"La possibilité de la bonté est au centre de ce film" déclare la réalisatrice et scénariste Alice Rohrwacher en préambule de la conférence de presse d’Heureux comme Lazzaro, son dernier long métrage. C’est la troisième fois qu’elle revient sur la Croisette après Corpo Celeste, son premier film présenté en 2011 à la Quinzaine des Réalisateurs, et Les Merveilles en 2014, qui lui a permis de recevoir le Grand Prix des mains de Jane Campion.
Je voulais montrer un monde qui se transforme, qui change et qui, en même temps, reste le même.
Avec son héros naïf incarné par Adriano Tardiolo, proche d’un Candide, Alice Rohrwacher raconte comment une société féodale abuse de la gentillesse d’un paysan nommé Lazzaro avant qu’une amitié se noue avec Tancredi (Tommaso Ragno), un homme bienveillant qui guide Lazzaro vers le monde moderne. "Je voulais montrer un monde qui se transforme, qui change et qui, en même temps, reste le même. L’être humain est ainsi porté à exploiter ses semblables et je voulais raconter une tragédie de façon plus légère, plus libre et en y insufflant le plus de vie possible."
Interrogée sur ses maîtres en cinéma et particulièrement sur ses influences felliniennes ou pasoliniennes, la cinéaste a répondu sans détour : "Ces maîtres, je les porte dans ma mémoire et dans le sang. On peut également citer Ermanno Olmi et les frères Tavianni." Une élégante façon de rendre hommage à deux Palmes d’Or italiennes consécutives (Padre Padrone en 1977 et L’Arbre aux sabots en 1978), décernées à des géants du cinéma italien décédés récemment.
Animatrice de cette conférence de presse, l’illustre critique de cinéma Danièle Heymann a tenu à ce que les producteurs d’Heureux comme Lazzaro (Carlo Cresto-Dina et Paolo Del Brocco) expliquent à l’assistance comment s’est monté un projet si ambitieux.
"C’est le mot « organique » qui me vient le premier à l’esprit", explique Cresto-Dina. "L’image qui revenait le plus souvent, c’est que nous essayions de construire non pas un édifice mais de créer la vie de ce bourg, de cette propriété qui s’appelle Inviolata. On a planté du tabac, on a mis des animaux, des oies des porcs, on a refait l’intérieur de la maison… tout ça nous a accompagnés dans un développement organique du film."
Le Grand Bain : Gilles Lellouche voulait "une mixité de talent et de tons"Inévitablement, la question de la place des réalisatrices en compétition officielle au Festival de Cannes a été soulevée. Sans émoi, Alice Rohrwacher a répondu : "Je ne pense pas que les films soient sélectionnés en fonction du sexe de leur réalisateur. Du moins, c’est ce que j’imagine. Je pense que les sélectionneurs choisissent les films en fonction du regard que portent ces réalisateurs, hommes ou femmes, sur le monde. Il est clair que je suis fière et émue d’être ici."
De nombreux films sont porteurs de différents messages, mais celui-ci dit qu’il faut apprendre à s’entraider plutôt qu’à s’entretuer.
Le comédien espagnol Sergi Lopez, présent à l’affiche, a tout de même tenu à signifier qu’Heureux comme Lazzaro est un film politique qui ne ressemble à aucun autre : "Je suis heureux de venir à Cannes avec un film politique. De nombreux films sont porteurs de différents messages, mais celui-ci dit qu’il faut apprendre à s’entraider plutôt qu’à s’entretuer. C’est un film splendide et intemporel, même si on ne sait pas à quelle époque il a lieu."
Heureux comme Lazzaro ne dispose pas encore d’une date de sortie française. Nul doute qu’un prix au Palmarès du 71ème Festival de Cannes l’aidera à se positionner dans le courant de l’année à venir. Il mélange comédiens professionnels (Sergi Lopez, Alba Rohrwacher) et nouveaux venus sur grand écran.
L'intégralité de la conférence de presse d'Heureux comme Lazzaro au Festival de Cannes