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    Cannes 2014 - Nuri Bilge Ceylan : "Un réalisateur doit s'adresser à l'âme du spectateur"
    Brigitte Baronnet
    Passionnée par le cinéma français, adorant arpenter les festivals, elle est journaliste pour AlloCiné depuis 13 ans. Elle anime le podcast Spotlight.

    S'adresser à l'âme du spectateur, c'est en ces termes que le cinéaste Nuri Bilge Ceylan, en compétition avec "Winter Sleep", a défini sa démarche. Retrouvez les temps forts de la conférence de presse donnée cet après-midi à Cannes.

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    J’ai essayé d’aller vers quelque chose de plus littéraire

    Nuri Bilge Ceylan, réalisateur : Le film débute avec trois nouvelles de Tchekov. Il y a beaucoup de dialogues effectivement, il y a des dialogues de Tchekov aussi. Je voulais vraiment qu’il y ait des comédiens professionnels pour porter ces dialogues aussi lourds.

    Je suis quelqu’un qui aime beaucoup les dialogues. Dans mon 1er film, il y avait beaucoup de dialogues, mais nous n’avions pas enregistré le son en direct, et ensuite cela nous a posé des problèmes au moment de la post-synchronisation. Dans mes films d'après, j’ai donc évité les dialogues.

    Cette fois j’ai utilisé des dialogues assez littéraires. C’est assez courant au théâtre. Au cinéma, c’est plus risqué. Dans mes premiers films, je faisais attention à imaginer des dialogues plus réalistes, mais cette fois j’ai essayé d’aller vers quelque chose de plus littéraire.

    Haluk Bilginer, acteur (rôle de Aydın) : Quand j’ai reçu le script, j’ai pris peur. C’était comme l’annuaire de la ville de New York ! (rires) Mais après avoir lu le script, un soir tard, j’ai appelé Nuri. J’ai adoré ce script, je l’ai trouvé juste. Il y a un peu d’auto-critique, mais pas trop, c’est merveilleusement écrit.

    J’étais ravi de participer à ce projet. Il y avait des pages et des pages de dialogues. On a beaucoup répété avec les autres comédiens. On tournait 10-15 min sans coupure, c’était un peu comme répéter une pièce de théâtre. On a filmé les répétitions. Il y a 200 heures de rushes.

    Ce que j’aime ce sont plutôt des films ambigus, qui au final vous laissent des sentiments partagés

    Nuri Bilge Ceylan : Il y a des parties un peu autobiographiques, mais le personnage principal n’est pas moi. J’ai des amis comme ça, c’est un monde que je connais un peu.

    Tchekov nous a inspiré car nous trouvons des situations comme celles du film dans la vie de tous les jours. J’avais l’impression que cette histoire avait été écrite pour la Turquie.

    Je ne peux pas dire que j’ai fait un film sur un sujet spécifique, précis. Ce que j’aime ce sont plutôt des films ambigus, qui au final vous laissent des sentiments partagés. Parfois on me demande comment résumer mes films en un mot ou une phrase, mais je n’y arrive pas !

    Un réalisateur doit s'adresser à l'âme du spectateur

    Nuri Bilge Ceylan : Je ne fais pas allusion à la situation présente en Turquie. Le film a été tourné avant les évènements de juin. Je ne pense pas qu’un réalisateur doive parler de la situation présente. Ou bien le faire avec du recul, pas avant 3 ans. Quand je fais un film, je ne pense pas à la situation présente, un réalisateur doit voir les choses plus largement, prendre du recul. 

    Je pense que le devoir d’un réalisateur de film est différent d’un journaliste. Il doit plutôt d’adresser à l’âme du spectateur. Si dans mes films je peux injecter quelques sentiments dans l’âme des gens, c’est déjà une réussite. Si les téléspectateurs peuvent apprendre à avoir un peu plus de honte pour certaines choses, ça sera une bonne chose.

    On s’est parfois disputé très violemment

    Ebru Ceylan, co-scénariste : C’est notre 3e film ensemble. Cette fois, on a eu une période d’écriture assez intense. On a beaucoup discuté, on s’est parfois disputé très violemment, mais je pense que nous avons une relation plutôt fructueuse. On travaille bien ensemble car on a un peu la même vue sur la vie. (...)

    Nous avons écrit le film sur une certaine durée. Il y a eu beaucoup de bagarres mais c’était nécessaire. On a pu être beaucoup plus créatifs, 10 fois plus créatifs ! Je ne peux pas trouver les dialogues dans une discussion comme aujourd’hui, il faut des bagarres !

    Souvent les gens n’osent pas me contredire, mais comme c’est mon épouse, elle m’en fait voir… (rires). Bien sûr, comme je suis le réalisateur, c’est moi qui décide. Si jamais elle fait son film, c’est elle qui décidera. D’ailleurs il y a certains dialogues qu’on n’a pas encore approuvés tous les deux ! (rires)

    Le monde entier peut trouver un écho de sa propre vie dans ce film

    Zeynep Özbatur Atakan, productrice : Ça fait 10 ans qu’on travaille ensemble. Nous avons a fait 4 films ensemble. Les conditions s’améliorent de films en films. Les coproductions nous donnent beaucoup plus de force pour arriver aux conditions dont on a besoin.

    Alexandre Mallet-Guy, producteur : C’est la 2e fois que je travaille avec Zeynep et Nuri. C’est merveilleux de voir ce film sur grand écran dans le Théâtre Lumière. Le travail de Nuri devrait être plus distribué dans le monde, je pense. Ce film est étonnant et très facile à voir. Le monde entier peut trouver un écho de sa propre vie dans ce film.

    La bande-annonce de Winter Sleep :

     

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