© Laëtitia Forhan / AlloCiné
AlloCiné : Borgman est l’histoire d’un homme qui s’immisce dans la vie d’une famille et qui sème le mal tel un démon. Comment avez-vous imaginé l’histoire ?
Alex van Warmerdam : Je n‘ai pas immédiatement imaginé l’histoire de Borgman telle quelle est dans le film. J’avais envie de faire quelque chose qui change de mes précédentes réalisations et j’ai pensé à un film d’horreur. J’ai donc fait des recherches sur Internet concernant ce genre de films, ce n’est pas mon genre préféré je dois l’avouer, pourtant ça m’a inspiré.
J’ai commencé à écrire, je n’avais ni plan, ni structure et j’ignorais dans quelle direction j’allais. Je n’avais pas d’idée précise de ce à quoi l’histoire allait ressembler, c’est vraiment arrivé au fur et à mesure. Une scène après l’autre. J’ai même continué à écrire durant le tournage.
Camiel Borgman (Jan Bijvoet) est le mal. Il rend les choses mauvaises. Il ne se contente pas de mettre en lumière ce qui ne va pas, il fait en sorte que ça n’aille pas. Il a un vrai pouvoir sur les gens.
Il force Marina (Hadewych Minis) à faire des cauchemars à propos de son mari. Il détruit les choses.
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Justement la construction du film rappelle celle de certains films d’horreur. Le mal s’insinue dans la vie d’une famille vivant dans une maison isolée… Il y a une tension tout au long du film, mais également une bonne dose d’humour noir. Comment avez-vous trouvé le juste milieu ?
Tout s’est fait au montage.
Je voulais que ce film soit plus dur que mes précédents. Mais quand j’ai commencé le montage je me suis aperçu qu’il était drôle…
Je l’ai montré à deux amis et ils ont beaucoup ri. Ça n’allait pas du tout !
J’ai donc coupé pas mal de passages. Je pensais avoir effacé toutes traces d’humour mais visiblement c’est encore drôle…
Dans ce film l’humour est une coïncidence. Je n’ai pas voulu faire quelque chose d’amusant, et je n’ai pas écrit de sketches, c’est arrivé par hasard.
Comment avez-vous rencontré Jan Bijvoet qui tient le rôle de Camiel Borgman ?
C’est l’acteur idéal pour ce rôle. Il a l’air tellement innocent…
Je le connaissais déjà et ma directrice de casting (Annet Malherbe) m’avait parlé de lui pour le rôle au tout début du projet. Mais je le trouvais trop petit, trop maigre…
Les castings ont débuté et personne ne me convenait. Elle est revenue à la charge en me disant d’auditionner Jan. J’ai donc cédé et au bout d’une minute j’ai su que c’était lui !
Il a un regard incroyable et sa carrure nous a finalement été très utile…
Notamment lors de la scène où il est assis sur Marina et qu’elle dort. Il l’observe avec ses grands yeux bleus. Cette scène est incroyable et nous n’aurions pas pu la tourner avec un acteur plus grand et plus costaud.
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Habituellement vous tenez le 1er rôle de vos films, dans Borgman vous incarnez un personnage secondaire. Pourquoi ?
Il était temps de changer ! (rires)
J’ai tenu les rôles principaux de nombreuses fois et j’en ai assez. J’ai envie de plus me concentrer sur le film, sur l’histoire et la mise en scène. Quand vous tenez le rôle principal et que vous réalisez le film c’est plus difficile.
En plus quand vous incarnez un personnage important vous devez passer du temps au maquillage tous les jours et je déteste ça…
Et puis, vous savez, je ne suis pas vraiment un acteur…
Je suis capable de jouer dans mes films parce que je sais ce qu’il faut faire, où je veux aller,…. Mais dès que je dois jouer sous la direction d’une autre personne je n’y arrive plus.
Désormais je pense que je tiendrais uniquement des petits rôles dans mes films pour le fun mais c’est tout. Les rôles principaux ce n’est plus pour moi.
Et puis c’est d’autant plus facile de jouer dans mes propres films que j’écris mes personnages en conséquence... Si je sais que je ne suis pas capable de faire une chose, je ne l’écris tout simplement pas. (rires)
Pour Borgman, dès l’écriture j’ai su que ce rôle n’était pas pour moi, que je n’étais pas capable de faire ce que j’écrivais.
Borgman a été présenté en compétition officielle lors du dernier Festival de Cannes. C’était votre seconde fois à Cannes après "Le P'tit Tony" en 1998, mais la première fois en sélection officielle. Qu’avez-vous ressenti ?
Quand on m’a annoncé que Borgman était sélectionné à Cannes j’ai uniquement pensé à moi (rires).
J’étais content que le film soit sélectionné.
Je n’ai pas pensé que je représentais les Pays-Bas. Certaines personnes dans mon pays me voient comme le sauveur du cinéma néerlandais parce que mon film a été présenté en compétition officielle à Cannes, mais je ne suis pas à l’aise avec cela.
Etes-vous plus à l'aise avec la sélection du film par les Pays Bas pour représenter votre pays aux Oscars?
Pour être honnête ça ne signifie pas grand-chose pour moi… Comme tous les prix, c’est agréable d’en recevoir, mais je ne travaille pas dans ce but. C’est un compliment, on ne demande pas de compliment on les reçoit…
© Alex Van Warmerdam
Vous êtes également metteur en scène de théâtre et artiste. Qu’est-ce qui vous procure le plus de plaisir ?
Faire un film est terrible. Ça coûte beaucoup d’argent, il faut faire de nombreuses réunions préparatoires, organiser le tournage en amont car vous avez un temps limité,...
Le théâtre c’est plus tranquille, vous êtes confortablement installé à donner des indications aux acteurs. C’est plus relaxant. Mais bizarrement, plus le temps avance plus j’aime réaliser des films…
Mais le théâtre c’est d’où je viens, c’est un peu ma place naturelle donc c’est difficile pour moi d’y échapper…Quoiqu’il arrive j’y retourne.
Pour le côté artistique j’aime beaucoup la peinture, c’est d’ailleurs moi qui ai peint l’affiche de Borgman. C’est un peu comme Dieu qui observe les hommes…
La bande-annonce
Borgman
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Propos recueillis par Laëtitia Forhan à Paris le 21 octobre 2013