POUR LE SYMBOLE
Ça aurait pu être Luke Cage, finalement orienté vers le petit écran et Netflix. War Machine ou le Faucon, présents dans l'univers sous les traits respectifs de Don Cheadle depuis Iron Man 2 et Anthony Mackie, apparu dans Captain America : Le Soldat de l'Hiver. Voire Blade, pour un retour acéré. Mais non, pour le premier long métrage du Marvel Cinematic Universe porté par un personnage noir, il fallait que ce soit lui, Black Panther, le premier super-héros noir de l'Histoire des comic books américains, également connu sous le nom de Pantherman, puis La Panthère noire en France.
Avant Luke Cage, Faucon, et même les héros DC que sont Black Lightning et le Green Lantern John Stewart, il y a donc eu T'Challa, alias Black Panther. Né sous les plumes de Stan Lee et Jack Kirby en 1966, il tire son nom d'un bataillon de chars de l'armée américaine, composé de soldats noirs dont l'emblème était une panthère. Pour la petite histoire, ledit bataillon comptait dans ses rangs un certain Jackie Robinson, premier joueur noir à avoir évolué en Ligue Majeure de Baseball aux Etats-Unis en 1947, et dont l'histoire a été racontée dans le film 42, où il était incarné par... Chadwick Boseman, futur interprète de Black Panther.
Apparu en juillet 1966, Black Panther n'obtient pas immédiatement sa propre série, puisqu'il fait ses premiers pas aux côtés des Quatre Fantastiques, et vient ensuite prêter main forte à Captain America et aux Avengers. A défaut de jouer les premiers rôles, l'héritier du Wakanda marque cependant les esprits et rappelle à quel point Marvel sait s'inscrire dans l'air du temps : en cette période de mouvements pour les droits civiques, il valorise les lecteurs noirs, qui peuvent s'identifier au personnage. A tel point qu'il ne serait pas étonnant que le Black Panther Party, mouvement révolutionnaire de libération afro-américaine né en octobre 1966 se soit inspiré de l'alter ego de T'Challa, au moment de choisir son nom.
Une inspiration qui n'a jamais été confirmée à 100%, mais qui a quand même poussé Marvel à rebaptiser le héros Black Leopard (le Léopard Noir) pendant quelques temps, afin d'éviter tout amalgame. Comme Captain America, créé au cœur de la Seconde Guerre Mondiale, l'importance de Black Panther se mesure également sur le plan politique, et le mouvement d'extrême gauche a bien prouvé son statut de symbole. Lequel est encore d'actualité, peu de temps après la polémique "Oscars So White" pointant du doigt le manque de diversité chez les nommés en 2015 (et la majeure partie du temps), et tandis que les violences policières envers les Afro-Américains sont encore nombreux, ou que des suprémacistes ont récemment défilé à Charlotesville, comme à une époque que l'on espérait révolue.
Le premier super-héros noir du Marvel Cinematic Universe arrive donc à point nommé, avec un casting composé à 90% d'acteurs africains ou afro-américains. Et son impact se fait déjà sentir puisque le film de Ryan Coogler, réalisateur très engagé pour promouvoir la diversité, bat des records en matière de préventes aux Etats-Unis, où la frange afro-américaine du public est très importante, si bien que les films de Tyler Perry, qui lui sont exclusivement destinés, se placent bien souvent en tête du box-office.
Avec, enfin, un personnage auquel elle peut s'identifier, au sein d'un long métrage qui n'occulte pas l'aspect politique propre à Black Panther, nul doute que sa mobilisation sera plus importante que pour les précédents blockbusters de la firme. Et ce n'est pas l'implication de Kendrick Lamar, producteur d'un album de chansons issues ou inspirées du long métrage qui nous fera dire le contraire. Surtout si beaucoup d'initiatives de l'acabit de celle de Fredrick Joseph voient le jour : en janvier 2018, ce consultant en marketing de New York a lancé une cagnotte en ligne pour permettre à 300 enfants de Harlem de voir le film.
Une opération couronnée de succès puisque l'objectif initial, qui était de 10 000 dollars, a été atomisé, le résultat final s'élevant très exactement à 46 647 billets verts. Une somme qui sera finalement reversée à l'association The Boys & Girls Club of Harlem, qui devait initialement percevoir l'argent non-utilisé, car Ellen DeGeneres s'est occupée de financer les projections et sucreries qui vont avec. Et cette initiative a très vite fait des petits. Rassemblées autour du nom de code "#BlackPantherChallenge", quelques 300 cagnottes ont été lancées dans la foulée de celle-ci et le total des fonds récoltés dépasse aujourd'hui les 300 000 dollars, de quoi permettre à environ 23 000 enfants de voir le film. Quand on vous disait que Black Panther avait le pouvoir de fédérer...
"Black Panther", de la page à l'écran :