants permanents. Avec Michel, c'est pareil. Lorsqu'il a accepté de jouer dans L'Affaire Gordji, on s'est très vite aperçus qu'on avait envie de poursuivre cette collaboration ensemble, qui s'est étendue lorsqu'il m'a demandé de faire le cahier cinéma d'un magazine quand il en était le rédacteur en chef.

    C'est assez étrange de voir comme le cinéma qu'on fait ensemble est vraiment, aussi, lié à autre chose. C'est pour cela qu'il y a une extension assez grande dans la mesure où elle n'a pas de limite. On ne se limite pas à un personnage qui interpréterait un rôle dans une histoire. On est malgré tout nous-mêmes tout le temps, même à partir du moment où on tourne, surtout dans une procédure dans laquelle j'ai quatre caméras, où on tourne en permanence et où on ne répéte pas les prises. On est toujours dans la prise unique.

    A priori, on pourrait dire que Michel et Gérard ne se ressemblent pas, qu'ils n'ont pas grand-chose à faire ensemble. Pourtant, ça fonctionne immédiatement, il y a une vraie alchimie entre eux...

    La référence à Laurel et Hardy n'est pas anodine, avec deux personnages qui s'opposent physiquement. Le but est presque de parvenir à faire exister un troisième personnage invisible qui est celui qui existe à partir du moment ou les deux donnent naissance à une espèce d'entité. Comme si deux personnages improbables arrivaient à fusionner et à créer une nouvelle dimension. Cette dimension, c'est Thalasso. C'est parvenir à enfermer deux monstres comme eux dans une espèce de prison idéale, une prison dorée, un univers en même temps superficiel et extrêmement agréable qui est celui du bien-être, du rajeunissement...

    L'idée était de confronter ces deux hommes qui, on peut le dire, ont brûlé la vie par plusieurs bouts, à un univers où on espère rattraper le temps, le temps qui passe. Il y a quelque chose qui, même sous une forme philosophique et surtout ésotérique, répond à certains sujets qui sont évoqués dans le film, de façon peut-être moins drôle. Mais ce n'est pas anodin non plus si ces sujets arrivent dans ce type de lieu à un moment donné... Il y a une quête existentielle qui résonne sans doute un peu plus dans ce type d'endroit.

    Il y a quelque chose de mystique dans "Thalasso"...

    Oui, sans se séparer du tout du genre, que je revendique, qui est celui de la comédie, et même du film comique. C'est comique dans la mesure où ces deux hommes apparaissent aussi, par moments, comme des figurines du film muet, avec des situations grotesques ou cocasses, où on est toujours au bord de l'excès. Mais c'est en pratiquant aussi cet extrême que, d'un seul coup, on peut être encore plus touchés lorsqu'ils s'abandonnent dans des états et dans des introspections peut-être plus inattendus.

    La bande-annonce de "Thalasso" :

     

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