Nouveau rebondissement dans l'affaire qui oppose le producteur Paulo Branco au réalisateur Terry Gilliam. Lundi, les dirigeants du Festival de Cannes Thierry Frémaux et Pierre Lescure répondaient par voie de communiqué aux accusations de "passage en force" portées par Me Juan Branco, avocat de Paulo Branco, quant à la sélection de L'Homme qui tua Don Quichotte, de Terry Gilliam, en clôture du festival. Le président et le délégué général déclaraient alors qu'ils ne "céderaient pas à la menace" et qu'ils attendaient "sereinement" la décision du Tribunal de Grande Instance qui déterminera lundi 7 mai si la projection du film le 19 mai doit être interdite ou maintenue.
Un autre communiqué ne tardait pas à suivre, signé par Claire Hocquet, avocate d'Afalma Films, Paulo Branco, ainsi que son fils et avocat Juan Branco, qui soulignaient que "trois décisions judiciaires [avaient] confirmé les droits exclusifs de Paulo Branco et d’Alfama Films Production sur le film de Terry Gilliam" et que "ces décisions [avaient] l’autorité de la chose jugée et [empêchaient] toute projection ou exploitation du film sans l’accord de son producteur".
On rappelle qu'en 2016, le cinéaste et le producteur s'étaient associés pour reprendre la production de L'Homme qui tua Don Quichotte, projet de longue date de Gilliam qu’il n’avait jamais réussi à tourner, mais que les rapports s'étaient rapidement envenimés entre les deux hommes et la collaboration s'était arrêtée là. Gilliam s'était alors tourné vers d’autres producteurs, mais Branco, affirmant détenir contractuellement les droits sur le long métrage, avait traîné le réalisateur en justice. Alors qu'en première instance, le tribunal a confirmé la validité du contrat qui lie Branco au film de Gilliam, le jugement d'appel n'est attendu que pour le 15 juin.
L'Homme qui tua Don Quichotte : le Festival de Cannes ne cédera pas "à la menace" [MISE A JOUR]Aujourd'hui, c'est au tour des producteurs de L'Homme qui tua Don Quichotte - ceux qui ont mené le projet à bien - et de son distributeur en France, Océan, d'expliquer, toujours par voie de communiqué, "pourquoi M. Branco n’a pas été, n’est pas et ne sera jamais le producteur du Don Quichotte de Terry Gilliam".
"Les producteurs et le distributeur du film ont pris connaissance de l’assignation en référé que M.Branco a adressée au Festival de Cannes pour une audience fixée au 7 mai 2018, écrivent-ils. Afin d’éclairer le public qui suivrait cette affaire et tous les amoureux du cinéma de Terry Gilliam, nous voudrions porter une information aussi objective que possible sur le dernier volet rocambolesque de cette incroyable histoire de cinéma et expliquer pourquoi M. Branco n’est pas et ne sera jamais ce qu’il prétend être, à savoir le producteur de ce film.
Parce qu’il ne détient pas les droits d’auteur sur le scénario du film : s’il a bénéficié d’une option pour acquérir ces droits auprès de leur titulaire, la société anglaise RPC, il ne l’a jamais levée car il était dans l’incapacité d’en payer le prix de 250.000€.
Parce qu’il n’a jamais payé le prix des droits d’auteur-réalisateur du film, il n’a pas même versé 1€ à Terry Gilliam à ce titre.
Et parce qu’il n’a pas produit le film sélectionné par le Festival de Cannes."
M. Branco n’a pas été, n’est pas et ne sera jamais le producteur du Don Quichotte de Terry Gilliam
Le communiqué revient ensuite sur les faits qui ont conduit Terry Gilliam à rompre son contrat avec Afalma et Paulo Branco :
"En août 2016, Terry Gilliam prend conscience que M. Branco, qu’il a rencontré cinq mois plus tôt, n’avait aucunement l’intention d’honorer ses engagements contractuels et qu’il avait décidé de produire le film pour la moitié du budget convenu entre les deux hommes, dans le mépris total de la vision du réalisateur, qu’il avait pourtant juré, sur l’honneur et par contrat, de préserver.
M. Branco se livre alors à un véritable chantage, menaçant Terry Gilliam, à qui il écrit : 'Soit tu fais ce film à ma façon, soit tu compromets irrémédiablement la faisabilité du projet et ton film est condamné, il ne verra jamais le jour'. Sous le choc, Terry Gilliam refuse de céder. M. Branco lui répond : 'Notre collaboration est impossible. Bonne chance avec un autre producteur'. Terry Gilliam décide donc de résilier son contrat. (...) A cet instant précis, la préparation du film n’a pas commencé et M. Branco n’a pas versé un centime à Terry Gilliam. Et c’est toujours le cas aujourd’hui.
Le film est alors sauvé par quatre producteurs : la britannique Amy Gilliam, l’espagnole Mariela Besuievsky, avec le soutien du belge Entre Chien et Loup et du français Kinology. Elles et ils sont les producteurs du film : ils ont réuni 16M€ de financement et convaincu les distributeurs. Ils sont les propriétaires du film dont la chaîne des droits est enregistrée dans quatre pays. Il leur faut neuf mois pour préparer et démarrer le tournage, le temps de rebâtir sur les décombres laissés par M. Branco qui, en moins de cinq mois de "collaboration", aura été incapable de redonner vie au projet tel qu’il était conçu par son auteur, et aura démontré sa volonté destructrice et autoritaire (...)."
M. Branco (...) aura été incapable de redonner vie au projet tel qu’il était conçu par son auteur
Les producteurs et le distributeur français du film observent par ailleurs qu'ils ont fixé une date de sortie nationale, le samedi 19 mai et qu'ils ne reconnaissent "aucunement 'l’autorité de 3 procès gagnés' et 'les droits exclusifs d’ALFAMA'".
"Pourquoi ? insistent-ils. Parce que le refrain "3 procès gagnés" repose sur l’interprétation spécieuse par M. Branco d’une décision rendue par un juge français et de deux décisions anglaises.
Il y a un an, le 19 mai 2017, le TGI de Paris a débouté M. Branco de sa demande de contrefaçon et a autorisé le tournage du film produit par les nouveau producteurs. Ce n’est donc pas une victoire pour M. Branco. D’autant que le juge du fond a écarté la prétention d’ALFAMA de détenir des droits d’auteur-réalisateur. La "victoire" que M.Branco s’attribue, c’est que le juge a également estimé que M. Gilliam n’aurait pas dû résilier ainsi son contrat. Pour autant, le juge a considéré que cela était sans incidence sur le processus de production du film en cours par les véritables producteurs.
Quant aux deux jugements anglais, voilà ce qu’ils disent : les juges prorogent l’option sur le scénario dont bénéficiait M. Branco. Or, cette option ne peut plus être levée, puisque les droits ont été cédés légalement aux nouveaux producteurs. (...) Il n’existe donc aucune reconnaissance des droits de M. Branco.
Il n’existe (...) aucune reconnaissance des droits de M. Branco
Reste la prochaine décision de la Cour d’appel du 15 juin 2018. (...) Quel en est l’enjeu ? De savoir si oui ou non, en résiliant son contrat, Terry Gilliam a eu raison de chercher à sauver son film, ou s’il aurait dû l’abandonner aux mains d’un producteur dont il savait qu’il était prêt à le sacrifier. (...) Pourquoi en est-on arrivé là ? Parce que, le 15 Mars 2018, les producteurs ont refusé l’ultimatum non négociable de M.Branco transmis en présence de tiers : cet ultimatum, c’est 3,5M€ pour lui, qui se répartiraient en 2M€ cash immédiatement et 1,5M€ sur les recettes à venir. Si M. Branco et ses avocats contestent notre affirmation, qu’ils déposent plainte en diffamation."
Le communiqué se conclut ainsi :
"Même si l’agressivité et la violence de MM. Branco père et fils choquent (...) notre intention n’est pas d’offenser en retour, mais simplement de rétablir la réalité en prenant appui sur des documents précis. Nous savons que M. Branco cherchera inlassablement à la démentir, nous venons de nous tenir aux faits tels qu’ils se sont passés."
Ainsi s'achève la mise au point des producteurs et du distributeur français de L'Homme qui tua Don Quichotte. En attendant la décision que prendra le juge des référés à l’issue de l’audience du 7 mai prochain, le clan Branco répliquera-t-il de nouveau ?
La bande-annonce de L'Homme qui tua Don Quichotte :