© Les Films Pelléas / EuropaCorp Distribution
AlloCiné : Dernièrement, lors de la Master class que vous avez tenu au Forum des images à Paris, vous avez évoqué l'importance qu'avez eu certains professeurs, en particulier une enseignante, dans la découverte de votre vocation d'actrice et de réalisatrice. Un beau dimanche a justement pour personnage principal un enseignant. Vous aviez une envie de mettre l’enseignement au premier plan ?
Nicole Garcia : Oui, sûrement. Ca m’intéresse toujours de voir ces instituteurs, comme il y en a dans la littérature, dans les œuvres de Mauriac par exemple, dans quelque chose d’aussi clair, sain que doit être l’enseignement, le soutien des élèves. Et après, ce qu’ils sont eux, dans leur intimité… J’avais vu un film américain, Half Nelson, où Ryan Gosling joue un prof d’histoire dans le Bronx. Il est à la fois un merveilleux professeur, très attaché à ses élèves, et en même temps, il est junkie. Il y avait comme ça une sorte de noir et blanc dans sa personnalité.
Et quand j’ai eu l’idée de ce film, à partir de la personnalité de Pierre Rochefort, il y avait en lui quelque chose de romanesque, un mélange de douceur et de violence. Il y a une sorte de gisement de violence en lui, qu’il n’ose pas exprimer. Il a un désir de solitude et d’aventure en même temps... Tout de suite, il m’est venu le fait qu’il soit instituteur. Raconter l’aventure originelle d’un jeune homme mystérieux, et qu’il soit instituteur, cette fonction aussi importante pour les enfants, aussi noble, aussi mal reconnue comme on le voit plus avant dans le film, avec ses grands moments de plage où ils ont du temps pour eux, donc on peut voir la trop grande solitude de ce personnage. Instituteur, ça me permettait tout ça.
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Votre fils Pierre Rochefort a un vrai talent de comédien. Pourquoi avoir tant attendu avant de le faire tourner pour vous ? Aviez-vous pensé à lui pour un film précédent ?
Non, car j’étais prise dans d’autres projets. Lui même ne savait pas ce qu’il voulait faire pendant très longtemps. Il faisait de la musique, il a fait du rap, il a cherché beaucoup de chemins. Et puis un jour il a poussé la porte d’un cours de théâtre. Il a su qu’il voulait être acteur. Ca lui a plu d’être en scène. Il est devenu bon, je le voyais comme un acteur. Et c’est son désir d’acteur qui m’a fait penser à ce film, maintenant et pas avant. D’habitude, c’est un personnage qui me mène vers un acteur, et pas l'inverse. C’est pour ça que je n’ai pas de « troupe ». Je suis d’ailleurs frustrée de ne pas pouvoir employer tout le temps les acteurs comme je voudrais le faire, ceux avec qui j’ai tourné et fait de grandes rencontres.
Pierre a été l’enjeu, l’initiateur, le démarrage du film. Mais après, le film est parti loin de lui, pour élaborer une histoire avec Jacques Fieschi. L'histoire d'un enfant, dont les parents ne s’occupent pas, un enfant qui ne trouve jamais sa place, un enfant qui fait écho en Pierre à sa propre enfance, d’incompris. Puis, il y a la rencontre avec la mère de cet enfant qui est jouée par Louise Bourgoin. Et la force de cette rencontre, qui est un choc comme toute rencontre qui répond aux difficultés de leurs vies. Ils ont tous les deux pris des coups, elle carrément des coups physiques, lui d’un autre genre. Mais comme ils sont jeunes, comme ils sont beaux, on pense qu’ils vont pouvoir regagner ce qu’ils ont raté jusque là...
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Evoquons votre choix de diriger Louise Bourgoin... Vous souvenez-vous du film qui vous a donné envie de faire appel à elle ?
Non, j’avais pensé à une autre actrice pour ce film. J’écrivais pour Emmanuelle Seigner, qui est une actrice que j’aime beaucoup et une amie. Mais au cinéma, il ne faut pas choisir tel acteur, telle actrice, il faut choisir un couple, quand couple il y a. Et il y avait trop d’assurance en Emmanuelle. Toutes ses qualités, ça minorait quelque chose de leur rencontre avec Pierre. J’avais peur que ça ne la rende pas vraiment crédible. J’ai donc du me séparer de cette idée.
J’avais vu peu de films de Louise avant. J’avais vu L' Amour dure trois ans, qu’on m’avait conseillé quand on a su que je cherchais une actrice. Elle y est magnifique. Louise est connue pour un éclat physique au cinéma. Mais on peut vite faire le pari avec elle qu’il y a autre chose derrière, qu’il y a une mélancolie, qu’il y a accès à autre chose, à un chagrin secret, à des ombres. Je suis arrivée à un moment de sa jeune carrière où elle avait envie de les montrer et ce personnage lui proposait vastement.
Dans le film, elle est parfois belle, parfois beaucoup moins. Elle est très marquée par les difficultés de la vie, la manière qu’elle a d’aller d’échec en échec, de se relever chaque fois un peu moins vite. Quand Baptiste arrive, pour elle, c’est la chance... Une chance qui arrive masquée.
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Vous travaillez depuis quelques temps sur un autre projet en tant que réalisatrice, une adaptation du roman "Mal de pierres". Vous avez mis ce projet en attente pour réaliser "Un beau dimanche". Allez-vous reprendre ce projet ?
Oui, je piétinais un peu, j’étais dans un moment de difficulté d’écriture, et je me suis dit que j’allais faire un film plus rapide. Ecrit plus vite, tourné plus vite, monté plus vite.
Je vais reprendre ce film. Par la grâce du break que j'ai fait en tournant, j’ai trouvé la possibilité de finir l’adaptation. Maintenant, il faut que je résolve le casting.
Quels sont vos projets en tant qu'actrice ?
Je vais faire un petit rôle très drôle dans le prochain film de Jean-Paul Rappeneau, avec Léa Seydoux, Gilles Lellouche, Mathieu Amalric, Karin Viard, André Dussollier… Il m’arrive des scénarios en ce moment, j’ai des projets dont je ne peux pas encore parler.
La bande-annonce de "Un beau dimanche" :
Un beau dimanche Bande-annonce VF
Propos recueillis par Brigitte Baronnet, à Paris, le 28 janvier 2014
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