Si vous n'en pouvez plus des comédies romantiques
Lancée en 2015 sur la chaîne CW et diffusée en France sur Teva, Crazy Ex-Girlfriend s'est achevée cette année à l'issue de sa quatrième saison, encore inédite en France. Le pitch ? Rebecca Bunch (Rachel Bloom, également créatrice de la série), une avocate new-yorkaise à la carrière brillante, semble tout réussir dans la vie. En réalité, elle est profondément malheureuse. Sa rencontre au hasard d'une rue avec Josh Chan (Vincent Rodriguez III), son amour de jeunesse, va bouleverser sa vie : persuadée qu'il s'agit de l'homme de sa vie, elle décide de tout quitter pour s'installer à West Covina, ville natale de Josh, au fin fond de la Californie du Sud. Avec lui, c'est certain : elle sera heureuse ! Sauf que rien ne va se passer comme prévu...
Vous pensiez regarder une comédie romantique dont on devine l'issue au bout de cinq minutes ? Peine perdue : Crazy Ex-Girlfriend est une satire moderne du conte de fées qui échappe à tous les codes, et démolit les poncifs du genre en révélant leur absurdité. L'héroïne souffre d'un grand mal-être qu'elle cherche à combler en trouvant l'homme idéal; son prince charmant, Josh, est non seulement déjà pris, mais se révèle assez vite très superficiel. Valencia (Gabrielle Ruiz), sa petite-amie, devient son ennemie jurée, mais leur relation finit par prendre un tournant inattendu... Quand à Paula (Donna Lynne Champlin), la meilleure amie et conseillère de Rebecca, elle s'émancipe bien vite de son rôle de faire-valoir en redéfinissant la notion d'amitié féminine.
En effet, cette comédie colorée se révèle bien plus profonde qu'elle n'en a l'air à travers les thèmes qu'elle aborde : la dépression sous-jacente de l'héroïne, les troubles mentaux, l'alcoolisme, le poids des origines, la difficulté de grandir... A travers une riche galerie de personnages tous plus attachants les uns que les autres et des séquences musicales réjouissantes, Crazy Ex-Girlfriend parvient à susciter de grands moments d'émotion inattendus, et nous tend un miroir vers nos propres angoisses.
Si vous adorez les comédies musicales
Les références aux comédies musicales sont nombreuses dans la série, et Rachel Bloom ne cache pas son goût pour les planches de théâtre et la chanson, en passant toutes ses influences à la moulinette d'un humour impitoyable. On trouve dans chaque épisode de Crazy Ex-Girlfriend beaucoup de références cinématographiques : des chansons Disney ("Where's Rebecca Bunch ?") à Howard Howkes et Les Hommes préfèrent les Blondes ("The Math of Love Triangle") en passant par la Nouvelle vague ("Sexy French Depression") ou le noir et blanc et les claquettes caractéristiques de Fred Astaire ("Settle for Me"), on ne sait où donner de la tête tant le registre de la série est large... et les chansons ont l'art de vous rester en tête bien longtemps après le visionnage !
Les hits contemporains ne sont également pas en reste. De la pop sucrée des années 2000 au hip hop langoureux de Beyoncé (le morceau "Sex with a Stranger" est un clin d'oeil malicieux au clip de "Partition") en passant par les ballades mélancoliques des années 1980 à la Bonnie Tyler, aux clips des Spice Girls et autres Backstreet Boys ou même Bruno Mars : aucune référence n'échappe à la plume acérée de Rachel Bloom et du compositeur principal de la série, Adam Schlesinger, qui les détournent de manière hilarante pour servir les besoins narratifs de la série. Le morceau "Feeling Kinda Naughty" reprend ainsi la mise en scène du célèbre "I Kissed a Girl" de Katy Perry pour se moquer du sens de l'amitié ultra-obsessionnel de l'héroïne.
Si vous pensez qu'humour et féminisme sont loin d'être incompatibles
Quelle meilleure arme que l'humour pour s'attaquer aux stéréotypes de la féminité ? Tel est le message véhiculé par Rachel Bloom, à commencer par l'utilisation de son propre corps. Le titre le plus emblématique de la série, "The Sexy Getting Ready Song", sous la forme d'une satire des morceaux R'N'B des années 2000, s'attaque frontalement aux diktats de la beauté féminine. Car Rebecca, loin de s'astreindre à des régimes, aime son petit ventre, adore déguster des doonuts à la cafétéria avec son amie Paula, et tente plutôt de s'occuper de son bien-être moral avant tout. La série décortique avec humour tous les stéréotypes sur les femmes, de la sacro-sainte réunion entre copines aux petites mesquineries entre deux femmes se disputant l'intérêt d'un seul prétendant. Elle brille dans les moments où elle dénonce avec humour tout le mal que l'on se fait, en tant que femme, à vouloir répondre à une norme imposée et surréaliste. La charge mentale est ainsi illustrée à travers le personnage de Paula, qui lutte pour devenir avocate entre une famille qui ne l'aide pas et une amie qui la sollicite constamment lorsqu'elle a besoin d'elle mais ne lui donne rien en retour.
Crazy Ex-Girlfriend met enfin en avant un discours positif et libérateur sur la sexualité. Entre deux fous-rires sur des chansons comme "Period Sex" ("le sexe pendant les règles"), "I Gave You a UTI" ("Je t'ai donné une infection urinaire") ou encore "Hungry Vagina Metaphor" (hilarante satire de la comédie musicale Cats sur la frustration sexuelle !), on apprend à questionner ses préjugés, ses appréhensions, et à rire de ses complexes. La série donne également la part belle à la diversité en incluant des personnages bisexuels de premier plan, et en donnant une grande visibilité à la communauté philippine à travers le personnage de Josh Chan et de ses proches.
Au fil des saisons, Crazy Ex-Girlfriend s'évertue à déconstruire les stéréotypes féminins (son titre même renvoie au cliché de la petite-amie obsessive et trop collante, popularisé par un meme internet). Elle prône la bienveillance dans le rapport aux autres, et surtout, envers soi-même. Vous faire rire, vous émouvoir, et vous initier aux fondamentaux du féminisme en même temps ? Yes, she can. Si toutes ces raisons vous ont convaincues, alors Rebecca Bunch et West Covina n'attendent plus que vous !
Retrouvez les trois premières saisons de Crazy Ex-Girlfriend sur Netflix :