AlloCiné: Vos films dépeignent souvent les conditions de vie des laissés pour compte en Argentine. "Elefante Blanco" ne déroge pas à la règle puisque le film suit deux prêtres qui viennent en aide à la population des bidonvilles. Comment avez-vous eu l’idée de mettre en scène un film sur ce sujet ?
Pablo Trapero : L’idée m’est venue de la contradiction qu’il peut y avoir dans le travail même de ces prêtres. Ces hommes d’Eglise sont les rares représentants des institutions qui existent à l’extérieur des bidonvilles - car bien évidemment dans les bidonvilles il n’y a pas d’écoles, pas d’hôpitaux, ni de policiers - mais il y a ces prêtres qui ont une méthode de travailler très différente de celle des autres prêtres. Ils s’impliquent beaucoup plus dans la vie des gens et de la communauté. Et cette différence a été mon point de départ, mais je voulais également parler de ces bidonvilles et montrer ce qu’est la vie à l’intérieur de ceux-ci. J’ai donc confronté ces deux sujets et décidé de les mêler pour faire Elefante Blanco.
Vos films sont toujours empreints d’un message politique et social, en quoi est-ce important pour vous ?
Je préfère penser qu’Elefante Blanco est une proposition qui permet aux spectateurs d’entrer en relation avec un lieu, comme ce bidonville, et avec des gens, comme ceux qui existent dans le film. Pour moi le cinéma est en tant que tel politique. Le cinéma est un fait politique, soit parce qu’on y parle de sujets politiques, soit parce qu’on étaye ces sujets ; les réalisateurs ont forcément une opinion.
En tant que spectateur je me suis formé en voyant des films qui étaient destinés à des publics extrêmement différents. Mais c’est vrai que les films qui parlaient de situations ou de lieux que je connaissais, me faisaient plus réfléchir. Ce sont ces films qui m’ont permis de confronter mon regard et de me construire. Et d’une certaine manière, quand aujourd’hui je fais des films, je vise à rendre au cinéma et à donner aux spectateurs ce que le cinéma m’a donné. Alors il y a l’expérience du spectateur durant le film, ce qu’il peut ressentir dans la salle en regardant l’écran,…
Mais ma volonté est vraiment de laisser quelque chose aux gens après le film. Ce qui m’intéresse c’est ce que les gens vont garder du film après l’avoir vu, la manière dont ils vont raconter l’histoire et dont ils vont se l’approprier : toutes ces petites traces qui vont rester en eux et être comme des souvenirs, presque personnels.
C’est votre première collaboration avec un acteur français. Comment avez-vous connu Jérémie Renier ?
Dès le départ, dans le scénario il y avait 3 personnages principaux, les deux prêtres (Ricardo Darin et Jérémie Renier) et l’assistante sociale (Martina Gusman). L’un des deux prêtres est étranger, et il était important qu’il soit éloigné de l’histoire de l’immigration argentine, c’est à dire qu’il ne pouvait pas être espagnol, ni italien ; il fallait qu’il vienne de plus loin. Je voulais aussi qu’il rappel le travail des prêtres missionnaires, qui se rendaient dans le monde entier pour aider les populations. Il était également important pour moi qu’il existe une différence d’âge avec Ricardo Darin - qui incarne le prêtre plus âgé – dont il est l’ami et un peu le disciple.
Je connaissais le travail de Jérémie Renier parce que j’ai vu un certain nombre de ses films et je trouve que c’est un très bon acteur, c’est quelqu’un qui a une vraie intensité et ça a vraiment très bien fonctionné avec les deux autres comédiens. Le tournage avec Ricardo Darin, Jérémie Renier et Martina Gusman a été une très belle expérience.
La bande-annonce d’Elefante Blanco
Elefante Blanco
Propos recueillis en mai 2012 à Cannes par Laëtitia Forhan