Vous nous confiez en décembre 2013 à propos d'Une Nouvelle Amie : "Je ne sais pas si ce sera plus une comédie, ou plus dramatique, il y a beaucoup de tons dans le film". Maintenant qu'il est tourné et qu'il sort, que vous l'avez vu, vous avez une idée plus précise de ce qu'il est vraiment ?
Romain Duris : A vrai dire, je ne sais toujours pas ! Il y beaucoup de choses dans le film. On rit, on pleure, on a peur... J'ai entendu "un thriller sentimental". J'aime cette formule.
Vous êtes très belle dans le film, si j'ose dire. Le fait de tourner en femme, c'est une chose. Mais le fait de se voir sur grand-écran en est une autre. Vous avez eu un choc lors de la première projection ?
Non, parce que clairement pour ce rôle, l'aspect physique était important. J'ai été très actif, je me suis beaucoup vu. C'est bien la première fois que je regardais dans l'écran de contrôle si mon profil n'était pas trop masculin, si tel ou tel angle n'était pas plus doux... J'ai eu beaucoup d'occasions d'avoir conscience de l'image précise que je renvoyais. Et en même temps, j'ai été surpris parfois au visionnage. De ma démarche par exemple, qui était un vrai défi à relever. A aucun moment en tout cas je me suis dis qu'on avait raté quelque chose.
Je suis allé très loin dans le trip !
Vous vous êtes senti comme une actrice sur le tournage ?
Clairement. J'avais deux heures de maquillage tous les matins déjà. François Ozon parlait de moi au féminin. Puis j'ai rencontré des soucis plus habituels chez les actrices. Depuis vingt ans je me moque éperdument de savoir si mon profil droit va mieux passer que mon profil gauche. Tout à coup, il y avait une exigence et un contrôle de ce qui nous échappe. J'avais une petite coquetterie.
Vous confirmez qu'il faut souffrir pour être belle ?
Totalement ! Chapeau mesdemoiselles. La souffrance réelle des talons. L'épilation, je n'en parle même pas ! Bien savoir peindre ses ongles. Il faut être zen.
N'était-ce finalement pas ennuyeux de jouer les scènes en homme, en David ?
Non parce que c'est un personnage complexe, énigmatique, que j'ai appris à découvrir au fur et à mesure. J'ai été davantage surpris par lui car on l'avait moins préparé que Virginia. Puis il y avait différentes manières de le jouer. Est-ce qu'il fallait qu'il soit, par contraste, hyper viril ? C'est un personnage en deuil en plus, qui souffre. Il ne fallait pas en faire quelqu'un de dépressif pour autant. Donc ce n'était jamais ennuyeux avec lui.
Vous aviez du mal à quitter Virginia le soir ?
Oui, bien sûr. Je gardais le rouge sur les ongles quand j'allais au restaurant. Parce que j'aimais bien ça. Et puis je n'avais pas envie de la perdre totalement. C'était fort. Je suis allé très loin dans le trip.
Je dis "welcome" aux gens qui manifestent contre le mariage gay
Le fim est engagé, au regard de tout ce qui s'est passé et se passe encore en France, les manifestations anti-mariage gay, le débat sur le genre... C'était important vous qu'il fasse passer un message ?
C'est un film actuel. Si c'est ça être engagé, okay ! On évite le côté message écrit sur l'affiche "Attention, ce film va dire ça sur ça"... Notre travail à Anaïs Demoustier et à moi était de mettre en avant les sentiments, les émotions, d'une histoire d'amour universelle. Elle a une liberté particulière, bien sûr, mais quand on s'aime il y a de toute façon toujours ce besoin d'être libre. Je dis "welcome" aux gens qui manifestent. Ce film ne leur est pas interdit. Il est intelligent, il fait réfléchir. Il n'est pas fermé. Et si la morale les rattrape... et bien tant pis.
On vous verra prochainement dans Démons, un téléfilm pour Arte. Votre premier depuis Le Péril Jeune. Que pouvez-vous nous dire sur ce projet singulier ?
Il sera diffusé en automne 2015 et nous le jouerons également au théâtre en même temps, car ce sera aussi une pièce. J'y retrouve d'ailleurs Anaïs Demoustier, mais aussi Marina Foïs.
Cédric Kalpisch prépare sa première série. Est-ce que vous allez y participer et est-ce que le format série vous intéresse ?
Non, je ne vais pas participer à la série. On a toujours 5 ans de retard sur les Etats-unis ici, alors je ne sais pas à quel point le format va envahir les écrans français à l'avenir, mais c'est clair que vu les contraintes liées à l'argent au cinéma aujourd'hui, la télévision est une alternative intéressante. On peut y être plus libre, créer et que ce soit vu.
Quels sont vos prochains projets ?
Un premier film d'abord, de Emmanuel Courcol, sur l'après-Guerre 14/18 avec un personnage qui part en Afrique parce qu'il n'arrive plus à vivre en France. Puis il y revient. C'est assez fort. Ensuite, je vais travailler sur un film de Pascal Chaumeil, le réalisateur de L'Arnacoeur, complètement différent, une comédie noire...
François Ozon évoque les grands films sur le travestissement, de Mrs Doubtfire à Chouchou, en passant par Laurence Anyways de Xavier Dolan, dans la vidéo ci-dessous :
Propos recueillis par Jean-Maxime Renault