AlloCiné : Comment décririez-vous le personnage de Mathilde, la jeune fille au coeur de Demain et tous les autres jours, et que vous jouez toutes les deux à deux âges différents ?
Luce Rodriguez (Mathilde ado) : Pour moi, Mathilde est un personnage très fort, qui ne renonce pas, qui persévère. Mathilde est l’adulte en quelque sorte, réincarnée dans l’enfant. C’est ça qui est le plus impressionnant en fait. Beaucoup de personnes ont été l’adulte dans leur famille et je pense que c’est bien de remémorer à tout le monde ces moments de faiblesse et de force en même temps.
Anaïs Demoustier (Mathilde adulte) : C’est une vraie héroïne de sa propre vie. Elle vit des choses difficiles avec sa mère. Elle devient assez vite responsable de sa mère. Elle est vaillante. C’est quelqu’un qui a une vraie force. Je dirai qu’elle est très terrienne, très concrète. Elle ne se laisse pas abattre, au contraire. Ce n’est pas un personnage qui a peur. C’est un personnage qui va de l’avant. Elle est frondeuse.
Luce Rodriguez - Anaïs Demoustier : deux comédiennes pour un même rôle
Luce, est ce que tu as eu l’impression que ce film t’a fait grandir ? Est ce que tu te sens un peu différente depuis ce film ?
L.R.: Oui, ça m’a beaucoup aidée. J’ai beaucoup mûri grâce à ce rôle car ça m’a appris la vie des adultes en quelque sorte.
Anaïs, vous avez fait beaucoup de rôles, donc sans doute que cela ne vous change pas autant, mais est-ce que vous diriez que chacun de vos rôles peut vous changer un peu ?
A.D.: Non, je ne suis pas modifiée par les personnages. Ce sont les rencontres avec les réalisateurs qui me nourrissent, qui me changent et qui me procurent de la joie, ou pas. En l’occurrence, c’était vraiment une rencontre merveilleuse avec Noémie.
Ma partition dans le film est très courte, ça ne représente pas un temps très long, et pourtant, j’ai l’impression d’une vraie grande rencontre. Elle a un regard sur les gens et sur ses acteurs notamment incroyable, extrêmement précis et bienveillant. C’est une vraie grande cinéaste. J’ai eu beaucoup de plaisir à la rencontrer et à jouer avec elle.
Il y avait comme une évidence dans le fait de vous voir jouer dans un film de Noémie Lvovsky, je trouve. J'étais même étonnée que vous n'ayez encore eu l'occasion de jouer pour elle...
A.D. : C'est drôle que vous disiez ça parce que je ne la connaissais pas. On s'est rencontrées pour le film. C'était quand même un pari car il fallait qu'en un temps très court, on soit mère et fille. Je rencontrais à la fois la réalisatrice et l'actrice. Il fallait qu'il y ait un lien très fort sur un temps très court de film. C'est fou comme cela s'est fait simplement, naturellement.
Je crois qu'une grosse partie du travail est fait par le choix de l'acteur. Elle a senti ce qu'il y avait en commun entre Luce et moi et ça s'est bien imbriqué. C'était très léger, très joyeux pour moi cette expérience, et c'est vrai que ça paraissait assez évident de travailler avec elle.
N.L.: Anaïs a fait un travail magnifique. Elle est arrivée à la fin, elle a repris le rôle de Mathilde. Elle a repris le rôle principal, alors qu’elle ne tournait que très peu de jours. Elle a fait un travail extraordinaire de buvard. Elle ne connaissait pas Luce dans la vie. Elle l’a regardée à l’image et elle s’est imprégnée d’elle, de son rythme, de son énergie, de son caractère.
A.D.: Là où je trouve que Noémie a été très forte, c’est qu’on n’a pas de ressemblance physique très évidente. Il y a quelques traits en commun, mais ça se passe ailleurs. Je me suis beaucoup inspirée de [Luce] puisque c’était à moi de prendre la suite. Je me suis inspirée de ce que je pressentais d’elle, du personnage. Ce qui est beau, c’est qu’un personnage peut réunir des gens. Luce et moi, on a chacune des choses en commun avec le personnage et on les a prêté au personnage.
Luce, est-ce que tu avais regardé des films de Noémie Lvovsky avant de tourner ce film ?
L.R.: Oui, j'ai vu La Vie ne me fait pas peur et Camille redouble, deux films très puissants. On retrouve toujours cette ténacité dans ses films. En les voyant et en lisant en même temps le scénario, le scénario en soi ce n'est pas une histoire très heureuse. Seulement, je ne voulais pas jouer la petite fille malheureuse. Ce que je voulais, c'était mettre de la lumière dans ce scénario.
Noémie, chacun de vos films sont très personnels, intimes. Diriez-vous qu'il s'agit de votre film le plus personnel ?
N.L.: J’ai du mal à répondre à ça. Certainement, chacun de mes films est personnel. Je pense que quand James Cameron fait Titanic, il fait un film très personnel ! J’adore James Cameron. C’est sûr que c’est un film intime. La première projection était à Locarno sur la Piazza Grande, et c’est un écran gigantesque, en plein air. Je crois qu’il y a 7 ou 8000 spectateurs. Quand je me suis retrouvée sur scène à présenter le film, ce qui m’est venu tout de suite, c’est "j’espère que ce n’est pas un film trop intime pour une si grande projection".
Un mot sur la musique du film qui es très belle, et notamment cette chanson qu'on entend sur le générique de fin...
N.L.: Cette chanson d’Alela Diane, qui s’appelle Oh My Mama, je l’écoutais en boucle quand je préparais Camille Redouble. Je l’adorais. Je ne savais pas du tout que j’aurai envie de l’entendre un jour dans un film. Quand je l’ai réécoutée en préparation de Demain et tous les autres jours, c’était à croire qu’elle avait été écrite pour le film. Car c’est une chanson qui raconte une fille, sa mère et un oiseau.
Sinon j’ai travaillé avec un garçon formidable qui s’appelle Hubert Cornet, qui est conseiller musical. On a écouté beaucoup de musique. J’avais evie de travailler avec des musiques pré-existantes. On a écouté beaucoup de musique classique, et un jour on a écouté ensemble Sibelius. On l’a essayé sur les images et c’est devenu une des musiques du film. Un jour, on est tombés sur un morceau assez court qui nous plaisait beaucoup, et on s’est rendus compte que Sibelius l’avait composé à l’âge de Mathilde. Il l’a composé quand il avait 10 ans !
La bande-annonce de Demain et tous les Autres Jours :