AlloCiné : Que pouvez-vous nous dire sur Succession, votre toute nouvelle série HBO ?
Brian Cox : Il y a quelques années, Jesse Armstrong (ndlr : le créateur de Succession) avait pour projet d'écrire un scénario inspiré de la vie de Rupert Murdoch, mais il a ensuite collaboré avec Armando Iannucci sur des séries engagées comme The Thick of it puis il a écrit des épisodes de Veep. C'est alors qu'il a eu l'idée de cette série consacrée à un empire médiatique familial, et les relations difficiles qu'entretiennent ses membres. L'histoire est racontée de manière brutale à travers un ton épuré qui, selon mon point de vue de comédien, est une bénédiction. J'ai immédiatement accepté le rôle quand Jesse et Adam McKay (ndlr : le producteur et réalisateur du pilote) me l'ont proposé. A l'origine, je n'étais censé apparaître que dans le premier épisode mais suite à nos discussions, ils ont décidé de ne pas tuer mon personnage car il incarne la figure centrale de cette famille dysfonctionnelle.
Ce que j'ai aimé lors du tournage, c'est qu'il y avait vraiment un sentiment de collaboration avec l'ensemble de l'équipe ce qui a été bénéfique à la série, et qui nous a également permis d'improviser. Jesse était très ouvert à nos suggestions, car c'est ainsi qu'il travaillait sur The Thick of it avec Armando Iannucci. Cela a été une manière de travailler très excitante et Logan Roy est évidemment un personnage très bien écrit. Ce qui m'a plu, c'est qu'il n'y a rien de superficiel avec lui, il ne cherche pas à se cacher derrière un masque ni à se faire passer pour ce qu'il n'est pas.
Mais un autre élément essentiel de la série est la nature même du dysfonctionnement de cette famille qui fait office de métaphore de notre société. Si l'on augmente la richesse d'une partie de la population, et qu'à l'inverse on aggrave la pauvreté des autres, alors les gens aisés vont peu à peu s'éloigner de la réalité et mener leur existence dans un monde complètement différent de ce qu'il est réellement. C'est ce que représente le personnage de Logan, qui essaie d'apprendre – parfois avec brutalité – à ses enfants les fondements de ce monde impitoyable des affaires où rien n'est acquis de fait.
Que pensez-vous de l'aspect shakespearien de la série, et l'histoire de ce monarque fatigué dont les héritiers se disputent la succession qui rappelle notamment Le Roi Lear…
C'est une histoire classique, effectivement dans un sens shakespearien du terme. Logan sait qu'il n'a pas été un père parfait pour ses enfants, mais il espère néanmoins qu'à l'heure venue, ils sauront prendre la suite de ses affaires. C'est le cœur même de la série, la façon dont ces gens sont déconnectés de la réalité. La série est un portrait du monde actuel, où les individus sont rangés dans des cases et où plus que jamais il existe des classes sociales qui quadrillent la société. J'ai récemment vu un documentaire consacré à Elvis Presley, et beaucoup pensent qu'il est mort à cause de son opulence, mais en vérité c'est la pauvreté dans laquelle il a grandi qui l'a fait sombrer dans ses excès une fois qu'il est devenu riche.
Comment décririez-vous l'évolution de votre personnage au cours de cette saison ?
Il vit une sorte de reboot, c'est-à-dire qu'à sa sortie du coma, son cerveau se remet en marche, donc il y a une phase de rééducation mais il n'est pas non plus diminué physiquement car ce serait hors-sujet par rapport au propos de la série. D'une certaine façon, il est à son réveil encore plus lui-même qu'il ne l'était avant son accident.
Comment compareriez-vous le monde du cinéma avec celui de la télévision ?
Pour tout vous dire, j'ai des sentiments mitigés à l'égard du cinéma. Désormais, les films sont la propriété de firmes commerciales. J'ai fait beaucoup de films indépendants, mais il est très difficile de réunir le budget nécessaire pour les tourner. Ce n'est pas un milieu très sain.
Je n'ai pas vu la série Hannibal mais je suis sûr que c'est très bien. Pour tout vous dire, j'ai toujours eu un problème avec le film (ndlr : réalisé par Ridley Scott), car le Lecter que j'ai joué était quelqu'un de mystérieux mais selon moi l'écrivain Thomas Harris a eu tort de surdévelopper le personnage, car il a perdu en intérêt. J'ai eu beaucoup de chance d'être le premier à l'incarner à l'écran, j'aurais aimé toucher le même salaire qu'Anthony Hopkins mais cela n'a pas été le cas. (rires) Et c'est la même chose avec Jason Bourne, le personnage a parfaitement été traité dans la trilogie, mais cela n'était pas nécessaire d'en tourner d'autres. Quant à X-Men 2, je pense qu'il s'agit encore à ce jour du meilleur épisode de la franchise car c'est un film allégorique. Il est facile de s'identifier aux mutants, et d'ailleurs le réalisateur Bryan Singer qui est lui-même gay a construit ses films pour parler de son vécu de manière détournée.
J'aime énormément le format télévisé, car rien n'est acquis et une série se construit au jour le jour, au fil de chaque épisode. Prenez l'exemple de Deadwood, c'est un programme qui n'a cessé d'évoluer au fur et à mesure du temps et selon moi, c'est beaucoup plus plaisant de travailler ainsi.
Après une programmation en US+24 sur OCS City, les épisodes de Succession sont désormais disponibles en téléchargement légal sur iTunes :