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    The Missing - Tchéky Karyo : "On ne tire pas sur les mauvaises ficelles"
    Brigitte Baronnet
    Passionnée par le cinéma français, adorant arpenter les festivals, elle est journaliste pour AlloCiné depuis 13 ans. Elle anime le podcast Spotlight.

    Rencontre avec Tchéky Karyo à l'occasion de la diffusion, à partir de ce soir, sur France 3, du thriller psychologique The Missing, série dans laquelle le comédien est entouré entre autres de James Nesbitt et Emilie Dequenne.

    AlloCiné : Qu'est-ce qui vous a attiré dans ce projet ?

    Tchéky Karyo, acteur : Ce sentiment d’authenticité, la sensation que le spectateur n’est pas manipulé au mauvais endroit parce qu’il y a quand même de l’intrigue, du suspense. Il y a une façon à la fois d’être ludique avec l’écoute et l’intérêt du spectateur, mais pas au mauvais endroit, dans le sens où il n’y a pas de mièvrerie. On ne tire pas sur les mauvaises ficelles. On prend le spectateur au sérieux, on le respecte aussi dans la façon dont il a de regarder. Et aussi dans la manière même de filmer. Parce que le metteur en scène (Tom Shankland) m’a convaincu quand il m’a parlé de la manière dont il voulait suivre les personnages.

    Tous les personnages ont une vraie trajectoire, un vrai destin. Une fois qu’on a compris qu’il s’agit d’un enlèvement, cette tragédie, après, on est vraiment intéressés par la manière dont ces personnages vont se déployer, et comment chacun en miroir va vivre dans l’intrigue. Et tous les questionnements que ça va faire surgir dans l’écoute et le regard du spectateur. Ce que j’ai moi-même ressenti en le lisant : qu’est-ce qu’il va devenir celui-là ? Pourquoi il va réagir comme ça ?

    Comment avez-vous tourné la série ? Car il y a régulièrement des sauts dans le temps. Avez-vous tourné chronologiquement ?

    Il y a une chronologie dans chaque période. On a commencé avec 2014. Ca permettait de mettre bien en place les choses et d’enraciner l’histoire de chacun pour aller vers plus de lumière, dans une lumière d’été.

    C’était intéressant parce que moi je démarre avec le côté un peu tranquille et cool de ce bonhomme qui tout d’un coup va devenir le happy apiculteur et d’ailleurs j’aime beaucoup cette métaphore de cultiver, d’élever des abeilles. Et de voir finalement aussi des éléments de Tony à travers la façon dont les abeilles se comportent : sur l’idée de l’espoir qui le fait vivre, cette obsession... Il a besoin de ça comme les abeilles ont besoin de ce sirop pour croire qu’on est encore au printemps. Je trouve que c’est une jolie manière de parler du caractère du personnage.

    Puis l’été 2006, été de l’enlèvement pendant le match de foot. Ils ont fait ce choix. C’est vrai que dramaturgiquement, c’est intéressant que la tragédie ait lieu dans une période de liesse. Ca raconte encore plus la solitude et l’abîme qui s’ouvre devant ces parents. Ca crie, ça joue autour, ça chante, ça exprime sa joie, ça jette des confettis. Ils sont là en vacances et tout d’un coup le fils a disparu. D’un coup, c’est le tunnel. En plus dans un pays qui n’est pas le leur.

    Il y a aussi eu une semaine entre les deux périodes de tournage pour préparer chacun. J’avais envie d’être totalement strict et clean de façon militaire, alors que dans la période 2014, je suis ce type qui boite. Pourquoi je boite ? Et puis j’ai les cheveux en bataille, je ne me préoccupe pas trop de mon image…

    J’aimais bien aussi que ce personnage dans sa retraite s’adoucisse, donne plus de temps à sa famille, et finalement essaye de colmater les failles. Ca joue aussi dans le personnage qui a l’air bien dans ses baskets, il a quand même des coins d’ombre.

    Avez-vous remarqué beaucoup de différences de méthode dans cette coproduction essentiellement britannique et de précédentes séries que vous avez faites ?

    Non, il y a un pot commun dans la façon de travailler aujourd’hui. Ce qui est intéressant aussi je trouve, c’est la grande empathie des Britanniques pour les Français. Dans la série, je vis avec une Anglaise, je ne suis pas un flic idiot, il est cultivé, il aime la musique, il a une vraie curiosité, il est sage. C’est un personnage superbe. Ils ont beaucoup d’affection pour les Français. D’ailleurs, Tony (James Nesbitt) parle français, il a failli enseigner le français. Ce sont des gens hyper ouverts, très chaleureux. Ils ne sont pas « uptight » (coincés, Ndlr.). 

    On a juste en commun l’envie d’être complices. On a affaire à un metteur en scène (Tom Shankland, Ndlr.) qui n’est pas quelqu’un qui se prend pour Dieu ou le grand créateur. On a affaire à quelqu’un de convivial, qui a le sens de la collégialité, qui sait qu’il est chef d’orchestre. Il répond aux questions et donne une direction. Mais en même temps, il choisit des gens capables d’autonomie et de faire des propositions. Il sait que ça va être du plus et que ça va faire une œuvre plus belle.

    Il était très ouvert à mes propositions. Il a accepté des choses que j’ai faites qui pouvaient parfois le surprendre. Mais il réalisait qu’au contraire, ça nourrit, ça apporte de la vérité. Ca n’est pas parce qu’on est dans une tragédie qu'on ne peut pas apporter de la légèreté ; ça participe à ces moments, on est surpris. Dans les moments les plus noirs, dans le réel, d’un coup, il peut y avoir un moment totalement ridicule, complètement déplacé par rapport à un moment de peine. Au bord de la mort, mon père me disait : "Tu te rends compte, on peut encore rire."

    J’imagine qu’on vous demande souvent, mais de passer comme ça du cinéma à la série, comment l'envisagez-vous ? Il n'y a pas forcément de distinction à faire, on peut être avant touché par une authenticité, que ce soit un film ou une série...

    C’est ça, oui. C’est le projet dans sa globalité. Et accepter d’être engagé sur cinq mois. Au début, ça peut surprendre et un peu faire peur, mais finalement c’est génial, c’est riche.

    Quelles sont les séries que vous avez vu récemment que vous avez particulièrement apprécié ?

    The Wire, sortie il y a un certain temps, mais ça reste très contemporain. The Killing, Carnivale, Boardwalk Empire, Brotherhood, Six Feet Under… 

    >>> The Missing, saison 1. Série inédite en France, diffusée à partir de ce soir sur France 3 (2 épisodes par semaine). A noter que pour la première fois, France 3 proposera à ses téléspectateurs de regarder la série en version originale sous-titrée sur france3.fr gratuitement pendant 7 jours. Chaque semaine, les deux épisodes diffusés à l’antenne seront disponibles le soir de la diffusion sur le site de la série france3.fr/themissing en VOST. 

    Propos recueillis à Paris en novembre 2014 

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