De quoi ça parle ?
Cinq femmes. Et Paris. Cinq façons d’être, de pleurer, de hurler de rire, de rater le bus, de serrer les dents, de jouir, de ne pas jouir, de boire trop, de grandir, de résister, de faire un enfant ou pas, de ne pas vouloir rentrer chez soi… Cinq façons d’aimer. Cinq héroïnes du quotidien qui traversent Paris, depuis la rentrée des classes jusqu’aux vacances de Noël.
Sur une idée de Maiwenn. Créée par Zabou Breitman & Anne Berest. Avec Valeria Bruni Tedeschi, Anaïs Demoustier, Naidra Ayadi, Lou Roy Lecollinet...
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Dans le contexte d'une fiction française toujours plus frileuse, encore et toujours dominée par les séries policières et les concepts vus et revus; et sur une chaîne qui a tendance à privilégier les univers sombres et désespérés, les gueules cassées, les mecs "les vrais", Paris etc. dénote incontestablement par son ton et sa fraîcheur, et déstabilise même au premier abord. Elle est un peu bordélique et manque de mordant, mais elle n'en reste pas moins unique dans le paysage audiovisuel français.
Cette "dramédie", qui creuse le sillon de la trop rare chronique en racontant le quotidien de cinq femmes, leurs grands et leurs petits tracas, sans jamais tomber dans le drame pure, fonctionne avant tout grâce à ses actrices, que l'on est ravi de redécouvrir à la télévision, dans des rôles qui leur collent à la peau, peut-être même un peu trop. Tantôt amusantes, tantôt agaçantes, et parfois même touchantes, elles représentent une certaine idée que l'on se fait de la "Parisienne", en n'évitant pas certains clichés. Il faut du temps pour les apprivoiser mais une fois les douze épisodes visionnés, on ne serait pas contre les retrouver pour une 2e année.
Calibrée pour plaire aux abonné-e-s de Canal + -on ne peut leur reprocher, c'est l'idée- on pourrait toutefois déplorer qu'elle n'offre pas une grande diversité de destins, de parcours, en s'intéressant surtout à des gens bien nés, qui vivent de préférence dans de beaux et grands appartements et dont les problèmes semblent parfois bien superficiels dans un Paris touché par les attentats, un Paris qui peine à cicatriser, chose qu'on ne fait qu'évoquer de manière maladroite, sans rien en dire réellement. Zabou Breitman a cependant choisi de filmer des quartiers que l'on voit peu au cinéma et à la télévision -le 13e notamment- loin de la carte postale à laquelle on est habitué.
NOTRE INTERVIEW DE ZABOU BREITMAN
Le Paris Etc. que l'on voit là est-il très différent de celui qui avait été initié par Maiwenn ?
Zabou Breitman : Oui, c'est très différent. On n'a pas du tout le même style. Ni les mêmes références. Les miennes sont nord-américaines. C'est comme ça, j'y peux rien, je suis tombée dans la marmite des séries quand j'étais petite. Mon papa a vécu dix ans au Canada et quand il est revenu il a créé Thierry La Fronde, ma mère était actrice... Je connais les ressorts scénaristiques et je suis quelqu'un qui aime l'image. Je prévois énormément dès l'écriture. Beaucoup de cinéastes français travaillent davantage sur le montage, ils filment plein de choses puis ils font des choix, souvent pour de très bons résultats d'ailleurs.
Il faut savoir que quand on est arrivé sur le projet, cela faisait 4 ans que celui de Maiwenn avait été abandonné. Avec Anne Berest, qui n'avait pas encore jamais écrit de scénario, on a travaillé main dans la main car il n'était pas question que je filme un scénario. Il fallait des situations, de l'image, en dehors des mots. Et petit à petit, je me suis rendue compte que c'était hyper naturel pour moi d'écrire une série. J'ai baigné là-dedans.
Qui dit "série avec des femmes" dit forcément Sex & The City ou Desperate Housewives. C'est ce à quoi on pense instinctivement. Paris Etc. s'inscrit-elle dans cette lignée ?
C'est tout sauf ça ! Ca n'a aucun rapport. D'abord parce que ce sont des références déjà assez anciennes, et parce qu'on n'est pas du tout dans le même genre. Avec Desperate Housewives, on est dans quelque chose d'assez classique, même s'il y a une originalité dans la narration. Sex & The City, c'est surtout des femmes qui parlent entre elles. Il y a des scènes fun et les actrices sont bonnes mais c'est pas mon truc. Moi j'aime Altman, Woody Allen...
Du coup, quelles sont vos références séries ?
C'est Profit dans les années 90, par exemple. Toutes les séries HBO, comme Oz. Et plus récemment, The Handmaid's Tale, Fargo... Mais je les ai vues après avoir fait Paris Etc. On me les a conseillées. Et ce que j'aime par dessus tout, c'est quand on peut passer dans une même scène de la comédie au drame ou du drame à la comédie. En France, on fait rarement dans la nuance ou dans le mélange. C'est soit très dramatique, soit très comique. J'ai essayé d'éviter ça.
Alors vous diriez que Paris Etc. est une dramédie ? C'est un mot qui vous convient ?
S'il faut mettre un mot, ce serait celui-là.
Les personnages collent tellement bien aux actrices et à ce que l'on connaît d'elles qu'on se demande si vous avez écrit ces rôles pour elles spécifiquement...
Non, les rôles étaient déjà écrits avant qu'on les contacte. Mais une fois qu'on les a choisies, j'ai beaucoup adapté à leur manière de parler, de marcher... Et puis, on a beaucoup répété. Moi, je répéte toujours beaucoup. Par exemple, le personnage de Mathilde, interprété par Anaïs Demoustier, a un côté tout propre, tout lisse au premier abord et elle était ravie de pouvoir jouer des scènes où parfois elle est destroy, au bout du rouleau. C'était pas quelque chose qu'elle avait en elle a priori. Mais son bagage personnel, plus ce personnage, ça donne un truc vachement intéressant je trouve.
Ce ne sont pas des actrices que l'on a l'habitude de voir à la télé. Est-ce que ça a été facile de les convaincre de sauter le pas ?
Très facile. Valeria Bruni Tedeschi a tout de suite adoré à la lecture. C'est elle qui m'a amenée Noémie Lvovsky à qui elle en avait parlé. Ce qui était terrible c'est que je n'avais pas de rôle pour elle. Et c'est une femme exceptionnelle, il était hors de question que je ne lui donne rien à jouer ! Du coup, le second de cuisine qui était un homme est devenu une femme et franchement, on y a beaucoup gagné. Mais on fait toutes partie de la même famille de cinéma en tout cas, on est toutes très curieuses, on aime travailler, on aime les projets non-conventionnels. C'est ce qui nous a réunies.
Le format de 30 minutes est assez rare en France. C'était une évidence pour vous, le plus adapté à ce que vous vouliez raconter ?
C'est le format qu'avait choisi Canal à l'origine. J'écrivais déjà une série quand ils m'ont contacté et c'était du 6x 52 minutes. Mais là en fait, c'est surtout 4 soirées de 3 épisodes de 30 minutes. Ou 4 soirées de 1h30. Donc à l'écriture je pensais à la fois à la fin de chaque épisode mais aussi à la fin de chaque soirée.
Il y a des images d'archives qui émaillent les épisodes, des images de luttes des femmes à travers les âges. Que vouliez-vous transmettre à travers elles ?
Pas de la nostalgie en tout cas. J'avais envie de montrer que tout est pareil et tout est différent. Et montrer qu'on a avancé quand même, on ne peut pas dire qu'on n'a rien fait. Mais tout n'est pas parfait encore aujourd'hui. Ensuite, le décalage dans le temps donne quelque chose de drôle je trouve. Ca donne un petit vertige, c'est incongru. Ca jaillit dans le récit comme un souvenir. Et puis ça convoque tout le monde. Cela permet de jouer avec le téléspectateur et j'adore ça.
Chaque épisode démarre par une scène de sexe...
Oui, ça c'est une idée que j'ai eue dès le départ, à laquelle je tenais. Je trouvais ça amusant de démarrer sur de l'intime. Mais ça reste quelque chose de formel.
Et c'est assez cru en général...
Alors oui, parfois ! Mais pas toujours. On voit peu de choses dans le fond, mais c'est très suggéré. On parle aussi beaucoup d'amour.
Qu'en est-il des rôles masculins ?
Ils sont de fait au second plan. Ils ne sont pas juste des faire-valoir. Ils ont une vie, mais ils existent par rapport à elles. Et c'est là toute la différence car habituellement ce sont les personnages féminins qui existent par rapport aux hommes.