2004. La chaîne ABC, alors en difficultés depuis que la plupart de ses séries phares se sont achevées et qu’aucune de ses nouveautés ne rencontrent le succès escompté, choisit d’accorder sa confiance à un certain Marc Cherry, un nom parmi tant d’autres dans l’industrie télévisuelle. Il a travaillé quelque temps sur la sitcom populaire Les Craquantes avant de créer plusieurs comédies qui ont toutes été des échecs cuisants. Son dernier projet en date, Desperate Housewives, dont l’idée lui est venue en discutant avec sa propre mère, a été rejeté tour à tour par HBO, Showtime et l’ensemble des principaux networks (CBS, NBC et FOX). Pourtant, les prémices de cette histoire novatrice séduisent les dirigeants d’ABC qui en commandent un pilote, lequel devient quelques mois plus tard une série. Une campagne de promotion parfaitement orchestrée plus tard, le 3 Octobre, la série fait ses débuts à l’antenne et parvient à attirer plus de 21 millions d’américains. Le début d’un phénomène…
Vidéo promotionnelle de la 1ère saison
2012. Après avoir connu beaucoup de hauts (des audiences énormes, un rayonnement incroyable à l'international, des récompenses) et quelques bas (des scandales, des critiques acerbes, des déceptions d'audience), Desperate Housewives tire sa révérence au terme de sa 8ème saison, d'un commun accord entre Marc Cherry et ABC. La série a indéniablement marqué la télévision et figurera parmi les programmes les plus cultes des années 2000, au même titre qu'un Lost ou un Grey's Anatomy, d'ailleurs lancées elles aussi en 2004 et sur la même chaîne. Si la première a créé de nombreuses vocations, amenant une vague de séries très feuilletonnantes et conceptuelles qui ont rarement fonctionné sur la longueur (Heroes, The Nine : 52 heures en enfer, Invasion, Day Break, FlashForward, The Event...), Desperate Housewives a probablement boosté le genre de la dramédie, qui n'était pas majoritaire à l'époque, élargi le nombre de femmes héroïnes (ouvrant la voie aux plus déviantes "housewives" telles que Nancy Botwin de Weeds ou Tara Gregson de United States of Tara) mais n'a jamais vraiment été égalée dans le domaine. Il ne faut cependant pas oublier que, malgré son originalité sur la forme, la série était souvent comparée à ses débuts au soap de prime time Côte Ouest qui a fait les beaux jours de la télévision américaine pendant 14 ans !
Voici notre tour d'horizon des différentes tentatives de" copies" de la série et de ses potentiels successeurs...
Des "Housewives" de toutes nationalités...
Lorsque la chaîne FOXlife (puis TF1) propose sur son antenne la série néerlandaise Jardins secrets, la comparaison avec Desperate Housewives est inévitable. Elle est d'ailleurs un bon moyen de promotion. On parle alors de la réponse européenne à la célèbre série américaine mais, en réalité, son développement est lancé bien avant 2004 même si la diffusion, elle, n'intervient qu'à partir de 2005. Les similitudes entre les deux séries sont nombreuses (quatre personnalités féminines fortes et distinctes, qui vivent dans le même quartier, qui sont en proie aux affres de la vie quotidienne face à des maris trop absents et des enfants turbulents...) mais le titre "Desperate Housewives" aurait probablement mieux convenu à Jardins secrets dont les intrigues sont souvent plus graves et moins caricaturales. Europe oblige, les scènes de sexe et de nudité sont plus crues qu'aux Etats-Unis. La série a rapidement été déprogrammée chez nous mais a duré 5 ans aux Pays Bas.
Un extrait de Jardins secrets
En 2008, la chaîne latino-américaine Univision lance sa propre version de Desperate Housewives en langue espagnole intitulée Amas de casa desperadas. Les noms des personnages changent mais les scénarios sont fidèlement respectés. C'est ABC elle-même qui la produit. Le public n'est pas intéressé par cette ressucée qui ne dure qu'une saison. Dans le même temps, une version colombienne est lancée, portant le même titre et déclinant de la même manière la série originale, jusqu'au logo, strictement identique. Pour l'anecdote, c'est l'actrice Sofia Vergara, désormais connue pour son rôle de la flamboyante Gloria de Modern Family, qui prête sa voix au personnage de Alicia Oviedo, l'équivalent de Mary Alice Young. Une version argentine a également vu le jour et duré deux saisons. Les trois adaptations officelles ont d'ailleurs été tournées dans les mêmes décors, à Buenos Aires.
Le générique de "Amas de casa desperadas"
Chez nous aussi...
Pas de femmes au foyer désespérées chez nous, du moins pas officellement, mais deux tentatives timides d'en adopter en partie le ton et la forme. M6, diffuseur de Desperate Housewives en France, est la première à tenter le coup avec Suspectes en 2007. La série, pensée à l'origine comme une saga de l'été mais finalement diffusée en mai et juin, met en scène Ingrid Chauvin, Elodie Frenck et Karina Lombard dans la peau de trois femmes qui ne se connaissent pas et qui n'ont rien en commun jusqu'à ce que, lors d'un cocktail dans un hôtel, une femme à demi nue passe à travers une verrière pour venir s'écraser sur un piano avec dans l'une de ses mains un pistolet de gros calibre et dans l'autre, un bout de papier sur lequel sont inscrits leurs trois noms. On sent l'inspiration de la série américaine par petites touches, notamment à travers les tentatives d'humour et les gaffes de l'un des personnages, très proches de celles de Susan Mayer (Teri Hatcher), ainsi que par le goût du suspense et du mystère. Malgré une réponse plutôt positive du public (environ 4 millions de fidèles sur les 8 épisodes), Suspectes reste sans suite.
L'intro de Suspectes
En 2012, France 2 tente à son tour sa chance avec Des soucis et des hommes, écrite par un duo de femmes mais centrée sur quatre copains aux abords de la quarantaine. L'objectif de base est justement de créer un "Desperate masculin à la française" mais, peu à peu, les scénaristes dévient vers quelque chose de "moins extravagant" et de "plus humain, retenu et crédible", selon les propres termes du producteur Nicolas Traube. Selon lui, "les français ne sont pas prêts à regarder une série française trop extravangante car ne nous sommes pas encore assez riches en série. Déjà là, les gens sont un peu interloqués. Desperate est un OVNI et les OVNIS ont peu de chance de rencontrer le succès en France pour l'instant." Comme dans la saison 8 de la série américaine, les héros sont confrontés, entre autres intrigues, à un cadavre qu'ils doivent dissimuler... Dans la réalisation et le rythme, Des soucis et des hommes se rapproche en tout cas de son modèle.
Elles ont essayé mais se sont vautrées...
Retour maintenant aux Etats-Unis avec les quelques séries qui ont tenté, tant bien que mal, de s'inscrire dans la lignée des héroïnes de Wisteria Lane. On aurait pu s'imaginer que les chaînes concurrentes d'ABC auraient eu plus facilement tendance à s'y essayer mais c'est pourtant du network lui-même que viennent les plus mémorables essais.
En 2007, la chaîne de l'alphabet lance Big Shots à la suite de Grey's Anatomy, qui fait à l'époque des audiences énormes chaque jeudi soir. L'idée est de réitérer le succès de Desperate Housewives mais cette fois avec des hommes, des époux et pères de famille à la tête de postes à responsabilité, quatre amis qui partagent leurs soucis professionnels, se soutiennent dans les bons et moins bons moments. Ils savent qu'ils peuvent compter les uns sur les autres, pour prendre conseil ou se confier un secret. La production fait appel à Charles McDougall, réalisateur du pilote de la série culte, pour diriger le premier épisode de Big Shots et donner ainsi le ton, et choisit dans les rôles principaux des acteurs appréciés par le public et suffisamment séduisants pour faire frissonner la gente féminine : Michael Vartan, Dylan McDermott, Christopher Titus et Joshua Malina. Pourtant, la sauce ne prend pas. D'abord parce que la série souffre forcément de la comparaison avec les Housewives, surtout que l'on y retrouve en partie les mêmes ficelles, ensuite parce que les séries centrées sur des hommes et dirigées à l'attention des téléspectatrices réussissent rarement à les séduire (comme Trois Hommes sur le Green ou Carpoolers auparavant).
Un extrait de Big Shots
Deux ans plus tard, à la rentrée 2009, ABC, toujours, propose Les mystères d'Eastwick, l'adaptation du roman Les Sorcières d'Eastwick, également transposé au cinéma (Les Sorcières d'Eastwick). En réalité, il ne s'agit pas de la première tentative d'en faire une série télé puisqu'en 2002 déjà, la FOX commande un pilote avec Kelly Rutherford, Lori Loughlin et... Marcia Cross ! Oui : si la Fox avait finalement commandé la série, Cross aurait très bien pu ne jamais devenir l'emblématique Bree Van de Kamp. Dès son lancement, Les mystères d'Eastwick est comparée à Desperate par l'ensemble de la presse, à tort ou à raison, mais pas forcément en la trouvant moins réussie. Les actrices principales (Rebecca Romijn, Lindsay Price et Jaime Ray Newman) peinent en revanche à convaincre les critiques. Le journal américain Entertainment Weekly indique ainsi : "la série fonctionne de la même manière que Desperate Housewives, comme si les femmes de Wisteria Lane préféraient troquer leurs parties de poker contre des shows de prestidigitation." Quoiqu'il en soit, Eastwick ne convainc pas les téléspectateurs et la série est annulée au bout de quelques semaines de diffusion.
La bande-annonce d'Eastwick
Un an avant Eastwick, NBC lance Lipstick Jungle, adaptée d'un roman de Candace Bushnell (Sex & the City), dans laquelle trois femmes, Nico, Wendy et Victory, règnent sur New York ! La première (interprétée par Kim Raver) est rédactrice en chef d'un des plus grands magazines de mode et rêve d'en devenir la présidente. Elle doit gérer en parallèle un mariage qui ne la rend plus heureuse depuis longtemps. Wendy (Brooke Shields) est une des pontes d'un studio de cinéma mais à la maison, elle redevient une femme au foyer presque comme les autres. Enfin Victory (Lindsay Price) est une créatrice de mode à l'esprit très libéré, espérant un jour trouver l'homme idéal. Les trois amies font face ensemble aux grands défis de la vie, professionnels et personnels... Le parcours de la série sur la chaîne est quelque peu perturbé par la grève des scénaristes de 2008 mais le show réussit tout de même à obtenir une courte saison 2 avant d'être annulée. Un mélange entre Desperate et Sex & The City qui n'a pas tenu la distance.
Un extrait de Lipstick Jungle
Elles ont essayé et s'en sont sorties...
Malgré de nombreux échecs, quelques séries proches de l'esprit de Desperate parviennent à percer, comme par exemple Army Wives, née sur Lifetime, la petite soeur câblée d'ABC, en 2007. La série propose de suivre le quotidien de quatre épouses (et un mari !) de militaires sur une base de l'armée américaine. Elle en est actuellement à sa 6ème saison. En France, elle est diffusée sur TMC et TF1.
Les Anglais, quant à eux, se passionnent pour les Femme$ de footballeurs pendant 5 saisons de 2002 à 2006 (avant Desperate donc). Comme son nom l'indique, la série raconte les aventures non pas des stars du football mais de leurs femmes, de véritables héroïnes de l'ombre. Le ton est très léger et décontracté, quitte à virer parfois dans le soap bas de gamme (la version française proposée par M6 n'arrangeant rien à l'affaire...) A voir donc avec plein de second degré ! De l'autre côté de l'Atlantique, ABC tente en vain d'adapter le format. Un pilote est même tourné, avec au générique James Van Der Beek, Eddie Cibrian, Lucy Lawless, Ving Rhames et Kiele Sanchez, mais un désaccord majeur avec la National Football League (qui détient les droits du Football américain et de son utilisation sur tous supports) entraine l'annulation pure et simple du projet.
Les adolescentes n'ayant pas de Desperate avec des héroïnes de leur âge, ABC Family leur propose donc Pretty Little Liars, qui ne suit pas la vie d'adolescentes devenues mères trop tôt mais de jeunes filles recevant de curieux messages d'une ancienne amie disparue un an plus tôt. On y retrouve le goût très prononcé pour le suspense et le mystère, les histoires d'amour compliquées et l'humour, qui y trouve même une place prépondérante. Le succès est au rendez-vous depuis maintenant plus de 3 ans.
Bande annonce de la saison 3 de Pretty Little Liars
Elle a récemment tenté sa chance...
GCB, anciennement intitulée Good Christian Bitches puis Good Christian Belles, tente de prendre la relève de Desperate Housewives à la mi-saison 2012, à l'approche de la disparition définitive de cette dernière. Amanda Vaughn (Leslie Bibb), une femme récemment divorcée et mère de deux enfants, décide de retourner dans son Dallas natal dans un quartier huppé, entourée de ses anciennes ennemies botoxées bien décidées à détruire sa réputation. Il y a Sharon (Jennifer Aspen), l'ancienne reine de beauté devenue mangeuse compulsive; Darlene Cockburn (Kristin Chenoweth), la chef de bande qui va à l'église chaque Dimanche, qui connaît par coeur les versets de la Bible mais qui n'hésite jamais à outrepasser certains commandements pour arriver à ses fins, et son mari, un métrosexuel aux allures de cowboy; ou encore Gigi (Annie Potts), sa propre mère, envahissante et insupportable.
Si les premières critiques se montrent dans l'ensemble plutôt positives, la série ne réussit pas à convaincre le public qui lui tourne vite le dos. GCB est annulée après une unique (et petite) saison de 10 épisodes...
Vidéo promotionnelle de GCB
Des successeurs potentiels en pagaille...
Confrontée à ce nouvel échec, ABC ne renonce pas et a déjà deux solutions de rechange pour la saison 2012 / 2013. La première s'intitule Mistresses, et n'est autre que l'adaptation de la série anglaise du même nom (3 saisons au compteur... et une adaptation avortée par Lifetime en 2009 avec notamment Holly Marie Combs et Brooke Burns). La série raconte les amours d'un groupe d'amies d'une trentaine d'années, qui se sont connues à l'université mais dont les vies ont pris peu à peu des chemins différents. Impliquées dans des histoires complexes, parfois secrètes et souvent scandaleuses, elles bravent les tempêtes ensemble... Et la seconde "cartouche" d'ABC se nomme Red Widow, laquelle raconte comment, après l'assassinat d'un parrain de la drogue par un rival, son épouse prend la tête du clan... Là encore, il s'agit de l'adaptation d'une série néerlandaise.
Mistresses (US)
Red Widow
Par ailleurs, plusieurs pilotes en cours de production semblent se rapprocher de Desperate Housewives, avec des titres aussi originaux et évocateurs que Secret Lives Of Husbands And Wives (NBC), The Secret Lives of Wives (Lifetime) ou encore Witches of East End (Lifetime)...
Quant à la nouvelle série de Marc Cherry, Devious Maids, elle commencera en janvier sur Lifetime.
Devious Maids
Alors, selon vous, alors qu'elles viennent de faire leurs adieux, les Desperate Housewives sont-elles irremplaçables ?
Jean-Maxime Renault