Le 26 octobre dernier, dans les studios Pinewood de Londres, les quelques privilégiés que nous sommes trépignent d’impatience à l’idée de se rendre sur le plateau de tournage de l’un des films les plus attendus de 2016 : Assassin’s Creed.
Après avoir franchi différents entrepôts et la sécurité de l’entrée, nous nous arrêtons devant le studio 007, qui tire son nom du nombre de films James Bond qui y ont été tournés depuis L’espion qui m’aimait en 1977. A l’intérieur, un gigantesque fond vert prend une bonne partie de la place, et l’on trouve également des parties de décor, de grands ventilateurs et des projecteurs. C’est notre premier aperçu de l’entrepôt, jusqu’à arriver à une seconde partie du gigantesque bâtiment, où un décor construit nous attend.
Un couloir circulaire entrecoupé d’arbres entoure ce qui est la zone de détente d’une entreprise. On y voit des poissons dans un aquarium, une table de ping-pong, de quoi jouer aux échecs, faire du sport, etc. Plus loin, Michael Fassbender répète des mouvements de combats habillé en survêtement. Il est visiblement en cellule.
Un logo reconnaissable pour les adeptes du jeu nous indique que cette zone abrite le décor d’Abstergo Industries, la façade de l’Ordre des Templiers.
L’histoire du film
Dans l’univers Assassin’s Creed, les Templiers cherchent à dominer le monde depuis des siècles. Les artéfacts, qui permettent de contrôler la pensée de n’importe qui, les ont aidés à atteindre ce but. Les Templiers pensent que le monde ne devrait pas avoir de libre arbitre, et que seul le contrôle de la pensée permet que le monde tourne rond. Les Assassins eux, sont les rois du libre arbitre, et ce sont des guerriers asymétriques : ils apparaissent, font ce qu’ils sont venus faire, et repartent.
Pour les Templiers, trouver des informations sur la localisation des artéfacts est la clé de leurs opérations. Or un artéfact leur échappe encore. Ils l’ont cherché pendant 15 ou 20 ans, et pensent l’avoir localisé en Espagne. Ils vont donc trouver des gens qui sont génétiquement compatibles et qui avaient des ancêtres à la fin du XVème siècle en Espagne. Le personnage de Michael Fassbender est une de ces personnes compatibles, kidnappée, puis placée dans l’Animus, une machine permettant via l’ADN d’accéder aux souvenirs d’un de ses ancêtres. Une fois dans l’Animus, il ne peut modifier le passé, mais il peut le vivre.
Il est important de préciser que le film propose une histoire 100% inédite que vous ne retrouverez pas dans les jeux.
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Un début de tournage épique
Le tournage d’Assassin’s Creed a commencé le 21 août à Malte, où ont été filmées pendant quatre semaines les scènes espagnoles du film, situées au XVème siècle. Malte a permis le tournage de batailles entre armées, en employant les remparts et localités de l’île. Renforcées par les effets spéciaux, ces localités serviront à faire revivre le XVème siècle au spectateur de la meilleure façon possible. Puis le tournage s’est délocalisé à Pinewood, jusque début novembre, pour se poursuivre dans l’entrepôt où l’Animus a été construit, puis deux semaines en Espagne pour filmer la séquence d’introduction du film. Le tournage s’est terminé à la mi-janvier 2016, pour une sortie près d’un an plus tard, le 21 décembre.
Pour l’anecdote, une fois le tournage d’Assassin’s Creed bouclé à Pinewood, deux ou trois jours plus tard débarquait, dans ce même studio 007, le tournage de Star Wars épisode VIII !
Michael Fassbender très impliqué
C’est la firme New Regency qui a techniquement permis à Michael Fassbender de rejoindre le projet, mais c’est Ubisoft qui a eu l’idée de rencontrer le comédien, connu pour la nouvelle franchise X-men et pour être la muse de Steve McQueen. Fassbender nous a ainsi confié : "J’ai été impliqué dès 2011, avec les gens d’Ubisoft qui m’ont approché pour le rôle. J’ai travaillé avec eux sur le scénario, l’histoire, les personnages. C’est moi qui aie impliqué Justin [Kurzel] dans le projet, avec qui je venais de tourner Macbeth."
L’acteur, complètement magnétique sur le plateau, poursuit devant notre groupe fasciné par le charisme du comédien : "Je ne connaissais pas le jeu, je ne joue pas aux jeux vidéo, mais j’en avais entendu parler. Mais les gens d’Ubisoft ont commencé à me parler de l’idée de mémoire ADN, de la bataille entre les Assassins et les Templiers depuis la nuit des temps, leurs croyances et leurs contradictions. Ce n’est pas comme Star Wars avec le côté obscur et la lumière. La mémoire génétique liée à l’ADN me semblait intéressante car c’est une théorie plausible.(…)"
Lucide sur le type de film dans lequel il s’est engagé, Fassbender fut franc sur la pression que peuvent représenter les millions de fans qui attendent le film et qui, en 2014, avaient acheté 77 millions de copies des différents jeux Assassin’s Creed. "C’est un confort d’avoir une fanbase qui soit autant intéressée par voir un film et vivre une expérience de jeu. Mais c’est aussi une pression car nous respectons le jeu, mais nous y apportons également de nouveaux éléments.(…) Et de mon expérience avec les films X-men, si vous le faites avec respect et passion, les fans embrassent ces changements, on l’espère en tout cas."
Outre Fassbender, le film compte notamment au casting Marion Cotillard (hélas absente le jour de notre visite), Michael K. Williams qui joue Moussa, un escroc-magicien qui utilise sa magie noire vaudou pour commettre des assassinats, ou Denis Ménochet, un Templier travaillant pour Abstergo et monsieur Rikkin, interprété par Jeremy Irons.
N'oublions pas une autre Française, Ariane Labed, élevée comme une Templière, et qui se verra rejoindre les Assassins (voir photos ci-dessous), ou l'Irlandais Brendan Gleeson.
Difficile d’adapter l’univers d’un jeu vidéo
Le producteur Patrick Crowley a partagé ses craintes devant le défi de devoir contenter les amateurs du jeu et les autres : "Nous devons les convaincre que nous ne voulons pas trahir ce qu’ils aiment dans le jeu. Les cascades sont réelles, nous avons dépensé de l’argent pour avoir de grandes séquences d’action, construire de grands plateaux.(…) Les costumes sont réels, nous avons habillé 900 personnes à la façon de l’Espagne du XVème siècle !"
Il poursuit : "Pour ceux qui ne sont pas familiers du jeu, ils peuvent être réticents à aller voir le film en pensant qu’il s’adresse à un public de niche. C’est pour cela que l’on doit avoir de la bonne action, et que le marketing va jouer un grand rôle. Pour présenter aux gens ce qu’ils vont voir dans ce film : de l’action, de l’Histoire et de la science-fiction. Et l’autre difficulté c’est qu’il s’agit d’une origin story, qu’il faut expliquer [les règles et les factions], et équilibrer le passé et le présent. Nous aurons 35% au XVème siècle et 65% au 21ème."
Un ratio qui permet de rester moderne le plus possible, afin de ne pas effrayer le grand public avec un film trop historique. Surtout, l’équipe d’Assassin’s Creed semble avoir voulu éviter l’écueil des adaptations de jeu vidéo. Cet écueil, Crowley s’en amuse : "les producteurs vous disent : « mais peu importe, refaites juste le jeu à l’écran et ils aimeront ça ! » Sauf que ces films n’ont pas marché, donc nous avons voulu éviter cela".
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Et quel meilleur moyen d’adapter le jeu qu’en s’en tenant aux sources d’Ubisoft. "Ubisoft a une encyclopédie Assassin’s Creed de 300 pages", se souvient Crowley, "qui contient notamment les règles de fonctionnement de l’Animus, des règles comme «jusqu’à combien de temps de la vie de votre ancêtre vous pouvez revivre ? (…)". Nous en avons pris connaissance, nous leur avons montré le scénario (…), ils ont été impliqué dès le tout début pour respecter leurs univers".
Allier le respect de l’univers à la vision d’un metteur en scène
Le réalisateur australien Justin Kurzel était très occupé le jour de notre visite du plateau. Il trouva tout de même un peu de temps dans un agenda compliqué pour nous parler de ce qui l’a convaincu d’accepter ce film, a priori éloigné de son univers de réalisateur : "Le jeu est très cinématographique, et il a des visuels très attirants. Nous avons embrassé cela, tout en proposant quelque chose de différent. C’est pour cela que nous avons beaucoup tourné sur place, sur le toit d’une église par exemple, ou pourquoi nous avons construit autant nos plateaux. Ça et le fait d’avoir un casting très nouveau et composé de gens que j’admire. Ça c’était très excitant."
Excitant, il fallait que cela le soit pour le réalisateur des Crimes de Snowtown et de Macbeth, avant d’accepter un film avec un tel budget et donc, autant de responsabilité et un tournage en terrain inconnu. Kurzel avait peu l’habitude des effets spéciaux à une telle échelle. Il nous l’a d’ailleurs avoué : "Je n’aurais jamais pensé faire un blockbuster un jour. Comme je n’aurais jamais pensé faire un film shakespearien comme deuxième long métrage. Cela a été la synergie de travailler avec Michael sur Macbeth, car c’est lui qui m’a parlé d’Assassin’s Creed. Je n’étais pas familier du jeu, uniquement de l’imagerie de la licence. Mais elle est très évocative (…)."
La bande-annonce d'Assassin's Creed décryptée par l'équipe de Fanzone :
Un Animus inédit
Partie prenante de l’imagerie du jeu dont parle Kurzel, la machine permettant d’explorer la mémoire ADN des individus. L’Animus, est en effet complètement réinventée dans le film, comme nous en a témoigné ce jour-là le chef décorateur Andy Nicholson, veste en cuir et bonnet vissé au crâne : "Notre Animus est complètement différent du jeu. Dans le jeu, on s’allonge et on ne peut pas faire ça pendant la moitié d’un film de cinéma. C’est l’une de nos différences les plus excitantes du film. Vous n’avez jamais vu cela avant, mais ce n’est pas des effets spéciaux, ce n’est pas de la CGI, c’est du construit et il est très maniable."
Le réalisateur Justin Kurzel nous a expliqué la vision qu’il avait de cette machine, et l’importance des thématiques qu’elle apporte au film :
"Nous sommes faits de ceux qui nous ont précédés. Donc nous avons en nous des compétences et des talents dont nous n’avons pas connaissance. Et [l’Animus] nous éveille à ces talents. Nous portons l’ADN, le sang, l’histoire, l’expérience et l’émotion de centaines de générations. Et c’est ce qui nous amuse [dans le film]. C’est cette idée que nous ne sommes pas seuls et que nous participons à quelque chose qui nous dépasse, une lignée, des ancêtres et une histoire qui nous définit. Et moi-même je vieillis, je perds certains de mes proches, et on a des enfants, et l’on comprend que la vie est courte.(…) Et c’est une idée très forte."
D’autres éléments du jeu seront présents comme le suggère la bande-annonce : notamment avec des clins d’œil à la vision de l’aigle et le mythique saut de la foi, élément indispensable de la saga vidéo-ludique.
En route pour Assassin’s Creed 2 ?
Patrick Crowley avoue : « certains des acteurs ont des contrats pour apparaître dans des suites, car on ne sait jamais. Nous espérons une franchise », bientôt rejoint par Michael Fassbender, encore plus précis : "Nous avons de bonnes idées de ce que nous ferons pour le second film, et une ébauche pour un troisième". Quant à un jeu Assassin’s Creed "the Movie - the Game" à la façon de Mortal Kombat, avec Michael Fassbender restitué par ordinateur, n’est pas prévu à l’heure de ces lignes.