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    Le Combat ordinaire : rencontre avec Nicolas Duvauchelle

    A l’occasion de la sortie du "Combat Ordinaire", un drame de Laurent Tuel adapté de la BD homonyme de Manu Larcenet, AlloCiné a rencontré l’acteur principal du film Nicolas Duvauchelle.

    Allociné : Qu’est-ce qui vous a attiré à la lecture du scénario ?

    Nicolas Duvauchelle : C’est avant tout la rencontre avec Laurent Tuel, et le personnage me plaisait beaucoup, ce mec qui est à la poursuite du bonheur, à la recherche de la sérénité comme on dit. (…) Je lis pas mal de bandes dessinées mais je n’avais pas lu celle-là. J’avais lu « Bill Baroud »  de Manu Larcenet dans Fluide Glacial, c’était un autre style avec une histoire d’agent secret. C’était assez drôle mais j’aime bien ce qu’il fait et  j’ai lu la BD du « Combat Ordinaire » assez tardivement car j’ai d’abord lu le scénario, je me suis concentré dessus et je l’ai pris comme un scénario original puisque Laurent s’est chargé du travail d’adaptation. J’avais juste à me conformer au scénario, c’était le plus simple à faire. Ils ont gardé beaucoup de dialogues, ils y tenaient. Beaucoup choses ont été élaguées bien sûr, des trucs qui ont sauté, mais pas les dialogues.

    Allociné : « Le Combat ordinaire » est le deuxième film sorti cette année à parler des photographes de guerre après L’Epreuve avec Juliette Binoche. Elle s’est notamment inspirée de sa rencontre avec Zoria Miller pour créer son personnage. Comment avez-vous abordé le vôtre ?

    Nicolas Duvauchelle : On ne me voit pas du tout dans l’action, il y a pas eu vraiment de préparation sur le terrain. Là j’incarne un personnage fatigué par son métier, qui a vraiment envie de se couper cette période, de savoir ou il en est, car il a toujours été à droite, à gauche, dans une espèce d’urgence. Marco a envie de se poser, et de retrouver qui il est, c’est pour ça d’ailleurs qu’il va essayer de rechercher ses origines, voir d’où il vient grâce à ses parents, d’aller retrouver les mecs avec qui son père travaillait sur les docks. Je n’ai pas fait de travail d’investigation.

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    Allociné : Comment décririez-vous ce personnage ?

    Nicolas Duvauchelle : C’est quelqu’un qui est à une période charnière on va dire, qui a peur de l’engagement et qui en même temps à envie d’être avec une femme, Emily (Maud Wyler) lui plait vraiment. Il a envie de tout cela. Les mecs ont toujours cette peur de l’engagement, cette angoisse de devoir dépendre d’une autre personne, ou de construire quelque chose, ce qui n’est pas facile et ça me parlait beaucoup, notamment ce rapport qu’il a avec sa famille, avec le deuil, c’est quelque chose d’universel qui arrive à tout le monde.

    Allociné : Le personnage de Marco fait passer énormément de choses par ses photographies et particulièrement grâce à ses portraits. Hormis le cinéma, quels sont vos moyens d’expression ?

    Nicolas Duvauchelle : J’ai traîné sur le tournage avec des dockers pour leur parler, il y a eu un très bel échange avec eux, comme si ils nous avaient ouvert les portes du port, ils étaient contents de nous montrer ou ils travaillaient et comment, je me suis plus exprimé comme ça qu’en prenant des photos. Tout ce qui est des photos en argentique, c’est Laurent Tuel qui les a prises. Ce sont de très belles photos avec beaucoup de matière dedans, c’était très beau. C’est la rencontre, l’humain qui a été important pour moi.

    Allociné : Marco est un personnage issu de la classe ouvrière, il semble être quelqu’un non pas d’engagé mais réfractaire aux idées d’extrême droite. Il se sent concerné. Considérez-vous que le film incarne la voix d’une classe sociale ?

    Nicolas Duvauchelle : La classe ouvrière, c’est son passé, là d’où il vient, on ne choisit pas. Je suis pas sûr que ce soit un film social ou politique, pas du tout, après oui il y a un constat, même eux nous en parlent là-bas, ce n’est pas évident, des gens sont foutus à la porte, des choses comme ça, c’est un peu partout pareil. C’est un peu l’angoisse de notre génération aussi avec le chômage, ça nous parle beaucoup, mais je ne pense pas que ce soit un film politique. Il n’y a pas de message, après Marco se pose des questions par rapport à ce qu’il est devenu vis-à-vis de ses amis d’enfance qui sont restés là-bas et qui sont devenus dockers. Chacun a pris un chemin différent. Nous ne sommes pas à la place des gens, on ne peut pas savoir mais ce n’est pas un film politique. Les réactions du personnage de Bastounet qui vote FN c’est plus un truc de ras-le-bol que vraiment du racisme, c’est un raccourci que ces gens-là font parfois. Ça arrive, c’est malheureux.

    J’ai deux filles et je pense à elles en permanence. C’est un choix que j’ai fait qui m’a beaucoup apaisé, je les remercie, c’est beaucoup de bonheur. Elles m’ont changé.

    Allociné : Le personnage de Marco a des réticences à devenir père. Quel part de vous est ce que vous avez projeté dedans ?

    Nicolas Duvauchelle : Aucune puisque j’ai des filles, c’est dur, mais je peux comprendre que cette peur de l’engagement liée à un enfant, c’est à vie, c’est apprendre aussi à être moins égoïste, à ne plus penser qu’à soi. J’ai deux filles et je pense à elles en permanence. C’est un choix que j’ai fait qui m’a beaucoup apaisé, je les remercie, c’est beaucoup de bonheur. Elles m’ont changé. C’est un choix que fait aussi Marco. (…) C’est quelqu’un d’assez bourru qui a été seul très longtemps en tant que reporter de guerre donc ce n’est pas évident de s’engager, de faire des projets de vie quand on a été barouder pendant 20 ans à droite à gauche. Finalement, il fait le choix de l’amour.

    Allociné : Le film est assez ambitieux par les nombreux thèmes qu’il aborde, la maladie, le deuil, la paternité … Y en-a-t-il un qui se distingue des autres et pourquoi ?

    Nicolas Duvauchelle : Ce sont des thèmes universels auxquels on est tous confrontés à un moment ou à un autre de notre vie, perdre un proche, la maladie, ses angoisses, ce sont des choses que tout le monde a dû connaître ou connaitra mais c’est ça qui fait la vie et la beauté, on sait que les gens on peut les perdre, si il n’y avait pas la mort, la vie ne serait pas la vie. Ca questionne tout le monde, ça parle à tout le monde. Ça permet de rendre le film accessible.

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    Allociné : On vous a découvert assez jeune dans la ligne 208 et le Petit voleur en 1999, après plus de 15ans de carrière, que retenez- vous de toutes ces années expériences ?

    Nicolas Duvauchelle : Des souvenirs, de très beaux souvenirs. Les films, ça a toujours été des aventures humaines avec les gens avec qui on partait. Pour le film de Claire Denis je suis parti à Djibouti et l’équipe était très soudée. On a aussi tourné en province. On était tous ensemble pendant 8 semaines, on dormait dans les mêmes lotissements, on mangeait ensemble, on faisait la fête ensemble, c’était une espèce de colonies de vacances, une tranche de vie. En province les gens ne sont pas blasés, les tournages c’étaient que des moments d’énergie positive. Ce que je garde aussi c’est d’avoir travaillé avec Xavier Giannoli (Les Corps Impatients, Une aventure), Claire Denis (Trouble Everyday, White Material), Eric Zonca (Le Petit Voleur), Emmanuel Finkiel), Laurent Tuel. C’est avant tout des rencontres car mise à part le tournage, il y a tout ce que l’on vit à côté, sans jouer, même si j’essaye de le faire le plus sincèrement possible il y a quand même notre vie qui nous rattrape. Claire Denis m’a beaucoup marqué, la rencontre de Béatrice Dalle dans Trouble Everyday, après on est reparti au Cameroun pour White Material, j’adore son cinéma naturaliste.

    Allociné : Vers quel type de rôle avez-vous envie de vous tourner à présent ?

    Nicolas Duvauchelle : Je suis ouvert à tous les types de rôles, je n’ai pas de plan de carrière, je prends les trucs comme ils viennent, quand j’ai envie faire un truc je le fais et quand je n’ai pas envie je ne le fais pas et c’est ça le vrai bon plan de carrière, ce n’est pas donné à tout le monde. Je suis conscient de la chance que j’ai, de pouvoir choisir, c’est vrai que c’est agréable. C’est un luxe et j’en suis conscient. Pourvu que ça dure.

    Propos recueillis le 11 Juin 2015 à Paris

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