Louis Meunier, réalisateur de Kabullywood, a posé le pied pour la première fois en Afghanistan en 2002. Avant de mettre en scène ce film sur la rénovation du plus grand cinéma de Kaboul, le cinéaste était présent dans le pays dans un cadre humanitaire, afin de participer à la reconstruction après la chute du régime taliban. Il tombe alors totalement amoureux de cette contrée d'Asie centrale.
"À cette époque", se souvient Louis Meunier, "les Afghans étaient optimistes ; c’était l’espoir du retour à la paix après 25 années d’invasion, de guerre civile et d’oppression. Une liberté d’expression nouvelle prenait forme et se manifestait par l’apparition d’une scène culturelle jeune et dynamique composée de réalisateurs, de comédiens, de musiciens, de peintres..."
Depuis les retraits des troupes occidentales, les choses se sont de plus en assombries. Parti pour rester 6 mois, Louis Meunier est finalement resté 10 ans en Afghanistan, assistant à la détérioration progressive de la situation. C'est pour cette raison que le cinéaste a voulu mettre en scène Kabullywood. Il était important pour lui de transmettre un message fondamental :
"Quand la religion est utilisée comme prétexte pour s’attaquer à la liberté d’expression et faire table rase du passé, c’est toute la société qui est en danger. J’ai voulu aussi montrer un visage méconnu de l’Afghanistan, loin de la trilogie simpliste taliban / opium / burqa, en rendant hommage à la richesse de l’héritage culturel du pays : la musique, la peinture, la poésie et surtout le cinéma, à travers une intrigue pleine d’action et d’énergie, qui s’inspire de l’essence de Kabullywood – le cinéma populaire afghan des années 1970 / 1980."
Le décor principal du film est une salle de cinéma à l’abandon qui était autrefois la plus grande et la plus belle de Kaboul - une version afghane du Cinema Paradiso, avec ses projecteurs au charbon, ses fauteuils en velours, son grand balcon, son rideau doré. C'est dans cet endroit que le cinéaste a posé ses caméras. Le réalisateur et son équipe ont rénové cette salle pendant le tournage, s'attirant les foudres d'extrémistes.
Kabullywood : entretien avec son réalisateur Louis MeunierMenaces de mort, incendie, tirs, attentats... il a fallu des nerfs d'acier à Louis Meunier et sa team pour boucler le tournage de Kabullywood : "Nous avons été menacés par des hommes en armes, notre maison a été criblée de balles, nous avons failli mourir dans un incendie et une partie de l’équipe a été blessée dans un attentat. Pour toutes ces raisons, les portes du cinéma sont malheureusement restées fermées à l’issue de la production. Mon seul soulagement est d’avoir pu mener à son terme la réalisation et la production de Kabullywood. À une époque où la culture et la liberté d’expression sont mises à mal - à Kaboul et ailleurs - ce film revêt pour moi une valeur symbolique particulière."
Durant son aventure en Afghanistan, Louis Meunier a passé toute l'année 2005 à cheval à sillonner le pays, marchant sur les pas d'Ouroz, le héros du roman Les Cavaliers de Joseph Kessel. 4 ans plus tard, il orchestre l'ascension du plus haut sommet afghan, le mont Noshaq, culminant à 7492 mètres. C'est en 2014 que l'aventure Kabullywood débute avec cette envie de restaurer le plus grand cinéma du pays pour en faire un centre culturel.
Auteur de plusieurs documentaires multi-récompensés (7000 mètres au dessus de la guerre, Prisonniers de l'Himalaya), Louis Meunier met en scène son premier long-métrage de fiction avec Kabullywood. Toutefois, ce dernier peut être qualifié de récit entre fiction et documentaire tant il est imprégné de l'expérience du cinéaste dans ce pays assoiffée de culture et de liberté où celle-ci se paye encore souvent avec le prix du sang.