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    10 ans après son décès : inoubliable Marie Trintignant...

    Marie Trintignant disparaissait il y a tout juste dix ans. Une tragédie humaine, familiale mais aussi sociale, qui a bouleversé les admirateurs de la femme et de la comédienne qu’elle était, autant que ceux qui n’en avaient jamais entendu parler... Portrait d'une grande dame troublante qui, bien au-delà du terrible fait divers, a marqué pour toujours le cinéma français.

    Marie Trintignant dans "Une affaire de femmes" © MK2 Diffusion

    Ce qu’on DOIT avant tout vous rappeler = le fait divers.

    La tragédie s’est produite dans la nuit du 26 au 27 Juillet 2003, dans une chambre d’hôtel de Vilnius en Lituanie. Marie Trintignant tourne un téléfilm sur la vie de la romancière Colette, sous la direction de sa mère Nadine Trintignant. Son compagnon Bertrand Cantat l'y rejoint. Une crise de jalousie. Une dispute. Et le drame. De violentes gifles portées à la jeune femme la laissent inanimée jusqu'au petit matin, lorsque se rendant compte de la gravité de son état, le leader du groupe de rock Noir Désir décide d'appeler les secours. Dans un coma profond, Marie Trintignant est opérée puis rapatriée en France, où elle décède le 1er août, des suites d’un œdème cérébral. Jugé par la justice lituanienne pour "meurtre commis en cas d'intention indirecte indéterminée", Bertrand Cantat est condamné à huit ans de réclusion criminelle.

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    C’est le combat de Nadine Trintignant qui permettra de médiatiser un problème de société encore tabou, celui de la violence faite aux femmes. Après la libération de Bertrand Cantat pour bonne conduite, en 2007, la réalisatrice se mobilise et avec elle, le monde du cinéma, appelant à une loi plus sévère à l’encontre des conjoints violents.

    Ce qu'on VEUT surtout vous raconter = pourquoi on aime Marie Trintignant.

    Fille de Nadine et Jean-Louis Trintignant, Marie est une enfant de la balle qui a grandi sur les plateaux de tournage. Plus qu’un nom, elle a su se faire un prénom qui résonne pour toujours dans le monde du 7ème Art.

    Une jeune fille timide et mystérieuse

    C'est à quatre ans qu'elle débute à l'écran, aux côtés de son père et sous la direction de sa mère dans Mon amour, mon amour. Un titre de film qui fait écho au cercle vertueux dans lequel elle évolue, elle qui déjà petite est portée et fortement inspirée. Marie Trintignant apparaîtra dans d'autres films de Nadine, par-ci par-là, jusqu'à la rencontre avec Alain Corneau, cinéaste qui la révèlera. Dans Série noire, aux côtés de Patrick Dewaere, autre destin brisé du cinéma français, la demoiselle âgée de 16 ans incarne une adolescente laconique, au regard sombre et profond. Déjà troublant. Une rencontre prédestinée entre l'actrice et son metteur en scène, qu'elle recroisera à l'écran (Le Cousin, Le Prince du Pacifique) mais surtout à la ville, lorsqu'il deviendra le compagnon de vie de sa mère.

    Marie Trintignant troublante dans "Série Noire" © DR

    Timide, la jeune Marie l'est résolument et c'est afin de vaincre ce trait de caractère "maladif" qu'elle se tourne vers le théâtre. Elle jouera une dizaine de pièces dont deux remarquables aux côtés de son père, Les Poèmes à Lou de Guillaume Appolinaire et Comédie sur un quai de gare, mise en scène par Samuel Benchetrit, alors son époux. Une histoire de coeur, si ce n'est de famille, toujours.

    Complices, Jean-Louis Trintignant et la très jeune Marie parlent de leur vocation

    Une marginale ténébreuse

    "Jeune première, c’est le rôle le plus emmerdant qu’on puisse trouver ! J’aime les personnages avec des handicaps, j’ai envie de les comprendre, de les défendre. Pour jouer des alcooliques, des fétichistes, des filles étranges, on est obligé d’aller chercher loin en soi. (...) Parfois, pendant les tournages, j’ai l’impression d’avoir un chaudron dans le ventre." (Marie Trintignant - Psychologies magazine)

    Marie Trintignant et Jean-Hugues Anglade en toute intimité dans "Nuit d'été en ville" © DR

    Dès son premier rôle principal, dans Nuit d'été en ville, Marie Trintignant annonce en quelque sorte la couleur : jouer rimera avec se dépasser. Aux côtés de Jean-Hugues Anglade, elle est entièrement nue, au fil d'un huis clos érotique qui met en scène la rencontre et l'étreinte charnelle de deux inconnus passant toute une nuit ensemble. Une performance qui contraste avec son naturel réservé et sa pudeur.

    Sous la direction de Claude Chabrol, elle élargira son registre de jeu dans la peau d'une prostituée gouailleuse, amie d'Isabelle Huppert dans Une affaire de femmes, et d'une alcoolique séductrice, opaque et à la dérive dans Betty. Un personnage aux antipodes de ce qu'elle est, selon les propos de Chabrol lui-même, qui savait que la comédienne pourrait s'y plonger sans "se brûler les ailes", tout en lui donnant une intensité étonnante.

    "J'ai fait le tour de toutes les comédiennes brunes de Paris. La 1ère m'a dit "C'est une alcoolique." Je ne l’ai pas pris parce que je craignais qu’elle aille dans ce sens (...) Une 2nde a eu la trouille de jouer le rôle. La 3ème m’a déclaré : "J’ai peur que Betty ne me fasse du mal." Comme c’est Marie qui m’en a le mieux parlé, c’est elle qui a eu le rôle." Claude Chabrol de Michel Pascal.

    Marie Trintignant bouleversante dans "Betty"

    Une comique névrotique

    Nymphomane (Des nouvelles du bon Dieu) kleptomane (Le Cri de la soie, Cible émouvante), mythomane (Comme elle respire) : les personnages décalés, drôles à leur manière, Marie Trintignant les campe avec la même passion et la même grâce toute particulière. C'est chez Pierre Salvadori qu'elle cultive entre autres cette veine, croisant par la même occasion la route de Guillaume Depardieu à la faveur de comédies souvent noires, à l'humour grinçant.

    Guillaume Depardieu séduit Marie Trintignant dans "Comme elle respire" © Les Films du Losange

    Après lui avoir confié une petite scène cruciale à la toute fin des Apprentis (écrit pour Depardieu), le cinéaste compose pour sa protégée le rôle principal de Comme elle respire : "Parce que je l’aimais beaucoup comme actrice et comme femme." "Je vous souhaite de travailler avec des perles comme celle-ci toute votre vie ... Il y a des acteurs qui sont professionnels, qui sont là avec vous dans le projet et d'autres qui sont plus difficiles. (…)  Peut-être que je vais faire tous mes films avec Marie, ça sera plus simple." (Entretien pour Ecran Noir)

    Une voix rauque et envoûtante

    L'élégance de Marie Trintignant vient autant d’un savant mélange de fragilité et de fermeté que d’une voix inoubliable. Raffinant les dialogues de chacun de ses films, son timbre suave a également été mis au service de la chanson, aux côtés de Thomas Fersen pour Je suis dev’nue la bonne, interprétée lors d’une émission sur France Inter et pour Pièce Montée des grands jours, titre éponyme d’un des albums du chanteur. Au cinéma, après avoir été la voix off des Amants du Pont-Neuf, elle la prêtera à la Comtesse Seminova dans le long métrage d’animation Corto Maltese, la cour secrète des arcanes.

    Envoûtante Marie Trintignant ("Betty") © MK2 Diffusion

    Mais Marie Trintignant travaillera surtout son timbre grâce au rôle d'une chanteuse pop au purgatoire dans le fantastique Les Ailes de la renommée et d'une femme se faisant passer pour Janis Joplin dans Janis et John de Samuel Benchétrit. Un film posthume qui est aussi son quatrième non loin de François Cluzet (son premier mari). Samuel Benchétrit se souvient : "A l'époque où j'ai rencontré Marie, il y a plus de dix ans, son rêve était d'interpréter le rôle d'une chanteuse. Je savais donc que le scénario l'amuserait. Je voulais l'amener vers quelque chose d'inhabituel pour elle, qui la révélerait sous un autre angle au public."

    Magistrale, Marie Trintignant chante le célèbre "Kozmic Blues" de Janis Joplin

    Une femme brillante et militante

    Aussi héréditaire que le cinéma ? Le souci de l'engagement, légué à Marie par sa mère, Nadine Trintignant. Toutes deux participent notamment à l'oeuvre collective Contre l'oubli, compilant plusieurs courts métrages ayant pour thème commun les prisonniers politiques. Sous sa houlette, trois ans avant le téléfilm Colette, une femme libre, Marie Trintignant a déjà joué les femmes fortes dans Victoire ou la douleur des femmes, récit romanesque du combat des femmes pour leur droit à disposer d'elle-mêmes et de leurs corps.

    Cette lutte pour l'avortement, Nadine l'avait menée mieux que personne, elle qui quatre ans avant l'adoption de la Loi Veil, signait dans le Nouvel Observateur, le "Manifeste des 343 salopes", avouant avoir eu recours à l'Interruption Volontaire de Grossesse de façon illégale. C'est dans un soutien et une fusion totale avec sa mère, que Marie (douze ans après Une affaire de femmes) participe à son film mettant en scène ces générations de femmes qui se sont battues "pour que la maternité devienne un choix et non une fatalité."

    Marie Trintignant évoque la "Victoire ou la douleur des Femmes"

    Laetitia Ratane

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