Grâce à For This Is My Body, Carl Barât quitte momentanément la scène musicale pour tenir son premier grand rôle au cinéma. Mais ça n'est qu'une étape de plus dans la relation qui unit le 7ème Art et le co-leader des Libertines, qui a déjà flirté avec le média en tant que spectateur ou compositeur. L'occasion de revenir avec lui sur l'une de ses éxpériences, et connaître les goûts de celui qui apparaît comme le sosie de Gene Wilder dans Charlie et la chocolaterie. Si si.
Avant d'être acteur et compositeur vous avez notamment travaillé sur la musique de "American Trip" avec Russell Brand : comment avez-vous été impliqué dans la bande-originale ? Car c’était la première fois que vous écriviez pour d’autres personnes.
C’était la première fois sur le plan professionnel, oui. Mais j’ai connu Russell des années avant qu’il ne devienne connu. Et quand il est devenu célèbre, il m’a appelé en me demandant si je voulais travailler sur la musique du film avec lui. Je me suis alors rendu chez lui, et il était avec son coiffeur, son chauffeur, son cuisinier, son jacuzzi et plein de personnes autour. Il s’est assis avec ses cheveux de Messie, et a pris un exemplaire du Times en me disant : "Ah oui, j’étais juste…". Du coup on avait bien compris qu’il y était arrivé (rires)
Ce qui est drôle avec lui, c’est qu’on ne sait pas vraiment si c’est un acteur, ou une rock star, ou les deux. Est-il ainsi dans la vie ?
Bien sûr, c’est un Messie. Mais il peut aussi se révéler très sensible et compréhensif. Il sait que nous savons que son look et son attitude sont un peu des façades, mais il veut vivre ainsi car il a du succès en le faisant. Il est plus terre-à-terre qu’on ne le croit.
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Quel est votre premier souvenir marquant de spectateur ?
Le premier film que je me rappelle avoir vu est le Robin des Bois avec Errol Flynn et Basil Rathbone, qui était un proche de ma famille [du côté de son père, ndlr]. J’avais un coupe-papier en main et je faisais des grands gestes comme si c’était l’épée de Robin, mais j’ai fini par abîmer la télé en lui mettant un coup et je n’ai plus été autorisé à la regarder. Je devais avoir trois ou quatre ans.
Vous aviez déjà des talents d’acteur à ce moment-là en fait.
Peut-être oui, même si jouer ainsi n’est pas vraiment être acteur. Mais peut-être. J’aime bien cette idée (rires) Et peut-être aussi que je suis prêt pour jouer dans un film de cape et d’épée. Ou être le shériff de Robin des Bois.
Quelle est votre bande-originale préférée ?
Les premières qui me viennent à l'esprit quand on me pose la question sont celles de Flash Gordon, Tommy et Repo Man. Celle de Génération perdue est foutrement géniale aussi et je l'adore, tout comme celle du Rocky Horror Picture Show. J'aime aussi celle de Chicago, mais chut... (rires) Non, je plaisante. Ça va et c'est moins pire que "Flash ! Oh ooooooh" [chanson de Flash Gordon signée Queen, ndlr]. Sinon il y a bien sûr les Blues Brothers.
Quel est pour vous le film le plus rock'n'roll que vous ayez vu ?
J'ai envie de dire For This Is My Body (rires) Je pense qu'Apocalypse Now est le plus rock'n'roll, dans tous les sens du terme, à cause de l'histoire du film et de ce qu'il y a eu autour, le fait que Martin Sheen était complètement défoncé, que la scène des tigres soit réelle. Et il y a aussi la musique, et notamment celle des Doors à la fin. Donc c'est vraiment un film rock'n'roll.
Et la performance la plus rock'n'roll ? Vous pouvez aussi citer "For This Is My Body".
Je pourrais oui, mais j'aurais l'air d'un co***** (rires) Je suis assez mauvais pour ça et je sens que je vais dire quelque chose de nul, puis en trouver un mieux après l'interview. Vous avez une idée ?
Ça n'est pas parce que vous avez participé au film, mais je dirais Russel Brand dans "American Trip".
Oui, c'est une performance très rock'n'roll en effet. Je vais garder cette idée.
Vous avez parlé de "Chicago" et des "Blues Brothers" : s'agit-il de vos comédies musicales préférées ?
(il entonne "Do You Hear the People Sing" des Misérables) Ça j'aime bien mais ça revient un peu trop chez tout le monde. Le Rocky Horror Picture Show me plaît depuis que j'ai six ou sept ans.
Avez-vous un réalisateur préféré ?
Je voulais répondre Harold Pinter, mais bon... J'aime beaucoup Richard Attenborough, qui a réalisé Gandhi et joué dans Brighton Rock. J'en oublie sans doute d'autres dont je vais me souvenir ensuite. Sur le plan musical, j'ai beaucoup aimé Moulin Rouge !, et j'aurais envie de citer Baz Luhrmann, mais il a fait des mauvais films, comme Australia. J'ai quand même aimé The Get Down, mais juste le pilote. Ça m'a suffi car mon intérêt s'est dilué dans la suite.
Mais j'aime beaucoup Baz Luhrmann. J'aime beaucoup ce qu'il fait et sa façon de trouver de la beauté dans les choses et endroits étranges. Il fait exploser les choses pour les rendre fantastiques, ce qui est très bien.
Regardez-vous d'autres séries que "The Get Down" ?
Oui et j'aime Narcos. Il y avait aussi cette super série appelée La Caravane de l'étrange. Ça s'est arrêté à la fin de la saison 2 car ils n'avaient plus de budget, mais ils ont réussi à faire quelque chose de très bien, avec le prêtre notamment. Et en parlant de ça, il y a aussi la série Preacher que j'ai trouvée très bien. Mais il y en a plein d'autres car j'absorbe davantage de films et séries que de musique et de littérature.
J'aime tous ces médias, mais j'ai moins de temps de m'y consacrer maintenant que j'ai des enfants. Et quand tu commences un livre, il te faut parfois aller jusqu'à la page 40 pour commencer à accrocher. Alors qu'avec une série, tu te poses dans le canapé et c'est parti : "Allez, en avant pour Narcos !"
Un film ou une séries peuvent-ils vous inspirer au moment d'écrire une chanson ?
Bien sûr ! En ce moment je regarde beaucoup de vieux films noirs, de films avec Humphrey Bogart. Des westerns aussi. Il peut parfois s'agir d'une phrase ou de choses que les gens n'utilisent plus actuellement, mais j'y trouve l'inspiration. Et c'est en regardant un vieux film que vous savez s'il a passé l'épreuve du temps, car vous sentez immédiatement s'il est resté aussi bon. Ce sont ceux qui ne reposent pas sur des effets.
Qu'ont en plus les réalisateurs qui ont débuté avec des clips musicaux ?
Peut-être le fait de devoir raconter une histoire en quelques minutes, avec des images et de la musique. Un peu comme un court métrage même si l'industrie a changé à ce niveau et que les financements sont plus difficiles à obtenir. J'ai travaillé sur plusieurs clips avec un réalisateur qui a ensuite fait de gros films, et je pense que c'est plus facile de commencer de la sorte, car vous avez un budget immédiatement, entre un et trois jour(s) de tournage, puis vous pouvez mettre le résultat sur votre site internet et en tourner d'autres. C'est peut-être la meilleure et plus rapide des façons d'apprendre le métier de réalisateur de passer par le clip musical.
Carl Barât a co-réalisé le clip de ce titre des Libertines, issu de leur dernier album :
Parmi les différents clips que vous avez tournés, celui de "The Heart of the Matter" est particulièrement réussi. Et effrayant.
Merci. Et il faut justement qu'il soit effrayant. Je voulais quelque chose d'intense mais j'ai rencontré beaucoup de résistance face à ma volonté de montrer la drogue et la violence. Car tout ce qui est dans la vidéo, nous nous le sommes faits [avec Pete Doherty]. Nous voulions montrer la vérité et nous avions mérité de pouvoir le faire. Et on nous le refusait car on ne voulait pas que les gens voient de la drogue ou de la violence. Enfin, c'est surtout la drogue qui a posé problème. Mais il fallait que ça y soit car ça voulait dire quelque chose pour nous.
Le clip de la discorde, qui évoque frontalement la relation d'amour-haine entre Pete Doherty et Carl Barât, et qui a notamment conduit à la séparation des Libertines en 2004 :
Aimeriez-vous réaliser un court, voire un long métrage ?
J'adorerais et je pense que je pourrais le faire, mais j'ai besoin de davantage d'expérience. Et il y a tellement de choses que j'aimerais faire en ce moment. Il faut d'ailleurs que je trouve l'équilibre entre essayer de nouvelles choses et continuer de gagner assez d'argent pour être un bon père et subvenir aux besoins de ma famille. Peut-être que les courts métrages seront la prochaine étape.
Il y a quelques années, il se murmurait que vous écriviez un opéra rock avec Pete Doherty : était-ce vrai, ou une rumeur partie du rêve de voir les Libertines se reformer ?
C'était vrai : nous avions dit que nous le ferions. Mais nous ne sommes pas allés beaucoup plus loin (rires) Nous nous sommes rendus compte qu'écrire un troisième album était plus important, et ça a pris le pas sur l'opéra rock. Mais nous pourrions encore le faire : lorsque Pete et moi nous posons au même endroit, nous sommes capables de faire toutes sortes de choses. Nous pourrions faire un film, une série, peindre un tableau... Après c'est une question de temps.
J'écris une série télévisée avec ma soeur
Quels sont vos projets ?
Les prochains albums des Libertines et des Jackals [un groupe qu'il a formé avec des artistes recrutés suite à une annonce en ligne, ndlr], pour commencer. Donc j'ai du travail, même si nous n'en sommes qu'au début de chaque album (rires) Et j'écris une série télévisée avec ma sœur. Ça parlera de notre enfance. Elle n'a pas encore été commandée car il s'agit toujours d'une option, et que ce processus est toujours foutrement long et laborieux.
Du coup je ne veux pas trop en dire avant que ça ne soit officiel, mais nous écrivons en nous basant sur notre passé. Ce sera autobiographique, mais pas avec nos noms. Nous allons un peu jouer avec nos images mais ça se passera à la fin des années 90. Lui aura des problèmes d'addiction, elle sera actrice. Il y aura un groupe de musique qui débute bien, un environnement hippie. Et tout va se regrouper, avec des conséquences fantastiques (rires)
Carl Barât nous avoue ensuite ne pas savoir qui pourrait l'incarner sur petit écran (ou si un biopic devait voir le jour), et ne nie pas sa ressemblance avec le Gene Wilder de Charlie et la Chocolaterie que nous évoquons et que vous pouvez observer en images ci-dessus : "Quelques personnes me l'ont dit", nous répond-il. "En général, lorsque l'on évoque une ressemblance chez soi, les gens répondent que ça n'est pas le cas. Mais je suis d'accord pour Gene Wilder et moi, même s'il ressemble plus à mon frère, avec ses cheveux frisés."
Propos recueillis par Maximilien Pierrette à Paris le 21 octobre 2016