Un atelier intimité
Avant le début du tournage de Sex Education, toute l’équipe s’est réunie pour un atelier d’une journée. Le programme ? L’intimité. Chaque membre a pu ainsi partager ses expériences, bonnes comme mauvaises, sur les scènes de sexe ou de nudité qu’il ou elle a pu réaliser au cours de sa carrière. Cette journée fut à l’initiative de Ita O’Brien, coordinatrice d’intimité. Un poste nouveau sur les plateaux de tournage mais qui commence à se démocratiser. Son rôle consiste à préparer, superviser, conseiller, apporter son soutien aux acteur·rice·s comme à l’équipe de tournage et un accompagnement particulier.
C’est l’actrice Emily Meade sur le tournage de The Deuce, la série de David Simon sur le milieu de la prostitution et de la pornographie dans le New York des années 70, qui est à l’origine de cette nouvelle fonction. Elle est allée voir les exécutifs de HBO, qui diffuse la série aux États-Unis, pour obtenir une aide et un suivi lors du tournage des scènes de sexe, avec lesquelles l’actrice se sentait mal à l’aise. Alicia Rodis occupera le rôle de coordinatrice d’intimité, accompagnant Emily Meade ainsi que toute l’équipe durant le tournage de la seconde saison. Depuis, David Simon a annoncé qu’il ne se passerait plus d’un tel poste sur ses prochaines séries. HBO a décidé qu’un·e coordinat·rice·eur d’intimité serait présent·e sur tous les tournages (téléfilms comme séries) où figurent une scène de sexe. Ita O’Brien, en plus de travailler avec Netflix, a également travaillé pour Amazon Prime et l’opérateur anglais de télévision par satellite, Sky : « il y a eu un vrai séisme cette année. [...] C’est vraiment une évolution positive pour l’industrie » précise la coordinatrice pour Mashable.
Pour un environnement plus sain
Le rôle de Ita O’Brien sur Sex Education fut de « donner une structure et une marche à suivre pour réaliser ces scènes de sexe » se confie-t-elle. Il s’agit alors de préparer la séquence comme une cascade, avec une chorégraphie, de la préparation, des répétitions afin de s’assurer que tout le monde connaît exactement son rôle dans la séquence et que chacun·e se sente en sécurité, « vous validez la scène étape par étape, précisant bien où les acteur·rice·s ont consenti à être touché·e·s, afin de les libérer à raconter l’histoire et leur personnage à travers la scène » ajoute-t-elle. Pour Kate Herron, réalisatrice de quatre épisodes de Sex Education, la présence de Ita O’Brien fut particulièrement importante pour créer un environnement sain où tout le monde se sent à l’aise afin de garantir la réussite de la scène : « une bonne partie des scènes de sexe que j’ai réalisées possèdent un effet comique et vous ne pouvez pas atteindre ce résultat si les acteur·rice·s ne se sentent pas à l’aise » révèle-t-elle à Mashable.
« Personne ne devrait rentrer chez eux après le tournage d’une scène de sexe et se sentir comme s’il·elle·s avaient fait quelque chose de mal (Kate Herron).
Le travail de Ita O’Brien comme celui d’Alicia Rodis est de séparer la sexualité entre les deux personnages de ce qui est en train de se passer entre deux acteurs : « le sexe sur le plateau de tournage n’a rien à voir avec un vrai rapport sexuel. Tout est faux. Mais il doit être appris et chorégraphié » précise, pour le Huffington Post, Tonia Sina, qui a fondé en 2016 avec Alicia Rodis et Claire Warden, Intimacy Directors International. « [Alicia Rodis] comprend comment aider [les comédien·ne·s] à chorégraphier les scènes pour les rendre plus réelles qu’elles ne le sont, tout en faisant en sorte que ce soit moins réel pour nous » ajoute Emily Meade pour Rolling Stone. Une attention que partage également Ita O’Brien : « vous ne voulez pas apporter qui vous êtes sur une scène de sexe »
Une évolution majeure des conditions de tournage
Tout est ainsi réalisé afin de garantir un environnement sain, aussi bien pour les acteur·rice·s que pour l’équipe de tournage : « personne ne devrait rentrer chez eux après le tournage d’une scène de sexe et se sentir comme s’il·elle·s avaient fait quelque chose de mal » ajoute Kate Herron. Plus d’un an après le mouvement #MeToo et les révélations concernant Harvey Weinstein, l’industrie du cinéma et des séries continuent de bouger. Et ces (r)évolutions doivent se dérouler aussi bien devant que derrière la caméra. Cela passe par des fictions qui posent un autre regard sur les rapports hommes/femmes, qui ouvrent le dialogue, le débat, qui tentent de renverser les stéréotypes, d’être un peu plus inclusives et justes. Cela passe aussi et surtout par des conditions de tournages qui respectent l’intégrité physique de ses membres mais aussi apporter une attention particulière au langage, au choix des mots qu’emploie le réalisateur·rice pour diriger les scènes de sexe, afin de faciliter la distinction entre ce qui est joué et ne l’est pas. « Je suis là pour donner une voix aux acteur·rice·s, surtout celles et ceux qui ont le sentiment d’en manquer. Et je suis aussi là pour les producteur·rice·s, afin qu’ils ou elles sachent que tout est fait pour rendre les plateaux de tournage plus sûr » conclut Alicia Rodis. Après The Deuce, la coordinatrice d’intimité a enchaîné avec les tournages de Watchmen de Damon Lindelof et le film Deadwood.