Première Création Originale de Canal+ lancée en 2005 et exportée dans plus de 70 pays, le phénomène Engrenages est de retour sur la chaîne cryptée, ce lundi 18 septembre à partir de 21h. Dans cette sixième saison, le 2ème DPJ est appelé sur une scène de crime exceptionnelle : un tronc humain est retrouvé dans un tas d’encombrants, dans le 20ème arrondissement de Paris. Une enquête éprouvante et complexe démarre, alors que chacun cherche sa place au sein du groupe avec l’arrivée d’un nouveau commissaire, Arnaud Beckriche (Valentin Merlet), venant de la brigade financière. Laure, Gilou et Tintin vont mettre à jour corruption et achat de paix sociale, dans un quartier rongé par la délinquance et la pauvreté.
DE LA RÉALITÉ À LA FICTION
Prendre le pouls de la société – telle est l’une des principales qualités d’Engrenages. Or, l’ancrage social de la série n’a sans doute jamais été aussi fort que pour cette sixième saison. "Ecrite entre Charlie Hebdo et les attentats de Nice, celle-ci est imprégnée d’un climat d’incertitude et de doute", confie la scénariste et directrice artistique Anne Landois. Toutefois, le producteur Vasili Clert clarifie : "Il n’a jamais été question de faire une saison sur les attentats. Mais il nous a semblé délicat d’en faire totalement abstraction. Il fallait donc trouver un moyen de rendre présent cette réalité quotidienne, sans pour autant en faire le sujet principal." Toujours épaulée par une équipe de consultants, Anne Landois explore davantage le "malaise policier", en délocalisant l'action de la série à Cléry-sous-Bois, ville fictive de Seine-Saint-Denis. Un choix géographique qui permet "d’aborder les relations troubles entre les voyous, les mairies et la police au sein de ce département".
Le tournage s’est également heurté à plusieurs problèmes logistiques. Fabrice de la Palletière, directeur de la Fiction chez Canal+, avoue que "pour la première fois de l’histoire de la série, et en dépit de sa notoriété, [ils] ont mis presque des mois à trouver une commune qui accepte d’accueillir le tournage. Pour de simples raisons de sécurité." Outre, l’interdiction de port d’armes factices en plein état d’urgence, l’équipe a dû faire face à des imprévus parfois dangereux (vols de costumes, camions-loges incendiés, rivalités entre figurants...). Un véritable challenge pour les réalisateurs, Frédéric Jardin (épisodes 1 à 6) et Frédéric Mermoud (épisodes 7 à 12). Ce dernier raconte : "Pour un décor, on a eu le feu vert de la mairie, mais on a dû quitter les lieux parce qu’on n'avait pas eu l’accord, disons informel, des bandes du quartier. On a dû modifier le plan de travail parce que le chef d’une bande nous a dit : 'si vous restez, ça va très mal se passer'." Une prise de conscience de la porosité entre réalité et fiction, dont témoigne également Nicolas Briançon, à propos d’une scène d’attaque du commissariat : "Je me lance dans la scène et là, je vois fondre sur moi, ces mômes… Ils étaient à 200% ! Et voir la violence qui émane de ces gamins, alors qu’ils ont quoi… 14-15 ans… c’est très impressionnant. C’est la seule fois de ma vie, en tournage, où j’ai vraiment flippé."
LA SAISON DE LA CHAIR
Dans le prolongement de la précédente, la saison 6 met l’accent sur la psychologie des personnages. L’intrigue policière débutant sur la découverte d’un tronc humain donne le ton. "Quand on commence par une scène de mutilation, c’est intéressant d’avoir des correspondances avec l’intimité de nos personnages, et avec ce qu’ils vivent à l’intérieur d’eux-mêmes.", développe Anne Landois. En effet, les protagonistes se retrouvent confrontés à une violence extrême, qui passe notamment par le corps. Affaibli par sa maladie, le juge Roban devient son propre ennemi, tandis que la fragilité de Joséphine se retrouve exposée suite à une agression physique. Quant à Laure, son désarroi face à la naissance prématurée de sa fille, entre la vie et la mort, l’empêche d’accepter sa nouvelle maternité. Un thème que son interprète, Caroline Proust, défend : "Ça paraît encore impensable aujourd’hui pour certains, que les femmes puissent favoriser leur métier par rapport au désir d’être mère. Mais pourquoi pas ? La plupart des hommes le font. Je trouve très intéressant de se positionner dans le monde de Laure, qui n’arrive pas à aimer son enfant, dans une société où on décrète qu’une femme se réalise grâce à la maternité. C’est un sujet important et je remercie Anne Landois de l’avoir abordé."
Par ailleurs, les personnages sont également soumis à rude épreuve sur le plan moral, à travers la dialectique entre intégrité et corruption. D’où, en premier lieu, le choix de retranscrire la situation schizophrénique dans laquelle les forces de police se trouvent, entre leur devoir de protéger la population et la haine qu’ils suscitent, en particulier dans des départements comme la Seine-Saint-Denis, où la société se fracture. "S’inspirer de la réalité, c’est s’inspirer de nos contradictions", admet Anne Landois. "Cette saison montre comment les individus, même les plus arrimés à la morale républicaine, se laissent grignoter par des petits arrangements qui dénaturent peu à peu leur fonction et ébranlent les institutions". Parachuté à la tête du DPJ, Arnaud Beckriche, homme de procédure ne connaissant pas le terrain, doit trouver sa place et asseoir son autorité dans un groupe soudé dont les méthodes lui échappent, alors qu’ils gèrent une investigation particulièrement éprouvante. Au cours d’une perquisition, Gilou commet une faute irréparable, que Laure décide de couvrir, excluant alors Tintin, souffrant déjà de son divorce. De son côté, le juge Roban étouffe une affaire de mœurs impliquant le procureur Machard, tandis que Joséphine sollicite l’aide de Laure avant de préférer se faire justice elle-même…
LA FIN D'UN CYCLE ?
A une époque où les séries se multiplient et les saisons s’enchaînent à un rythme effréné, Engrenages a, au contraire, toujours respecté un temps de maturation et de production de deux ans. Une attente qui n’a cependant pas empêché les spectateurs de la suivre avec fidélité, renforçant même leur attachement et leur empathie pour les personnages. Au cours des douze années qui se sont écoulées, les fans ont notamment pu vieillir en même temps que les acteurs, et être témoins de leur évolution. Caroline Proust considère d’ailleurs que si le public éprouve un tel engouement pour la série, c’est justement parce qu’ils peuvent investir un espace vrai. "Depuis la saison 5, j’ai trouvé qu’on commençait à devenir intéressants à l’image. Avant, on était jeunes, et petit à petit, on s’est imprégnés de nos personnages." analyse, dans ce sens, Fred Bianconi. Le format sériel a en effet cela d’unique, comme le confirme à son tour, Philippe Duclos : "C’est une expérience assez extraordinaire pour un acteur, de suivre un personnage aussi longtemps. C’est étonnant d’enfiler le costume et de se retrouver dans son bureau. Il y a des réflexes qui reviennent, exactement comme dans la vraie vie."
Engrenages est devenue une véritable aventure humaine dont résulte la complicité évidente entre les comédiens, l’équipe technique et les consultants. Pour le trio principal, la série a inévitablement changé le regard qu’ils posaient sur la profession de policier, comme l’accorde Fred Bianconi : "Au delà des détails techniques, il y a toute l’humanité et la passion de ces gens, qui a été une vraie découverte pour moi." Et Caroline Proust de renchérir avec ferveur : "Ils ont dans l’œil une brillance, une acuité, que n’ont pas la plupart des gens."
Le choix d’Anne Landois de céder sa place au terme de cette saison 6 semble toutefois marquer la fin d’un cycle. "J’estime que je suis allée au bout de ce que je voulais raconter sur les personnages, et particulièrement sur les femmes.", explique-t-elle. Héritière de l’écriture d’Engrenages depuis la saison 3 et directrice artistique depuis la saison 5, cette dernière est ravie de pouvoir la léguer à son tour. La saison 7 est donc officiellement en cours d’écriture mais… s’agira-t-il de la dernière ? "Je ne sais pas si nous avons totalement tranché aujourd’hui. C’est une question qui se pose, pour être tout à fait transparent…. Engrenages, c’est un peu notre série de cœur… Par contre, ce qu’on ne veut pas, c’est faire la saison de trop.", déclare Fabrice de la Palletière.