J -1 avant la clôture (et le palmarès) de ce 68e Festival de Cannes. Et l'évènement du jour, c'est incontestablement la présentation du Macbeth de Justin Kurzel, dernier film de la Compétition.
Pour son deuxième long métrage, le réalisateur australien n'a peur de rien, puisqu'il revisite Shakespeare avec un casting de choix, emmené par Michael Fassbender et la Française Marion Cotillard. Bien au-delà de leur potentiel glamour, Kurzel salue ici le talent de ses deux acteurs, dont la performance remarquée n'a pas manqué d'enchanter les festivaliers, et ne tarit notamment pas d'éloges sur la frenchie.
Les meilleurs acteurs sont ceux qui écoutent
Des propos qui rejoignent ceux tenus par Michael Fassbender en conférence de presse, peu de temps auparavant : "Je pense que Marion est la meilleure dans notre activité. Elle apporte de la grâce à tout ce qu'elle fait, cette grâce qui est en elle", a-t-il expliqué. "Elle est en même temps très humaine. Lorsqu'elle joue un personnage, le public a un miroir en face de lui et peut se reconnaître en elle. Dans le cas de Lady Macbeth, elle y a mis beaucoup d'humanité. Et être face à elle dans certains scènes signifie que l'on a là la meilleure des partenaires."
Le comédien ne s'est d'ailleurs pas arrêté là : "On a là quelqu'un qui écoute. Ça semble simple, mais les meilleurs acteurs sont ceux qui écoutent. Et Marion écoute en profondeur, et réagit ainsi à ce que l'on fait sur le moment avec beaucoup de générosité", a-t-il poursuivi. "Elle prend quelque chose, l'utilise, le transforme et vous renvoie autre chose. Nous avons très bien répété ensemble et, dès que nous avons commencé à tourner, on ne discutait plus rien. On a simplement présenté ce qu'il fallait présenter lorsque la caméra tournait. C'est un grand privilège que de travailler avec elle."
Les comédiens qui ont été les principaux animateurs de la très courue conférence de presse, dont voici quelques morceaux choisis.
Jouer Shakespeare
Michael Fassbender : La perspective de jouer Macbeth est terrifiante au premier abord. Mais une fois que l'on commence à se préparer et à travailler, c'est le travail qui prend le dessus. Et la meilleure solution pour calmer ses nerfs, c'est de travailler (rires) Je me suis donc immergé dans le scénario et me suis lancé. Une fois que la décision avait été prise, le train allait partir, pour le meilleur ou pour le pire, mais il fallait être à bord et au bon moment. J'avais vu d'autres versions et je me suis documenté car ça ne pouvait qu'aider.
Marion Cotillard : C'est une pièce et des personnages très intimidants. Je n'avais jamais ressenti autant de pression à aborder un personnage, mais on a eu le temps de travailler. Le texte était une difficulté pour moi car c'est de l'anglais avec un accent particulier et que j'ai toujours peur de ne pas réussir à rendre hommage à un texte. Qui plus est quand c'est Shakespeare.
On ne peut pas essayer de réécrire Shakespeare
Michael Fassbender : Le langage est très riche, et Marion ne pourra qu'être d'accord avec ça (rires) J'ai dû commencer par résoudre ce casse-tête tout en gardant le rythme. Il fallait explorer tous les chemins possibles au niveau du jeu d'acteur. Jouer Shakespeare est une très belle expérience mais il y a beaucoup de façons différentes d'interpréter le personnage ou les mots. Au final c'était presque déprimant car je me suis dit qu'il fallait tout essayer mais c'était aussi un hommage rendu à Shakespeare. Voilà pourquoi on adapte encore ses pièces : parce que le langage y est extraordinaire.
On ne peut pas essayer de réécrire Shakespeare, qui est un génie. Il faut, au contraire, respecter son texte. Mais on peut essayer d'y apporter un petit quelque chose pour présenter une vision de la pièce au cinéma, car c'est bien différent que de jouer Macbeth au théâtre.
Marion Cotillard couronnée dans un extrait :
Les personnages
Marion Cotillard : Pendant la durée d'un tournage, on passe en quelque sorte nos journées à l'intérieur de quelqu'un, donc il y a forcément une partie de nous qui est affectée par la vie de cette personne. C'est la première fois, en abordant un projet, que j'ai eu du mal à me laisser totalement aller à ce personnage. J'ai souvent joué des personnages dramatiques, mais jamais aussi sombres [que Lady Macbeth, ndlr].
Dans tous ceux que j'ai abordés jusqu'à présent, il y avait toujours de la lumière ou un espoir, mais ici c'était très très sombre. Et c'est un personnage qui perd totalement le contrôle, donc j'ai eu de la difficulté, pendant la préparation du film, à accepter que ça m'envahisse complètement.
Macbeth est-il un anti-héros ?
Michael Fassbender : J'ai participé à une adaptation de Macbeth par deux fois avant celle-ci : une fois à l'âge de 15 ans, dans mon école, et une autre plus tard. Mais j'ai pensé, lors de nos premières conversations sur ce projet, qu'il fallait non seulement considérer que Macbeth tue de nombreuses personnes, car c'est un soldat longtemps engagé dans des batailles, mais également que celles-ci se déroulent presqu'à mains nues, avec une épée.
Qu'est-ce que cela fait de transpercer quelqu'un avec une épée ? De prendre une pierre pour briser le crâne d'une personne ? J'ai essayé d'approfondir cette question et me suis rendu compte, dès le début, que ce personnage avait des hallucinations et qu'il y a une fracture en lui dès le début. Et on sait aujourd'hui que les soldats qui rentrent d'Irak ou d'Afghanistan et souffrent de stress post-traumatique peuvent avoir des hallucinations. C'est ce que j'ai voulu représenter dans Macbeth, avec ces comportements un peu curieux.
Macbeth est-il un anti-héros ? Je crois que c'est quelqu'un d'assez fracturé dès le début. C'est un soldat qui n'a pas eu le temps de faire son deuil, avec sa femme, de l'un de ses enfants. Et tout ceci l'emmène à un point culminant. C'est une histoire d'ambition, de ce vers quoi elle peut vous emmener. De l'espoit que l'on peut avoir et en quoi il peuvt devenir réalité. C'est aussi une histoire de perte : perte de la relation à l'intérieur d'un couple, perte d'un enfant et perte de sa santé mentale.
Quelque chose de vertigineux
Marion Cotillard : Justin nous a toujours dirigés vers l'intimité et la profondeur de ces personnages. Et le fait qu'on se chuchote presque les choses parfois m'a beaucoup aidé à donner ce texte, parce que c'était tellement subtil et doux dans cette violence des rapports que les personnages portent en eux, que le contraste créé quelque chose d'assez vertigineux.
Le plus troublant chez Lady Macbeth, c'est l'incapacité à faire face à sa peur, qui créé chez elle un déséquilibre qui va l'amener à faire des choses assez monstrueuses. Le fait de fuir un désespoir si douloureux fait qu'elle met un mur de protection autour de son couple.Je pense qu'il y a beaucoup d'amour entre ces deux personnages, qui sont juste trop abîmés pour pouvoir se tourner vers quelque chose de lumineux.
L'ambition qu'elle porte en elle ne va pas l'amener vers le haut ou lui donner plus de pouvoir. C'est une manière de se protéger et de regarder toujours en arrière, en fuyant la chose qu'elle regarde. Et c'est ça qui mène à la folie.
Enfin, Michael Fassbender a également dévoilé ce qu'il y avait de mieux et de pire en Ecosse, où le film a été tourné : "Le whisky et le whisky". De quoi finir la Compétition avec humour et en beauté(s).
Macbeth Fassbender en guerre dans un autre extrait :