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    Les commandements du "Vigilante"

    Alors qu'Eli Roth prépare un remake d'Un justicier dans la ville avec Bruce Willis, retour sur quelques règles de vie du "vigilante"...

    Sois faf et tais-toi

    D'une morale suspecte à une idéologie politique extrêmiste il n'y a qu'un pas, que beaucoup de commentateurs franchissent allègrement :

    Le vigilante n’est pas un grand causeur et taille rarement le bout de gras avec sa boulangère. Mais ce côté taciturne n’est évidemment pas l’essentiel de ce qu’il faut retenir dans ce commandement - d’autant qu’à défaut d’être volubile, le vigilante est parfois inspiré quand il s’agit d’improviser une leçon de vie ou de balancer une réplique cinglante. Bref, nul hasard si l’âge d’or des vigilantes s’articule autour du virage conservateur des années 80, ère Reagan/Thatcher où il ne faisait pas bon être pauvre, mal peigné ou marginal. Si l’on ne veut pas éveiller sa suspicion, mieux vaut donc éviter de trop s’éloigner des critères plutôt vieille école du vigilante. Comme la justice officielle, il châtie violeurs, agresseurs et meurtriers, mais ses méthodes ne font pas de ce franc-tireur adepte de la légitime défense un progressiste, et ses détracteurs n’ont pas hésité à évoquer sa supposée couleur politique : pas vraiment le profil de l’écolo anti-OGM qui roule en vélib’ et milite pour les droits de la femme, certes. 

    DR

    Esprits démocrates, on doute que cela vous rassure, mais ce grand patriote manie plus souvent le calibre que la carte électorale. En revanche, vous pouvez peut-être vous tranquilliser un chouïa quant à la nocivité de l'idéologie de certains spécimens (pas tous, hein) : d'accord, le bulldozer Paul Kersey "sanctionne" tout ce qui ressemble à un délinquant sans trop s'enquérir de son mal-être social, mais c’est aller un peu vite en besogne que d'instruire le procès en fascisme du vigilante en général, puisqu'il incarne des valeurs après tout farouchement libertaires (si si), au-delà de la vengeance, et se retrouve, en vertu de son code, à défendre les plus vulnérables - avec d’autres arguments qu’un sit-in ou une pétition, et c'est bien là le problème. Mieux, comme on l’a dit, il est lui-même un marginal, pas un milicien. Alors le redresseur de torts tendance réac', force subversive mettant en concurrence ses normes et la loi, se transforme parfois en justicier parallèle (et non antagoniste), défenseur des minorités persécutées autant que de ceux qu'on appelle les "honnêtes gens". 

    Il serait donc simpliste et erroné de faire du vigilante un pur bourrin néo-conservateur voire crypto-nazi ; son étrange éthique le lui interdit, et seul le crime excite vraiment sa colère, la différence ne pouvant que froisser sa morale (sans cela, que serait-il sinon un meurtrier ?). Ainsi dans Magnum Force, contre le mal absolu incarné par un Scorpio raciste et pédophile, la communauté homosexuelle de San Francisco reçoit la protection de Dirty Harry, pourtant pas l'esprit le plus ouvert de son temps question moeurs, et alors même qu'il regarde sa ville comme un lieu de dépravation - soit, c'est son rôle de policier de protéger la population. Après s'être comporté en pur macho, il témoignera aussi d'une véritable estime pour sa coéquipière dans L'Inspecteur ne renonce jamais, et sa réputation ou ses saillies racistes ne trompent personne tant elles finissent par être contredites - la misanthropie est un racisme qui s'exerce envers tous, sans distinction. Bref, le vigilante, pas à un paradoxe près, peut être extrême dans ses méthodes ou son choix de vie initial, mais le conservateur qu'il est se révèle aussi de temps en temps un adversaire des extrêmismes, un redoutable chasseur de fachos, ou un être moins étroit d'esprit que prévu. Et on ne parle même pas du cas sans équivalent de Walt Kowalski (Gran Torino), vétéran raciste qui finit par tout sacrifier à ceux qu’il méprisait et faire le tri entre voisins et criminels.

    On ne compare pas... toutefois on peut en passant rappeler que du temps de Callahan, son interprète, le grand Clint, républicain pur sucre, a également personnifié pour certain(e)s un cinéma réactionnaire qui justifiait l'emploi des moyens les plus extrêmes, avec des criminels aussi caricaturaux que Scorpio... avant de devenir la coqueluche des critiques pour ses drames pétris de valeurs humanistes, anti-racisme et féminisme en tête. Si sa sensibilité n'a pas manqué de surprendre ses premiers détracteurs, on doute qu'elle date de Honkytonk Man et qu'il y ait eu deux Eastwood... D'une incompréhension l'autre ?

    Walt Kowalski, héros malgré lui d'une communauté qu'il honnit :

     

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