On se doutait qu'avec un Président comme Vincent Lindon, et des membres aussi exigeants que Xavier Giannoli, Hélène Fillières ou l'écrivain Jean Echenoz, le jury du 39e Festival de Deauville ne ferait pas le choix de la facilité. Et de fait, plutôt que d'attribuer sa récompense suprême à un des films plébiscités par le public (comme Short Term 12 ou Fruitvale Station), il a décidé de distinguer Night Moves de Kelly Reichardt, un film également présenté en compétition à Venise, mais qui est reparti bredouille de la Mostra (voir notre revue de presse vénitienne). Deux Prix du jury ex aequo (All Is Lost et Stand Clear of the Closing Doors) complètent ce palmarès, concocté au terme de délibérations qui semblent avoir été longues et animées...
Si "Night moves" de Kelly Reichardt n'était pas film le plus cité dans les pronostics, il disposait pourtant de nombreux atouts. En voici trois !
1) Un regard et une sensibilité de cinéaste
Née en 1964 à Miami, Kelly Reichard (la seule femme de la compétition) a imposé son style en quatre longs métrages, qui ont séduit la critique : River of Grass en 1994 (présenté à Sundance et Berlin mais inédit en France), puis le road-movie bucolique Old Joy (2006), puis Wendy et Lucy (2008), trip dans l'Oregon en compagnie de Michelle Williams à la recherche de son chien, et La Dernière Piste (2010), variation autour du western, avec Paul Dano et encore Michelle Williams. Dans "Night moves", son cinquième opus, la réalisatrice ne change pas sa ligne de conduite : accordant une large place à la nature, à la fois belle et dangereuse, elle s'approche de ses personnages avec délicatesse et sensualité, prenant le temps de capturer leurs doutes, leurs contradictions, leur humanité.
Kelly Reichardt
2) Un sujet fort
Dans Night Moves, Kelly Reichardt a fait le choix courageux de s'intéresser à une réalité très contemporaine et guère consensuelle : le combat écologique, qui peut mener certains militants à mener des actions spectaculaires et violentes. Très critiques à l'égard des projets industriels qui menacent l'écosystème aquatique, les trois jeunes héros du film décident en effet de faire exploser un barrage hydro-électrique. Cette opération nocturne est décrite avec une minutie qui n'empêche pas l'intensité, de ses préparatifs à ses conséquences sur la vie des protagonistes, en passant par son exécution. Le film mêle subtilement interrogations citoyennes et questionnements intimes, pouvant faire écho à Promised Land de Gus Van Sant, sorti il y a quelques mois.
3) Un casting impeccable
Les trois écoterroristes sont interprétés par des comédiens talentueux, à commencer par Jesse Eisenberg. Lui qu'on a connu bavard et agité dans The Social Network ou To Rome with Love dévoile ici un autre visage. Dans la peau d'un personnage qui oscille entre détermination et fragilité, il se révèle d'une émouvante sobriété. A ses côtés, l'excellente Dakota Fanning se rappelle au bon souvenir de ceux qui ne jurent désormais que par sa petite soeur Elle. Au sein de ce trio, le vieux briscard est campé avec conviction par Peter Sarsgaard, à l'affiche de pas moins de 3 autres films présentés à Deauville cette année (Blue Jasmine, Very Good Girls et Lovelace) !
On ne connait pas encore la date de sortie de Night Moves en France.
Julien Dokhan
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Un extrait de Night moves