Vous l'entendez cette petite musique ? Les "hôtes" de Westworld, eux, l'entendent certainement sans vraiment le savoir... Dans la série évènement de HBO, diffusée chez nous sur OCS en US+24, la musique tient une place prépondérante. Dès le générique, la couleur - ou plutôt la note - est déjà annoncée avec le thème musical mais aussi avec une imagerie persistante autour de la figure du piano et du pianiste, squelette d'un futur robot à venir...
Entourer sa série d'un voile musical original, c'est ce que désirait faire son créateur Jonathan Nolan. Mais, Nolan voulait surtout faire entrer dans l'univers de ses robots - celui du western - des chansons modernes revisitées. En marge d'une bande-originale plutôt électronique réservée aux humains et au laboratoire, une attention toute particulière est effectivement réservée aux chansons que l'on entend dans le parc, et notamment, dans le saloon, lieu qui démarre généralement l'aventure des invités du parc. C'est ainsi que les téléspectateurs les plus attentifs ont pu entendre, dès le pilote, et non sans étonnement, des versions au piano des tubes rock "Black Hole Sun" des Soundgarden (quand le saloon ferme et que les robots rentrent chez eux) et de "Paint in Black" des Rolling Stones (lors de la fusillade).
"Paint in Black" des Rolling Stones (Episode 1)
Ces versions, particulièrement réussies, que l'on entend dans le saloon, permettent de créer de l'anachronisme mais aussi une sorte de lien ténu entre passé et présent. Un lien fragile que les créatures de Westworld ne sont malheureusement pas encore à même de comprendre, coincées, sans le savoir, dans une même et seule journée qu'elles oublient et revivent, de manière différente, suivant les scénarios que les invités du parc désirent mettre en scène.
Pour porter ces partitions un peu particulières, Jonathan Nolan a choisi le compositeur Ramin Djawadi, déjà en charge des compositions musicales de sa précédente série, Person of Interest, mais aussi des thèmes musicaux du hit Game Of Thrones ou d'Iron Man. Si parfois, ces arrangements restent délicats à réaliser, Djawadi apprécie le travail qu'impliquent ces tubes revisités : "C'est cette petite musique en fond sonore que l'on peut reconnaitre, ou pas, et qui nous fait nous dire : Hé, attendez, ça n'a pas sa place ici !", explique-t-il dans une interview accordée à Billboard.
"No Suprises" de Radiohead (Episode 2)
Ces chansons, qui sont certainement choisies par les programmateurs du parc pour passer dans le saloon, interpellent le téléspectateur et interpellent aussi les visiteurs du parc qui les ont certainement déjà entendues. Elles les plongent dans un environnement familier tout en les désarçonnant.
Pour les robots, "la chanson n'est toutefois pas la même". Pour eux, chaque jour est un nouveau jour même si rien n'est, ici aussi, laissé au hasard et que chaque jour est lancé sur la même note : "C'est un peu le même symbolisme [qui agit ici], que tout est déjà écrit, comme le parc même, où les chansons sont présélectionnées et où tout est prévu et programmé", poursuit Djawadi.
Derrière ces chansons, qu'il est sympathique d'entendre et de reconnaitre derrière leur déguisement "western", se cachent certainement des métaphores de la condition des robots. Dans le second épisode, lorsque le titre de Radiohead revisité au piano se fait entendre, Maeve essaie d'attirer, pour la millième fois, un invité dans ses filets avec le même sempiternel discours mais n'y parvient pas, presque lassée et parasitée par son passé. Il est impossible d'ignorer que dans la chanson de Radiohead, dont on n'entend évidemment pas les paroles lors de cette scène, il se dit : “A job that slowly kills you"/ "Un boulot qui te tue à petit feu".
"A Forest" de The Cure (Episode 4)
Dans l'épisode 4, diffusé récemment, c'est le titre "A Forest" des Cure qui passe dans le saloon. A nouveau, Maeve est au centre de la scène. Elle discute avec Clementine avant de bugger, à nouveau, et de mal distinguer les voix et la réalité autour d'elle. Dans la chanson des Cure, on peut entendre ces paroles, très proches de sa situation : "Come closer and see. See into the dark. Just follow your eyes. / It's always the same. I'm running towards nothing. Again and again and again and again".
A coup sûr, les épisodes à venir continueront d'explorer cette étrange manne musicale. Et peut-être que l'on en apprendra plus sur ce fameux et mystérieux pianiste, qui évolue entre les deux mondes. Dans le saloon à la demande des programmateurs du parc et, dans le laboratoire, au service du personnage d'Anthony Hopkins...
Le mystérieux pianiste, interpellé par son créateur...