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    Ben-Hur : on a visité le tournage d'un péplum façon 2016
    Corentin Palanchini
    Passionné par le cinéma hollywoodien des années 10 à 70, il suit avec intérêt l’évolution actuelle de l’industrie du 7e Art, et regarde tout ce qui lui passe devant les yeux : comédie française, polar des années 90, Palme d’or oubliée ou films du moment. Et avec le temps qu’il lui reste, des séries.

    En mars dernier, AlloCiné a pu visiter le tournage transalpin de la nouvelle adaptation de Ben-Hur. Plongée dans les coulisses d'un péplum pas comme les autres !

    Paramount Pictures

    Aux environs de Rome, à proximité des studios de Cinecittà, une voiture nous dépose devant un agglomérat de caravanes et de tentes. Toutes sont disposées au pied d’un impressionnant décor, celui d’une gigantesque arène qui pourrait être celle de combats de gladiateurs ou… d’une course de chars !

    Sous le chaud soleil du printemps italien, le vent souffle, faisant trembler la tente dans laquelle nous sommes invités à regarder un moniteur nous présentant les scènes de Ben-Hur, tournées avant notre arrivée. Nous y voyons une foule en liesse et l’acteur Jack Huston (Judah Ben-Hur) en train de se faire porter. La visite du tournage peut commencer.

    Une adaptation inédite

    Qu’on se le dise : ce Ben-Hur n’est pas un remake de l’un des trois précédents films (réalisés en 1907, en 1925 et en 1959), car la version 2016 de Ben-Hur est une nouvelle adaptation du roman de Lew Wallace, comme nous l’a confirmé le producteur Sean Daniel :

    "M.G.M. était productrice des deux dernières versions de Ben-Hur en date et maintenant de la nôtre. Mais notre course de chars, notre arène de cirque, notre chef décorateur sont très différents. Pour nous, le Ben Hur original, c’est nous ! Mais nous avons grand respect pour les précédentes versions."

    Quant à ce qui fait la spécificité du Ben-Hur de 2016, Daniels explique : "Nous avons trouvé intéressant que chaque adaptation de Ben-Hur : au théâtre, à l’écran, en livre, ait eu du succès. Et cela tient à ce dont parle cette histoire : de famille, d’honneur, de spectacle, de trahison, de vengeance. Ce sont des idées fortes, qui parlent beaucoup aux spectateurs d’aujourd’hui. Et notre film, avec une histoire différente, traite du pardon. D’un personnage qui dépasse sa vengeance pour pardonner. C’est un grand sujet de film et c’est complètement contemporain."

    Paramount Pictures

    Jack Huston, qui a la dure tâche de faire oublier Charlton Heston dans le rôle de Ben-Hur, a tout de suite accroché à l’histoire : "Quand j’ai lu le script, j’ai été frappé par le scénario, et à quel point il ne sacrifiait pas les personnages au profit de l’échelle spectaculaire du film. C’est un film sur les personnages, sur tous les personnages. Une histoire d’amour, de trahison, de rédemption".

    Pour l’anecdote, Huston qui joue aujourd’hui Ben-Hur, a débuté sa carrière dans une version de Spartacus tournée en 2004. Il raconte, à propos de son personnage : "Quand on le rencontre au début du film, Judah est un prince qui ferme les yeux sur la vie. Il est riche, et ne réalise pas à quel point le monde va mal. Et lorsque les circonstances le plongent dans les problèmes, il remet tout en question, de la vie à l’amour, en passant par la foi."

    Un réalisateur qui en veut

    Timur Bekmambetov (Wanted – choisis ton destin) a été choisi par la production pour le projet, mais cela ne s’est pas fait immédiatement. L’homme à la bonhommie certaine, arborant crâne rasé et barbe bien taillée nous raconte alors : "La préparation du tournage a pris 2 ans. Le producteur Sean Daniel m’a appelé, il m’a demandé si je voulais refaire un remake de Ben-Hur. J’ai dit non. Et il a dit "laissez-moi vous envoyer le scénario", et je l’ai lu : ce n’était pas un remake, mais une nouvelle interprétation du livre, je ne reconnaissais pas le film de 1959. Nous avons donc pris le temps d’en parler avec le scénariste John Ridley, et le projet m’a emballé."

    Ce qui a plu au metteur en scène russe, c’est avant tout "une histoire très contemporaine. Orientée contre la vengeance et vers le pardon. A une époque où tout le monde se fait la guerre, c’est pour moi la seule façon de survivre. (…) Je crois que peu de films à gros budgets ont cette thématique. Il y a aussi l’idée que l’Empire romain est à la fois une idée glamour et un danger. C’est un monde de pouvoir et de compétition, et nous vivons dans ce monde, cet Empire romain aujourd’hui. Et nous cherchons comment y survivre. C’est un film qui parle de nous."

    Paramount Pictures

    Sean Daniel confirme : "Timur était pour nous le meilleur réalisateur, car tout le monde ne peut pas faire Ben-Hur. D’ailleurs, la plupart ne veulent pas faire Ben-Hur. C’est un défi impressionnant, et Timur avait une vision originale pour le film et une capacité à assurer le spectacle puissant que nous voulions offrir. Il comprenait aussi l’histoire, a lu le script et il est entré en connexion avec".

    Assis devant les journalistes en tenue de cuir couverte de poussière, Jack Huston reconnaît le talent de celui qu’il appelle Timur : "C’est incroyable de sortir d’une scène que l’on vient de tourner et de dire "Waouh ! Je n’avais pas lu ça dans le scénario !" Etre surpris par un script qu’on a lu 50 fois c’est fou."

    Bekmambetov n’est pas étranger au genre péplum puisqu’il a signé pour Roger Corman le long métrage Gladiatrix, tourné en 2001, et proposant une intrigue à base de combats de gladiatrices. Il est aussi (et surtout) l’auteur de Night Watch, l’un des plus gros succès du box-office russe (devant Le Seigneur des anneaux), qui avec sa mise en scène inspirée de ses années à tourner des spots publicitaires, démarque Timur au sein de la production russe.

    Pour Ben-Hur d’ailleurs, il a reconnu que sa mise en scène se devait d’être plus réaliste.

    Du réalisme

    Timur Bekmambetov reconnaît que son péplum "devait être ancré dans le réel. Nous ne voulions pas faire un péplum, mais un drame réaliste, auquel on croit, avec beaucoup d’action. [Et pour la réalisation], nous ne voulions pas un roman graphique avec des ralentis." Ce soucis de réalisme fut également une préoccupation de Sean Daniel :

    "Nos chars sont plus authentiques et plus réalistes. Ils sont donc plus rapides, donc nous allons pouvoir montrer la course de chars comme elle n’a jamais été portée à l’écran : plus rapide et donc, plus dangereuse."

    Ce réalisme, nous le trouvons également dans les costumes des figurants que nous croisons allant et venant autour du plateau. Lorsqu’ils sont en pause, c’est amusant de voir se succèder un centurion écoutant sa musique avec le dernier MP3 en date, mais aussi des gens du peuple en tunique en train de fumer une cigarette…

    La responsable des costumes, Varvara Avdyushko, qui a déjà travaillé sur 10 productions de Bekmambetov, nous raconte que chacun des costumes a une base historique, que cela soit une fresque ou une mosaïque. Seuls les costumes des personnages féminins ont été inventés de toute pièce.

    Paramount Pictures

    L’acteur Toby Kebbell, qui interprète Messala, confie avoir lui aussi beaucoup travaillé. Avec des lectures suggérées par Bekmambetov, mais aussi en lisant : "Gestures and Acclamations in Ancient Rome*, qui raconte en quoi consistait le travail d’un soldat romain, comment on s’adressait à eux, pour retrouver un peu du maniérisme de l’époque. Je ne voulais pas tomber dans "C’est moi qui dirais cette réplique le plus fort !" que l’on trouvait parfois [dans certains péplums]".

    De la pression

    Passer après plusieurs adaptations de Ben-Hur et tenter de se démarquer est difficile, mais Jack Huston ne s’est pas laissé démonter : "Je n’aime pas reculer devant le défi. Ce film nous donne l’opportunité de tenter des choses, d’explorer des éléments laissés de côté. Lorsque vous le verrez, vous constaterez à quel point c’est un film très différent". L’acteur a du reste insisté sur le fait que "Ben-Hur est un film difficile tant physiquement qu’émotionnellement. Pendant un mois de pré-production, on a fait un mois de char, d’entraînement, de répétitions, car nous savons qu’il y a eu beaucoup de bons films Ben-Hur avant le nôtre".

    Le producteur Duncan Henderson enfonce le clou : "Nous subissons la pression des films précédents, qui étaient formidables. Une pièce de théâtre a très bien marché aussi, et c’est parce que le livre est captivant. C’est pour cela que nous repartons du livre pour une nouvelle histoire." Son collègue Daniel poursuit : "Nous avons la pression, et nous l’acceptons. Nous n’y pensons pas trop, car nous avons confiance entre notre scénario signé par John Ridley (12 Years a slave), qui est très différent des précédentes versions".

    2016 Paramount Pictures and Metro-Goldwyn-Mayer Pictures Inc.

    Des courses de char

    "Lorsqu’on parle de scènes de chars au cinéma, on parle inévitablement de Ben Hur, constate Duncan Henderson. "Et je sais maintenant pourquoi : c’est difficile à tourner car il faut construire l’arène, préparer la course. (…)". C’est effectivement compliqué à envisager, comme le confirme l’acteur Jack Huston : "Les courses de chars sont très difficiles. Nous avons commencé sur 2 chevaux, puis il y en a eu 4, et tout peut rapidement mal se passer, avec les brides de quatre chevaux entre vos mains. Il faut juste foncer sans trop se poser de questions.(…) J’aime les chevaux, j’ai grandi parmi eux et je les adore, ce qui m’aide beaucoup, mais rien ne vous prépare à une course de chars !"

    Et Timur Bekmambetov a mis au service du tournage de ces scènes phares du film toutes les nouvelles possibilités offertes par les caméras d’aujourd’hui : "Sur les chars, il n’y a aucune suspension, vous êtes comme dans un mixeur ! C’est indescriptible. Et mon travail est de faire ressentir aux spectateurs ce sentiment d’être sur un banc, tiré par quatre chevaux, que tout vibre avec de la poussière partout. C’est très différent des films précédents : nous avons de nouveaux outils comme les GoPro, RED Dragon, ALEXA, GH4, des drones, des perches, tout ce qui est à notre disposition pour recréer ce sentiment."

    Une production impressionnante

    Paramount a vu les choses en grand ! Outre les 4000 figurants présents ce jour-là, nous sommes face à une arène de la taille de deux terrains de foot, et on nous conduit dans une partie qui ne gêne pas le tournage. Nous pouvons constater que les poissons qui comptaient les tours de la course de char dans le film de William Wyler ont été reconstruits. Des éclairages de stade éclairent fortement la piste, alors même qu’il fait plein soleil.

    Nous sommes à côté d’un énorme chaudron de cuivre, des peintures murales parcourent le centre intérieur de l’arène, et l’on peut voir sur la piste des débris de chariots, un (faux !) cadavre de cheval –aucun animal n’a évidemment été blessé durant le tournage, des débris de roues. Il y a du vent, la poussière se soulève, et on peine à garder les yeux ouverts. Nous souhaitons bon courage aux comédiens !

    Paramount Pictures

    En levant le nez de la piste, on peut apercevoir des rambardes vertes sur les hauteurs de l’arène, laissant deviner les futurs ajouts en effets spéciaux, ce que nous confirme le producteur Sean Daniel : "l’arène aura quatre étages de plus et 100 000 personnes qui le rempliront. Et elle est taillée dans un grand mur de pierres (…)", et effectivement, d’un peu de pression sur le mur, nous constatons qu’il s’agit de pierre véritable.

    Quant au tournage en Italie, il était indispensable pour Daniel : "nous avons cherché partout dans le monde où refaire Jérusalem à cette époque. Nous avons trouvé Matera en Italie. Un lieu unique, historique et très bien conservé. Nous avons passé plusieurs semaines à y tourner. Mel Gibson l’utilisa en partie pour La Passion du Christ, Pasolini le fit aussi. (…) Et tant qu’à être en Italie, nous sommes venus à Cinecittà, où se sont tournés Ben-Hur [en 1959], mais aussi Cléopâtre, de grands films, donc nous sommes ravis d’être là."

    Paramount Pictures

    Des concepts art qui en disent long

    Nous sommes ensuite conduits dans une tente afin d'y découvrir les chars en construction, ainsi que des concepts art dévoilant ce à quoi ressemblera l’arène une fois les effets spéciaux ajoutés. Nous découvrons alors qu'il y aura une falaise, des statues, des braseros enflammés, des colonnes, des arches et des milliers de figurants. Duncan Henderson nous confie d’ailleurs à ce propos, non sans une pointe de nostalgie :

    "Nous avons beaucoup de figurants, mais moins que la version de 1959. J’ai déjà tourné un film avec 17 000 figurants, mais cela n’arrivera plus jamais. On ne paye plus des foules de 10 000 personnes, les effets spéciaux la reproduisent. Donc nous allons faire comme cela, bien sûr. De même, nous utilisons de vrais chevaux, mais si les scènes deviennent dangereuses, les [cascades impliquant des chevaux] sont faites en effets spéciaux."

    Paramount Pictures

    L’équipe de cette tente est en partie italienne, certains portent des T-shirts de leurs précédents travaux : sur Cheval de guerre et Thor 2. C’est également ici que l’on nous présente la découpe plan par plan de la place de chaque chariot dans la course.

    C’est cette tente qui sera notre dernière étape de la visite. Nous repartons avec un dernier regard vers l’arène, sa musique au tambour, ses figurants et ses acclamations de foule. Ce n’est pas en char mais en voiture que nous quittons le plateau et ses installations. Le tournage de Ben-Hur se fait sur deux équipes et 100 jours de tournage. Nous étions le 42e.

    Laissons le mot de la fin à Sean Daniel : "Si vous faites un film aujourd’hui, vous devez faire un film que les gens vont se déplacer pour aller voir au cinéma. (…) Et quel film sera vu sur grand écran par le plus grand nombre ? Nous pensons que Ben-Hur est l’un d’entre eux !"

     Nous retrouverons les aventures de Ben-Hur, Messala, Esther et Ponce Pilate le 7 septembre prochain sur les écrans.

    Propos recueillis par Corentin Palanchini aux environs de Cinecittà, le 31 mars 2015.

    *Un livre de Gregory S. Aldrete.

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