Le jury a décidé de primer cette année le film "Pride". Etait-ce un choix unanime ? Y a-t-il eu beaucoup de débats ?
Franck Finance-Madureira, fondateur de la Queer Palm : Bruce LaBruce, le président cette année, et le jury ont tenu à parler de tous les films. C’est une démarche que j’aime beaucoup parce que c’était extrêmement intéressant d’échanger sur chacun des films. Comme on avait une sélection très large cette année, il y a vraiment eu une discussion super agréable pour essayer de saisir le côté « queer » de certains films.
Quelque part, on savait tous qu’on avait envie de faire un geste politique, un geste fort, et tout le monde savait que le dernier film qu’on avait vu, Pride, était le film idéal pour notre prix.
Le jury a également tenu à citer deux films, Party Girl et Bande de filles, qui leur ont beaucoup plu. Ils ont vraiment voulu mettre ces deux films en avant.
Qu'est-ce qui a plu au jury dans "Pride" ? C’est un film plutôt léger, même s’il a un vrai fond social…
C’est vraiment une comédie sociale à l’anglaise comme on les aime, avec un ton, une belle écriture. Ils ont beaucoup apprécié l’écriture des personnages ; ils sont construits, pas caricaturaux. Et ça permettait de recentrer la question « queer » au sein de la question sociale, de montrer à quel point il y a des luttes communes. Le film montre que la question de la militance « queer » est complètement intégrée dans la question de la militance sociale.
Diriez-vous que 2014 était une bonne édition ? Il y avait des films très différents des uns des autres...
C’était très varié, en effet. Par exemple, par rapport à un film comme "Party Girl", nous avons beaucoup eu la question : pourquoi c’est dans la Queer Palm ? Or, les seuls qui ne se sont pas posés la question, et pour qui c’est une évidence, ce sont les trois réalisateurs ! Ce film montre un parcours de vie : on a une femme qui travaille la nuit, qui est complètement en marge. C’est vraiment un parcours queer, décalé. C’est une femme forte qui assume sa vie, qui assume ses choix, qui sont des choix radicaux.
La sélection était vaste. Pourtant, certains films qui auraient pu y être ne figuraient pas dans la liste des prétendants...
On a ajouté deux films au cours du festival : Foxcatcher et Incompresa. "Foxcatcher" est un film très « crypto-gay ». Sils Maria aurait pu être intéressant également. Le jury a aussi comme rôle de signaler quand un film n’est pas dans sélection et pourrait y être. Dans ce cas, on se débrouille pour aller le voir.
2013 était une année assez spéciale avec "L'Inconnu du lac" et "La vie d'Adèle"...
Cette année, on a eu beaucoup de films « queer », mais on en a eu moins vraiment centrés sur la question homosexuelle, qui est, pour rappel, seulement une part du thème queer. Mais c’était une belle sélection. Et pour moi, Mommy est un chef d’œuvre.
Y a-t-il eu des nouveautés dans l’organisation de la Queer Palm cette année ?
Nous avons posé les premiers jalons d’une journée qu’on voudrait organiser à partir de l’année prochaine, qui serait une sorte de Marché du film queer. Pour en parler, nous avons réuni une soixantaine de personnes, distributeurs, producteurs, pour essayer de construire ensemble cette journée au mieux. Le réseau commence à se former. Antoine Damiens, un universitaire spécialisé dans le cinéma queer, va être en charge de toute l'organisation de ce Marché. Il en sera le référent.
Nous essayons de comprendre les besoins pour organiser des ateliers, des speed dating, des rencontres, pour que toutes les personnes qui s’intéressent au cinéma queer puissent être portées à Cannes. Pour nous, c’est important de développer ce genre de choses.
Y a-t-il d’autres axes de développement ?
Il y a l’axe nocturne. Nous avons lancé la marque La Dame de cœur. C’est une marque que nous avons envie de développer parallèlement à la Queer Palm pour accueillir nos lieux de nuit, développer des endroits sympa où les gens peuvent faire la fête. Il n’y avait plus d’endroits gays depuis la fermeture du Zanzibar en 2011, qui était un bar culte à Cannes, le plus ancien bar gay de France. D’ailleurs, Quentin Tarantino, qui était un habitué, a appelé la taverne dans "Inglorious Basterds", Zanzibar, en hommage au bar.
Je pense, qu’avec La Dame de cœur, nous avons réussi à relancer à Cannes un endroit pas uniquement gay, hyper open, hyper agréable, où les gens se sentent bien. Nous avons eu de jolis retours.
Une dernière question à propos du principal Festival de cinéma gay et lesbien de France, Chéries-Chéris, qui rencontre actuellement des difficultés, et pourrait ne pas avoir lieu. Savez-vous ce qu’il en est ?
Je suis impliqué professionnellement car c’est mon agence de communication qui va s’occuper de la communication du festival (Ndlr. Workshop Prod, la branche cinéma et entertainment de l'agence Anne Testuz Communication). Il y a de gros problèmes car l’ancienne présidente n’a pas accepté d’être débarquée du festival, et qu’elle essaye de monter son propre festival, ce qui nous a créé beaucoup d’ennuis car elle n’a pas voulu fournir les comptes de l’association.
Cela nous créé beaucoup d’ennuis dans notre recherche de subventions, ce qui nous a créé un gros différent avec le Forum des images, qui du coup, ne pourra pas accueillir le festival, ce qui les retarde beaucoup dans la préparation. J’espère que cela va se régler au plus vite.
Il aura lieu quoi qu’il arrive. Ce sont les 20 ans, c’est trop important. Même si c’est un format resserré ou différent, il aura lieu.
Un extrait de Pride, lauréat de la Queer Palm 2014 :