Douleur et gloire - réalisé par Pedro Almodovar
Compétition
"'Douleur et gloire est-il un film sur ma vie ? Non, et oui, absolument'. Ces quelques mots de Pedro Almodovar au début de la bande-annonce de son nouvel opus résument parfaitement son intention. A un détail près. Car il ne s’agit pas d’autobiographie mais bien d’autofiction. De retour devant sa caméra pour la huitième fois, Antonio Banderas incarne un alter ego du cinéaste espagnol, qui cherche à se reconcilier avec son passé : de sa mère à un ancien amant, en passant par un acteur avec lequel il s’était brouillé. A travers lui, c’est bien évidemment l’auteur de Parle avec elle qui s’exprime, pour dire des choses qu’il n’avait jamais dites aux personnes concernées. Parsemé de références, le long métrage est un film-somme qui ne nécessite pas d’avoir fait Almodovar LV2 pour en saisir la richesse. Le récit peut en effet se suffire à lui-même. Et il parvient à nous transporter dans un élan de couleurs et d’émotions, entre passé et présent, avec un petit plus qui achève d’en faire la plus personnelle et sincère de ses œuvres. Et s’il était enfin l’heure, pour Pedro, de décrocher cette Palme d’Or qui lui échappe depuis trop longtemps ?" Maximilien Pierrette (@maxp26)
Little Joe - réalisé par Jessica Hausner
Compétition
"Après le Cinéfondation et Un Certain Regard, la réalisatrice autrichienne Jessica Hausner est de retour sur la Croisette avec un film d’anticipation intitulé Little Joe. L’histoire d’une scientifique qui invente une plante capable de rendre heureux. Si le film pousse à la réflexion et pose une vraie question d’éthique, à savoir le bonheur peut-il s’acheter ?, il traite aussi de l’émancipation de la femme et du lien qui existe entre une mère et son enfant. Le film est visuellement réussi, mais à l’image du laboratoire, tout semble aseptisé, les personnages et leurs émotions. On reste en dehors sans jamais réussir à vraiment s’intéresser au sort des personnages. La musique Kabuki utilisée tout au long du film est stridente et stressante et nous donne simplement envie de quitter la salle au plus vite." Laetitia Forhan (@LaetiFo)
Papicha - réalisé par Mounia Meddour
Un Certain Regard
"Papicha, c'est avant tout le regard d'une actrice, Lyna Khoudri. Un regard insoumis, libre, résistant, courageux, alors que l'Algérie des années 90 cède chaque jour un peu plus devant l'intégrisme religieux. Stylise en devenir, à la tête d'un gang de 'papichas' (surnom donné aux jeunes filles d'Alger) extrêmement attachantes, son personnage de Nedjma refuse de renoncer à ses rêves malgré les menaces et les violences. L'Algérie change, certain(e)s renoncent, mais pas Nedjma, habitée par son projet d'organiser un défilé de robes cousues dans des haïks, vêtement traditionnel maghrébin. Le propos est fort, l'interprétation puissante, la réalisation de Mounia Meddour juste. Notamment sur une scène muette littéralement glaçante. La réalisatrice, qui signe ici son premier long métrage, s'est inspirée de son propre vécu en cité universitaire à Alger durant la décennie 90. C'est donc un peu de son histoire qu'elle raconte, à travers celle de Papicha. L'histoire de jeunes femmes qui malgré les désillusions et les obstacles, malgré la mort, ne renoncent pas." Yoann Sardet (@SardetY)
Zombi Child - réalisé par Bertrand Bonello
Quinzaine des Réalisateurs
"Les zombies ont décidément la cote dans cette 72ème édition du Festival de Cannes. Et avant même que les festivaliers en manque de sommeil ne se mettent à leur ressembler. Après Jim Jarmusch et The Dead Don’t Die, Bertrand Bonello convoque lui aussi des morts vivants à la Quinzaine des Réalisateurs avec Zombi Child. Sans le traditionnel 'e' de 'Zombie', puisque l’idée est de revenir aux sources de cette figure de l’horreur et à ses origines vaudoues. Organisé entre passé et présent, Haïti et France, le récit désarçonne en premier lieu et peine à nous faire comprendre où il veut en venir. Il faut donc un peu de recul pour mieux apprécier les parallèles dressés entre les zombies et les adolescentes d’un pensionnat parisien, et cette notion d’héritage, de transmission, qui se dessine en sous-texte. Comme un écho à son récent Nocturama, également scindé en deux parties et dont les héros étaient des morts en sursis, même s’il se révèle moins réussi." Maximilien Pierrette (@maxp26)
J'ai perdu mon corps - réalisé par Jérémy Clapin
Semaine de la Critique
"Remarqué pour ses courts-métrages (dont Skhizein, nommé aux César), Jérémy Clapin passe au long-métrage avec J'ai perdu ma main. Présenté à la Semaine de la critique, le film suit deux trajectoires : celle d'une main qui traverse Paris à la recherche de son corps et celle d'un jeune homme qui tombe amoureux. Ce pitch singulier tient toutes ses promesses et même les dépasse en mêlant habilement les genres. Après une introduction purement fantastique où la main s'échappe d'une morgue, J'ai perdu mon corps prend peu à peu une direction plus intimiste et poétique. On pensait avoir affaire à un film ludique, on en ressort la gorge serrée et les larmes aux yeux. Mon premier coup de cœur de ce festival." Emilie Schneider (@emilie_sch)
First Love - réalisé par Takashi Miike
Quinzaine des Réalisateurs
"Le toujours prolifique Takashi Miike (plus de 100 films en 30 ans !) ne s'est pas assagi au fil des années. Malgré son titre, First Love n'a rien d'une bluette. S'il y a bien une histoire d'amour qui se dessine entre les deux personnages principaux, ceux-ci se retrouvent malgré eux poursuivis par des yakuzas, un flic ripoux et une tueuse envoyée par les triades chinoises, rien que ça ! Le film prend des allures de joyeux bordel jouant sans cesse avec les variations de ton et multipliant les situations où l'horreur et la violence tutoient un humour macabre. Un cocktail jouissif qui apparaît comme une bouffée d'air frais dans la sélection cannoise." Emilie Schneider (@emilie_sch)
Making Waves: The Art of Cinematic Sound - réalisé par Midge Costin
Cannes Classics
"Contribuer à rendre ces moments éternels. C'est ainsi que Steven Spielberg témoignait son admiration à tous les artistes et techniciens oeuvrant sur le son à Hollywood. Un travail de l'ombre, invisible et pourtant essentiel, que la monteuse son, enseignante et désormais réalisatrice Midge Costin met en lumière dans ce documentaire, le premier du genre dédié au son de cinéma. Historique (le son de 1877 à nos jours), ludique (les petits trucs des sound-designers), honorifique (le travail des génies Ben Burtt, Gary Rydstrom et Walter Murch est longuement présenté), le long métrage est sans doute un peu trop académique. On aurait préféré une succession de séquences d'analyse, comme celle, passionnante, menée autour de la scène d'ouverture de Soldat Ryan en début de documentaire. Reste une très belle introdutcion aux métiers du son, où se croisent Spielberg, Lucas ou Nolan, et un rappel salutaire : l'image ne représente que 50% de la magie." Yoann Sardet (@SardetY)