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    Parfaites : "La natation synchronisée est la discipline avec le plus grand nombre d’heures d’entraînement"

    Capitaine courage de l'équipe nationale canadienne de natation synchronisée, Marie-Lou Morin nous invite à plonger au cœur du documentaire "Parfaites", consacré à sa discipline méconnue. Rencontre.

    M2 Distribution

    Les nageurs de natation synchronisée du Grand Bain cartonnent en salles, avec près de trois millions de spectateurs déjà au rendez-vous. L'occasion de revenir sur l'entretien que nous avait accordée en mars 2017 Marie-Lou Morin, capitaine courage de l'équipe nationale canadienne au centre du documentaire Parfaites, consacré à cette discipline méconnue.

    AlloCiné : "Parfaites" rend enfin justice à votre sport, à son exigence et à l'investissement total de ses athlètes : comment vivez-vous cette rectification des choses ?

    Marie-Lou Morin (capitaine de l'équipe de natation synchronisée canadienne) : Je suis tellement contente, et j'apprécie beaucoup le résultat final ! Je pense qu'il était grand temps que ce sport soit reconnu un peu plus, et plus justement. Et de plus, pour les gens qui le connaissent déjà, c'est de pouvoir partager et dire à voix haute les injustices vis à vis de ce sport, qui est un sujet connu mais jamais ouvertement abordé.

    Quel a été votre ressenti en découvrant le film final ?

    J’ai été surprise. Agréablement surprise! Les images étaient fantastiques et le contenu était juste ! C'est un projet qui a pris plus de deux ans à construire, et quand je partageais mes idées et mon histoire avec Jérémie Battaglia, j'oubliais que cela allait servir à un long métrage parfois. Voir le tout ensemble était très émouvant aussi. On revit en 1h15 nos deux dernières années de combat...

    Quelques questions sur ce sport mal connu : pourquoi est-il uniquement féminin ?

    Je pense qu’il est uniquement féminin parce qu’il est considéré féminin ! Je pense que jamais un homme n’aurait l’idée d’essayer. Mais tout doucement, nous essayons d’encourager les hommes à se joindre à nous. Il y a une nouvelle discipline aux Championnats Mondiaux, les duo mixtes ! Alors tranquillement, ça commence.

    Comment s'engage t-on dans une telle carrière ?

    Il y a plein de façons ! Certaines de mes amies ont commencé parce qu’elles ont vu le sport à la télé. Moi, je suis tombée dedans parce que j’étais très sportive et j’essayais tout ! Et la synchro est restée collée…

    Que ressent-on une fois sous l'eau ?

    J’adore l’eau ! C’est vraiment mon élément ! Alors pour moi, je me sens très confortable dès que je plonge dans l’eau… Les nageuses synchro savent vraiment comment contrôler cet élément et utiliser sa pression pour se soutenir.

    Nage t-on dans le silence ou la musique vous parvient-elle ?

    Il y a des haut-parleurs sous-marin alors nous entendons la musique.

    A quoi pense t-on durant une routine ?

    La question est plutôt, à quoi on ne pense pas ! La routine peut durer jusqu’à 5 minutes. Pendant ces 5 minutes, tu comptes le rythme de la musique et à chaque compte, tu dois penser au mouvement que tu fais, et penser à la précision de celui-ci pour matcher avec les 7 autres nageuses…. Tu penses à tes corrections, tu penses aux angles de tes bras, aux angles de tes jambes que tu as répété des centaines et des centaines de fois. Tu penses aussi à profiter du moment car tu t'es entrainée si fort pour arriver à cette performance. Bref, ton cerveau n’arrête JAMAIS pendant toute la performance.

    Entraînement, régime alimentaire, quête de la perfection : parlez-nous de l'investissement total que suppose la natation synchronisée ?

    C'est la discipline avec le plus grand nombre d’heure d’entraînement, car nous devons faire tellement d’autres activités complémentaires comme la danse, le ballet, les exercises d’extension de jambes, les acrobaties, la musculation.Chaque mouvement doit être répété des centaines de fois pour que le corps enregistre et automatise le mouvement, et dès qu'une des filles de l’équipe fait une erreur, c’est à recommencer ! Ce sport est aussi très -et seulement pour moi, trop- esthétique, alors c’est important de maintenir un corps en bonne santé pour la performance mais aussi pour le look. C’est un gros investissement car tu t’entraînes tellement fort, tu es toujours fatiguée et tu dois toujours prendre des décisions en fonction du meilleur pour ta performance.Par exemple, entre sortir avec des amis et rentrer tard ou aller te reposer, tu dois penser à la journée qui arrive et quel choix va t’apporter la meilleure performance.

    Parlez-nous des blessures qui surviennent régulièrement : on découvre avec stupeur que votre discipline est extrêmement "violente" !

    Les tendinites sont communes puisque nous répétons les même mouvements pour se soutenir hors de l’eau. Il y a les dislocations et les blessures d’usure. Les commotions cérébrales aussi ! Un accident est vite arrivé. Une fille qui retombe d’une poussée acrobatique (quelques mètres de hauteur) sur une autre nageuse peut définitivement causer des dommages. De plus, nous nageons très proches les unes des autres et on se donne beaucoup de coups.

    Comment expliquez-vous que la natation synchronisée ait toujours été aussi peu considérée par les médias et le grand public : l'esthétique minimise t-elle l’athlétique ?

    Je pense que parce que les gens ne comprennent pas l'attribution et le pourquoi des points, ils perdent vite leur intérêt. Et je pense que les gens voient cette discipline comme un spectacle plus qu’un sport... Mais s'ils connaissaient vraiment tout le travail mis dans une routine, ils changeraient d’avis. De plus, le fait que ce soit un sport féminin seulement joue aussi.

    Le film pointe du doigt les limites du jugement humain et la frustration pour des équipes comme la vôtre, dont le travail n'est pas apprécié à sa juste valeur. Quelle serait la solution pour améliorer les choses et se rapproche d'une objectivité totale ?

    Une révolution dans le système de pointage. Peut-être même un système d’ordinateur pour voir les mesures de hauteurs plus objectivement. Le juges ont tellement à regarder en même temps, et seulement une chance de juger. C’est difficile ! J’espère que les choses vont changer, que les gens ayant le pouvoir et l’authorité sur cette discipline vont réagir et initier le changement dont ce sport à besoin.

    Le film met beaucoup en avant l'esprit d'équipe, l'importance du coach, votre rôle en tant que capitaine... Ce sont des éléments essentiels à la réussite sportive, au moins autant que les qualités athlétiques ?

    Définitivement. Si l’équipe n’est pas unie et que tout le monde ne joue pas son rôle comme il le doit, la structure sera instable et il n’y aura pas de confiance, pas de vision similaire, de but commun. L’amélioration et la motivation seraient très faible selon moi.

    Votre coach laisse beaucoup de place aux suggestions des athlètes : c'est quelque chose d'habituel dans votre discipline ou est-ce propre à votre équipe ?

    Je pense que cela varie vraiment de coach en coach et de culture en culture… Mais je pense que notre entraîneur est unique ! Et que notre équipe est fondée sur la confiance et l’entraide. Elle a beaucoup évolué depuis que je la connais et elle est de plus en plus ouverte.

    Votre équipe détonne dans le milieu de la natation synchronisée, avec des profils assez différents qui s'opposent à l'uniformité des autres équipes. C'est une fierté ?

    Oui, nous essayons vraiment de changer cette vieille mentalité de synchro. Nous essayons de prendre nos différence et en faire une force.

    Vous voyez-vous en dehors de vos vies de nageuses avec le reste de l'équipe ?

    Oui ! Nous sommes proches en général. On aime faire des activités en dehors de l’entraînement.

    Tout au long du film, vous ne savez pas si vous reprendrez votre rôle de capitaine... Au final, vous avez replongé ou non ? Et pourquoi ?

    (Rires) Oui, je répète souvent que je ne me vois pas continuer. Suite aux qualifications olympiques, je suis partie travailler sur le Harmony Of the Seas, le plus gros paquebot de croisière construit, qui sortait en Europe cet été et retournait en Amérique en octobre. Je faisais partie du spectacle aquatique en tant que nageuse synchronisée et pour moi c’était ma transition entre ma carrière dans l’équipe et une nouvelle vie. Mais quelques mois après le commencement de ce chapitre, j’ai réalisé que je n’étais pas prête à arrêter.

    J’ai réalisé que l’équipe me manquait, que le mode de vie me manquait, que de pousser mes limites chaque jour me manquait. Je penses que dans la dernière année, j’étais tellement focalisée sur le négatif du sport que j’ai oublié -ou même pas réalisé- tout ce que celui-ci m’apportait, tout ce que celui-ci m’apprenait… C’est facile de perdre de vue la raison de faire quelque chose quand on est trop absorbé. Et on oublie la base de notre passion.

    Dans une des séquences, on vous voit entraîner des enfants : c'est important de transmettre votre passion à la nouvelle génération de nageurs ? Les prévenez-vous de l'exigence nécessaire pour ce sport ?

    J’adore partager ma passion avec les plus jeunes et partager mon expérience. Je pense que c’est important que les petites filles aient des nageuses pour les guider et les inspirer. Je les préviens de la difficulté de gérer les études et les entrainements, mais aussi de l’importance de continuer les études ! Je leur fais part de l'exigence difficile des long entrainements... 

    Dernière question : pouvez-vous nous donner la recette des Scookies ?

    (Rires) Je vous enverrai l’adresse de ma pâtisserie !

     

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