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    Exclu : entretien avec Neill Blomkamp, créateur du court "Conviction" sur l'univers du jeu Anthem

    Ce 14 février, Electronic Arts dévoile "Conviction", un court-métrage Live Action impressionnant tourné par Neill Blomkamp, basé sur l'univers du nouveau jeu SF créé par le studio Bioware : Anthem. Entretien exclusif.

    Oats Studios

    Après la nouvelle itération autour de sa saga Space Opera fétiche sortie en mars 2017 et baptisée Mass Effect : Andromeda, le studio Bioware a gardé un ancrage dans la (très) lointaine SF pour son prochain jeu, Anthem, dont la sortie est prévue ce 22 février.

    Jeu d'action - jeu de rôle se déroulant dans un monde persistant, les joueurs sont dans Anthem ce que l'on appelle des Freelancers – les rares qui ont eu le courage de quitter la civilisation pour explorer un paysage de beauté primale. Equipé d'un arsenal d’exo-armures Javelin, chacune équipée de ses armes et compétences, le joueur peut voler, bondir et escalader à travers un monde ouvert, seul ou en groupe jusqu’à 4 joueurs. Les choix effectués par le joueur transformeront son personnage – et le monde qui l'entoure promet le studio.

    En voici la dernière bande-annonce...

    Un peu en amont de cette (toute) prochaine sortie, Electronic Arts et Bioware dévoilent un superbe court-métrage signé par le réalisateur sud-africain Neill Blomkamp. Grand amateur de jeux vidéo à ses (désormais rares) heures perdues (pour mémoire, il devait réaliser l'adaptation du jeu Halo), celui qui avait reconnu avoir emprunté à Half Life 2 le design d'une partie des armes de son District 9 a monté depuis 2015 une structure, Oats Studios, au sein de laquelle il a réalisé d'impressionnants courts-métrages orientés SF. Leurs particularités étant qu'ils sont notamment réalisés à la fois en CGI, parfois en live action, et à l'aide d'un outil, le Unity, bien connu des gamers puisqu'il s'agit de l'un des moteurs de jeu les plus répandus dans l'industrie des jeux vidéo.

    Découvez donc ci-dessous le court-métrage de Blomkamp, baptisé "Conviction"...

    Nous avons eu l'opportunité de nous entretenir, en exclusivité, avec Neill Blomkamp, à propos de sa création autour du jeu Anthem.

    AlloCiné : Avant-tout, étiez-vous un peu familier, ou pas, avec les jeux de Bioware, un studio connu notamment pour son attachement à la narration ?

    Neill Blomkamp : Pour tout dire, je n'ai pas été totalement familier de Mass Effect et de son univers, je n'y ai pas joué. Mais je connais évidemment la réputation du studio. J'ai d'ailleurs su, lorsque je travaillais sur mon film Elysium, que certains comparaient ouvertement l'élément de mon film qu'on appelait le Torus [NDR : l'immense anneau spatial peuplé d'habitats de luxe] au design de la Citadelle, un élément central dans la saga Mass Effect. Je ne suis pas tout à fait sûr, mais je crois aussi que le légendaire designer industriel Syd Mead [NDR : c'est à lui que l'on doit tout le design de Blade Runner notamment] a aussi largement servi d'inspiration à Bioware.

    Qu'est-ce qui vous a attiré dans l'univers d'Anthem ?

    En fait, peu avant qu'Electronic Arts nous contacte, j'ai vu le tout premier reveal du jeu Anthem. J'ai trouvé son approche visuelle formidable, qui rappelait aussi par moment des influences de Ridley Scott; cette jungle luxuriante, ces planètes ultra éloignées, ce système d'armure Javelin que je trouvais vraiment cool, qui permet de propulser les personnages et leur permet de partir en exploration dans la jungle... Ce mélange donnait selon moi un cadre assez unique et vraiment bien pour un jeu. Electronic Arts a donc contacté ma société, Oats Studios, qui travaille pas mal sur des projets expérimentaux et sert un peu d'incubateur. Ils m'ont dit : "pourquoi ne viendriez-vous pas nous voir ? On aimerait vous parler d'un projet dont on pense qu'il pourrait vous intéresser, et notamment vous faire part d'idées qu'on a eu autour de la sortie d'un jeu". J'ai répondu "Avec plaisir !", mais je me suis évidemment douté de quel jeu il s'agissait. Je suis donc allé au siège de EA, où ils m'ont montré tout ce qu'ils avaient développé sur et autour du jeu Anthem. Non seulement j'ai été emballé par ce que je voyais, mais je me suis aussi dit que ca serait un chouette projet pour ma société. C'est de cette manière, finalement très simple, que ca a commencé.

    "Conviction" se déroule plusieurs décennies avant l'histoire d'Anthem. Pourquoi ce choix ? Est-ce le vôtre ou bien celui de Bioware ?

    En fait, ce cadre chronologique ne s'est pas fait de manière vraiment consciente. Une fois qu'on est parti sur l'idée de faire quelque chose de 3 min qui devait ressembler à une sorte de trailer d'un gros film à venir, je devais me concentrer sur les détails du Lore, la mythologie créée derrière l'univers d'Anthem, pour les rendre compréhensibles. Je me suis alors rendu à Edmonton au Canada, au siège de Bioware, où ils m'ont montré et expliqué tout le background du jeu et de son univers. De retour à Vancouver avec toutes ces informations, je me suis dit que lorsqu'on fait un (long) trailer, c'est comme si vous racontiez un film. Vous avez un script de 120 pages, une tonne d'infos, d'éléments visuels et vidéo, ect. Il fallait donc que je cherche à faire un mix entre ma propre histoire, et le monde qu'ils avaient créé, comme si un réalisateur arrivait de manière neutre sur un tel projet pour tenter d'en raconter une histoire. C'est ce qui ressort de ce montage, avec ce personnage féminin que l'on trouve dans la jungle, et le mystère entourant son background, pourquoi elle se retrouve là. J'ai travaillé la narration à partir de cette idée. Je suis retourné voir le studio, où ils m'ont expliqué ce qui pouvait fonctionner ou pas dans la mythologie qu'ils avaient créé. Dans tous les cas, je ne me rappelle pas avoir insisté spécifiquement sur le fait qu'il fallait à tout prix que ce court se déroule avant les événements qui sont évoqués dans la trame du jeu. Les choses se sont finalement goupillées ainsi, ca s'est fait de manière tout à fait naturelle, pas du tout formatée, sans que Bioware m'impose quoi que ce soit. Ca été un processus créatif vraiment fun et plutôt cool.

    Bioware vous a fourni des Assets du jeu pour créer votre court ? Ont-ils par exemple insisté sur la présence de tel ou tel élément devant figurer dans votre court ?

    Il devait y avoir à l'évidence certains éléments propre au jeu qu'on devait retrouver dans le court, comme par exemple le méchant du jeu, les armures Javelin évidemment, la jungle luxuriante située en-dehors des murs de la forteresse de Tarsis... Je trouvais d'ailleurs toute à fait intéressant justement ce contraste, entre l'architecture de ce bâtiment, d'influence très moyen-orientale, où les humains vivent, et l'épaisse jungle dehors. Pour moi, la forteresse de Tarsis devait symboliser ou incarner cette idée de paix et d'harmonie. Puisque vous parlez d'Assets justement, Bioware nous a effectivement fourni des éléments visuels en très haute résolution issus du jeu, ce qui nous a permi de travailler sur les effets et rendus visuels du court. Cela dit, nous avons aussi créé nos propres textures. La customisation des armures est un élément important du jeu comme vous le savez sans doute. Du coup on a aussi beaucoup travaillé sur l'aspect visuel des armures Javelin.

    Une autre question un peu technique : avez-vous utilisé, comme dans vos précédents courts-métrages, le moteur Unity ?

    Ca n'a pas été nécessaire en fait, parce que le court ne tourne pas en temps réel. On est donc dans une création d'effets visuels plus "traditionnelle". En fait, je voulais que l'on ai le même ressenti que si vous aviez découvert au cinéma cinq bandes-annonces de Blockbusters estivaux à venir entre 2019 et 2020. On parle de films qui ont plusieurs centaines de plans à SFX, d'énormes rushs de films qui sont finalement réduits à deux heures de spectacle, puis, au final, encore réduits pour donner des Trailers de 3 min. Je peux vous assurer que c'est un exercice vraiment difficile. J'avais donc avec Conviction cette ambition de créer un court qui soit capable de tenir la dragée haute à ces trailers, de montrer en quelque sorte que cet univers était capable "d'exister" au-delà de ce format de 3 min. De fait, l'approche plus traditionnelle des SFX pour Conviction m'a aidé à tendre vers ce but et d'obtenir ce rendu visuel.

    Vous ne vous en souvenez certainement pas, mais nous nous sommes rencontré il y a 10 ans, lorsque vous êtes venu en France présenter "District 9". Nous avions notamment parlé de cette idée de convergence entre les jeux vidéo et le cinéma. Vous m'aviez alors dit, je vous cite :"Dans mon esprit, la forme actuelle du cinéma est sur le déclin. Avec les jeux vidéo, certains appellent ça la convergence. De plus en plus de jeunes vont jouer aux jeux vidéo. Le cinéma va évoluer comme les livres. Avant, tous les enfants ou presque lisaient des livres. Et cela s'est progressivement transformé en "tous les enfants regardent la TV et des films". Vous trouvez encore des enfants qui lisent des livres, mais plus autant. Pour le cinéma, on suit le même schéma. Le cinéma va disparaître au même degré que l'influence des livres ont sur les jeunes, et les JV vont remplacer la TV et le cinéma. La question est : comment le style visuel et narratif des films va trouver sa voie au sein des jeux ? On y arrivera à coup sûr, c'est ça qui est intéressant". Dix ans plus tard, vous avez toujours le même sentiment ?

    Wow ! Merci pour ce rappel ! (rires) Oui, je pense toujours la même chose ! C'est intéressant ce que j'ai dit il y a dix ans. Je ne sais pas si d'autres cinéastes de ma génération partagent ce sentiment ou ce ressenti d'ailleurs. Mais je persiste. La narration qu'on nous donne au cinéma est toujours faite de manière passive, et continuera son chemin de la même manière que les livres, qui ont d'ailleurs évidemment tout à fait leur place. Ils font partie du catalogue des Arts. Mais les nouvelles manières dont les individus communiqueront leurs idées dans ce XXIe siècle seront plus que jamais interactives. Je ne sais pas exactement quels chemins prennent les jeux vidéo, mais vous pourrez de plus en plus interagir dans un monde en 3D, et naviguer à travers. Le niveau de passivité ou d'activité sera déterminé par ceux qui créeront cette interactivité. Regardez par exemple les usages que l'on peut faire avec la réalité augmentée ou la VR. Je trouve intéressant d'explorer justement ces nouvelles voies narratives, voir ce qu'il est possible de faire avec la 3D, ce qu'on peut faire en temps réel, ou bien en utilisant une approche plus traditionnelle dans la réalisation, ou encore en mélangeant tout ça. C'est avec cet esprit expérimental que j'ai réalisé le court Adam : Chapter 1 [NDR: utilisant le moteur de jeu "Unity" et primé, visible ici] mais je ne suis pas encore parvenu à cette hybridation. J'ai seulement créé pour l'instant des contenus narratifs visibles sur Youtube avec un moteur tournant en temps réel. Si vous capitalisez là-dessus, ca met l'audience au même niveau que le public découvrant des courts-métrages réalisés pour la VR. C'est un début, ca permet de tester le public, voir ce qu'il aime, ce dont il a envie. Plus tard, pourquoi pas intégrer l'idée que le public puisse influer sur les récits de ces courts. En tout cas j'y travaille.

    Il y a deux ans, vous aviez fait part au détour d'une interview de votre envie de créer un jour votre jeu vidéo; en l'occurence un jeu dans lequel on trouverait notamment des Méchas. Vous êtes toujours motivé ?

    Ah oui, absolument ! C'est vrai, j'ai toujours cette envie là ! En fait, j'ai même déjà écrit un script, élaboré au sein de Oats Studios, qui devait d'ailleurs à la base être un film. J'aimais cette idée d'en faire un film, mais chaque fois que j'y reviens, je me dis que ca ferait un jeu vraiment génial. Il est effectivement très centré sur ce concept de Mechas. En tout cas, je n'abandonne pas l'idée !

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