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    Le Temps des aveux : rencontre avec Raphaël Personnaz
    Clément Cuyer
    Clément Cuyer
    -Journaliste
    Clément Cuyer apprécie tous les genres, du bon film d’horreur qui tâche à la comédie potache. Il est un "vieux de la vieille" d’AlloCiné, journaliste au sein de la Rédaction depuis maintenant plus de deux décennies passionnées. "Trop vieux pour ces conneries" ? Ô grand jamais !

    Rencontre avec l'acteur Raphaël Personnaz, plongé au coeur de l'enfer Khmer Rouge dans Le Temps des aveux de Régis Wargnier.

    Les Films du Cap / Gaumont - photo Rafael Winer

    Dans Le Temps des aveux de Régis Wargnier, en salles ce mercredi, l'acteur Raphaël Personnaz se glisse dans la peau de l'ethnologue français François Bizot, capturé en 1971 par les Khmers Rouges, au Cambodge. Entre le prisonnier et Douch, son geôlier, se construit alors un lien indéfinissable... AlloCiné a rencontré Raphaël Personnaz pour évoquer cette expérience marquante de cinéma.

    AlloCiné : Une première question sur la préparation autour du film. Vous avez du perdre plusieurs kilos pour le rôle...

    Raphaël Personnaz : Cela faisait partie du défi d'arriver à incarner, à représenter visuellement une perte de poids. Il fallait représenter la détention d'une certaine manière. Comme on a eu la chance de tourner dans la continuité, pendant 21 jours, j'ai fait une bonne diete totale. C'était très particulier et nouveau pour moi, mais il fallait le faire un petit peu, car le sujet étant ce qu'il est, si on ne caractérise pas, si on ne représente pas un peu physiquement la douleur, la souffrance, si ça ne reste qu'intellectuel, ça ne marche pas. Il fallait s'engager totalement. De faire ça, ça plonge dans un état assez étrange, ça perturbe... Je trouve que c'était réaliste d'avoir ça.

    AlloCiné : Le réalisme était une notion primordiale pour le film ?

    Toute personne qui a eu la chance d'aller au Cambodge a ressenti un jour ou l'autre le poids de l'Histoire sur la terre, chez les gens... Forcément, filmer là-bas, avec des acteurs cambodgiens, qui étaient tous très engagés, c'était très important, primordial. Et puis quand on est sur place, on ne va pas arriver avec nos réflexes d'Occidentaux et avoir une leçon à donner. Non, on essaie de s'intégrer et de regarder les choses avec pudeur. Et je crois que le film est comme ça, pas donneur de leçons, assez en retenue. Kompheak Phoeung, qui joue le personnage de Douch, a dit : "Le film ne dit pas grand chose, mais il raconte beaucoup." Je trouve que c'est assez juste.

    Gaumont Distribution

    AlloCiné : Qu'est-ce qui vous a attiré dans cette histoire incroyable ?

    Il y avait l'ampleur de ce que ça racontait, il y avait l'envie d'aller vers un sujet que que je connaissais mal, les Khmers Rouges. Et puis en tant que spectateur, je me disais qu'il y avait une proposition un peu différente, ambitieuse. L'histoire avec un grand H est complètement dingue, c'est un génocide ou un tiers d'un peuple a été exterminé en 1975, il y a peu de temps quand même... Si cette histoire avait été une fiction, je ne l'aurais pas cru. On se dit que ce n'est pas possible... Ce mec vit au Cambodge, puis est enfermé pendant quatre mois par un bourreau. Et 25 ans après, le bourreau, qui est reconnu coupable de 13 000 crimes, lui demande de venir le défendre à son procès -ce qu'il ne va pas faire- car c'est la seule personne qu'il a gracié. Aujourd'hui, ce Françoit Bizot, que j'ai eu la chance de rencontrer, vit toujours avec cette question : "Pourquoi, moi, j'ai été épargné ? Pourquoi 13 000 personnes ont été tuées et pourquoi pas moi ?" Il y a encore un truc de culpabilité chez lui. C'est une histoire qui valait le coup d'être racontée.

    AlloCiné : Le film mêle la grande histoire et quelque chose d'intime entre le bourreau et la victime...

    Il fallait que l'histoire avec un grand H ne soit pas une leçon d'histoire. Si on ne connaît pas l'histoire de ce pays, on peut quand même comprendre... Et puis cette histoire intime entre le bourreau et la victime invite à un questionnement : "Quelle est la différence entre le bien et le mal ? Où est la frontière ? A quel moment cette frontière devient hyper fine ?" Il y a la réponse simple : c'est un monstre, on est tous d'accord là-dessus. Et puis on peut aussi se dire que non, c'est un homme comme vous et moi qui, à un moment donné, est passé de l'autre côté. Pourquoi ? Il n'y a pas de réponse à ça, c'est très troublant, et je crois que le film l'est aussi.

    AlloCiné : On sent que vous a été marqué par votre expérience au Cambodge...

    Ce qui est formidable, c'est que le Cambodge est en train de se relever. Cette histoire est présente chez eux, ils n'essaient pas de l'oublier, même si c'est compliqué de vivre avec. Ils essaient tant bien que mal de construire à partir de ça. La jeunesse qui nous a aidé sur ce film, elle représente l'espoir d'une nation. Ces jeunes sont très énergiques, ils sont beaucoup dans l'artistique. Les Khmers tuaient tous les artistes, ceux qui portaient des lunettes et qui avaient des livres. La présence de l'art, la connaissance, tout cela est un rempart contre ce genre de choses. Et Le Temps des aveux est un film dont on ressort avec plus de connaissances.

    La bande-annonce du "Temps des aveux" :

     

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