Pour un acteur comme vous, aussi passionné d'Histoire, comme c'était de vous glisser dans la peau d'un personnage comme Fouquet ?
Lorànt Deutsch (Nicolas Fouquet): Un bonheur... Surtout un personnage aussi méconnu que lui, alors qu'on connaît les grands commis de l'Etat de nos Rois. Il y a eu Sully pour Henri IV, des gens comme Jacques Coeur, on connaît le Cardinal Mazarin, Richelieu, on connaît donc Colbert, on connaît l'Abbé Dubois, Vergennes, Necker et on ne connaît pas Fouquet. Alors, que c'est peut-être le plus important d'entre eux, derrière Richelieu...
Au cours des deux épisodes, dès que Colbert apparaît à l'écran, il parle de Fouquet. C'est une véritable obsession...
Lorànt Deutsch : Si [son obsession] était à ce point comme ça, on ne le saura jamais. On ne saura jamais par quel engrenage, par quel mécanisme, Colbert a particulièrement entraîné et participé à la chute de Fouquet. Ce qui est sûr, c'est que très vite, très tôt, Colbert - qui était d'une extraction bourgeoise et qui avait donc besoin d'acquérir ses lettres de noblesse - s'est totalement livré corps et âme à Louis XIV et a essayé de développer un réseau qui a commencé à frictionner avec le réseau de Fouquet. A l'époque, vous savez, on est vraiment dans des clientélismes, dans des réseaux. C'est les bons amis, c'est vraiment des espèces de traditions qu'on doit au Moyen-Age avec des corporations et des Compagnons. Et la politique, c'est pétri de ça. La politique, c'est des services rendus. C'est comme ça qu'on gère le pouvoir. C'est pas en massacrant quelqu'un, au contraire, c'est de la faiblesse. On le voit d'ailleurs avec les évènements qu'il y a eu en Tunisie ou en Egypte. A partir du moment où l'on utilise la force, c'est fini, vous avez perdu ou alors il faut raser tout le monde. On le voit aussi avec l'échec de l'Irak... Dès que vous utilisez la force c'est perdu, ou alors il faut détruire tout le monde. Il y a une phrase de je ne sais plus quel chef de guerre qui dit : "pour nettoyer l'eau d'un aquarium, il faut vider l'aquarium". Il faut dégager tout le monde ou ne pas utiliser la force. Donc, la force c'est une manifestation de la faiblesse, donc la politique ce n'est pas la force. La politique, c'est le fait de favoriser, de déplacer, de bouger des pions, donc de rendre des services. Et donc, Colbert, pour monter, il a besoin de rendre des services à ses clients. Or, ses clients sont de plus en plus gênés par les clients de Fouquet. Il y a donc deux mecs qui manipulent, deux parrains en quelque sorte. Ils parrainent et pour pouvoir continuer à parrainer et avoir de l'influence, il faut qu'ils écartent celui qui a trop de présence à côté. Donc effectivement Colbert, plus il est monté, plus lui et tous ses réseaux sont entrés en opposition avec ceux de Fouquet. Il fallait donc qu'un réseau disparaisse...
Pourtant, plusieurs personnes essaient de l'avertir...
Lorànt Deutsch : De tous les biographes que j'ai lu sur Fouquet, il n'y en a pas un qui n'emploie le mot "naïf" [à son égard]. Il avait tellement d'affection, de fidélité, de loyauté pour son Roi qu'il était persuadé qu'il n'allait rien lui arriver, même s'il avait comme ça, à côté, une vie un peu exaltée, magnifique, presque munificente, plus royaliste que le Roi en quelque sorte. Non seulement, il avait ses réseaux puissants qui le garantissaient d'une mauvaise surprise et surtout il était persuadé que le Roi ne pouvait pas se passer de lui puisque le Roi ne pouvait compter sur personne au niveau de l'argent. Personne ne prêtait au Roi, il ne remboursait jamais ! Donc, il n'y avait plus un créancier. Les Lombards, les Italiens.. Dès qu'ils voyaient que Louis XIV voulait des sous, pfiou... ils se sauvaient, ils rentraient chez eux. C'était un très mauvais créancier. Donc, il lui fallait un homme de paille au Roi, il lui fallait une caution. La caution, c'était Fouquet. Le Roi a besoin de 250 000 euros, il va demander à un créancier qui va lui dire qu'il n'a plus rien. Le Roi sait qu'il n'aura rien, donc il va voir Fouquet et lui dit qu'il a besoin de 500 000 euros. Fouquet lui dit : "ok, je m'en occupe" et il va voir un créancier. Grâce à ses réseaux, il a des positions, des postes, des services et des rentes... Parce que Fouquet n'a pas des coffres d'argent. Il n'a jamais eu de sous et Louis XIV non plus. Le Trésor, le budget, c'est très faible. Mais ce sont les Impôts, les taxes et on va dire le crédit à venir... C'est comme ça qu'on payait à l'époque et Louis XIV payait aussi comme ça. Il essayait de récupérer des terres à des anciens féodaux, à d'anciens Seigneurs, à d'anciens Barons... Et puis, il ya aussi des territoires qu'il arrivait un petit peu à grignoter même si Louis XIV, contrairement à ce que l'on croit, n'était pas un Roi de guerre, n'était pas un conquérant. J'ai lu des erreurs incroyables sur lui. Quand il va à la guerre, il est contraint. Il n'a jamais déclaré la guerre. Il a surtout voulu une chose, qui est la principale caractéristique de son règne et, hélas, de ses défaites, c'est qu'il voulait garantir les frontières naturelles de la France. Gérer ces frontières, cela a été l'épine dorsale du royaume de France. Les Ardennes, la ligne Maginot c'est pas nouveau, ça a toujours été ça. Et à partir du moment où les Pays-Bas, les Prussiens ou les protestants ont commencé à s'agiter et à pénétrer par l'Est et le Nord, ça a été l'obligation pour Louis XIV de contrer, de faire des guerres...
Comment ce projet est-il né ?
Nelly Kafsky (productrice): Ce projet est né de Lorànt et moi-même. J'ai appelé Lorànt après le gros succès du Triporteur de Belleville pour lui dire que je voulais retravailler avec lui, que l'on déjeune et qu'il me propose des choses. Je lui ai demandé quel personnage il aimerait incarner. Lorànt, c'est ma famille maintenant, comme sa femme Marie-Julie qui joue la méchante dans Le Roi, L'Ecureuil et la Couleuvre. [Ndlr : Marie-Julie Baup].
Lorànt Deutsch : C'est l'espionne...
Nelly Kafsky : Lors de ce déjeuner, il m'a dit qu'il y avait trois personnages qu'il avait envie d'incarner : Cartouche, bon c'était déjà dans les tuyaux... Il avait aussi envie de faire Godefroy de Bouillon. J'avais un peu peur... Les croisades, c'est compliqué. Mais, il voulait aussi faire Fouquet. Ca m'a enchantée... Bien sûr Fouquet !
Lorànt Deutsch : Comme je le disais, c'est un personnage méconnu mais qui a été ultra bénéfique pour la France. Pour cette France du grand siècle, à laquelle on se reporte, de laquelle on se réclame en permanence. La perfection littéraire... Il y a eu la fin du XIXème siècle avec Proust et le XVIIème avec Corneille, Racine, Boileau, La Fontaine, Molière...
Nelly Kafsky : Lorsqu'on a construit cette minisérie durant ce déjeuner, l'antagonisme entre Colbert et Fouquet nous a paru tellement flagrant. Sans oublier le jeune Roi Louis XIV. On a parlé immédiatement de Laurent Heynemann [pour la réalisation] et Didier Decoin s'est aussi imposé tout de suite pour l'écriture.
Et d'où est venu le titre ?
Nelly Kafsky : On en a parlé avec Laurent, Didier et Lorànt...
Lorànt Deutsch : il faut dire que je tournais La Fontaine quand on était proche de trouver le scénario définitif. C'est une fable cette histoire. Le blason de Fouquet, c'est un écureuil, celui de Colbert une couleuvre. Leurs noms sont des animaux. Puisque Fouquet veut dire "écureuil" dans l'ouest de la France. On dit "un fouquet" chez les Angevins. Quand j'étais petit, j'ai le souvenir d'entendre des paysans dire "un fouquet". C'est comme pour le renard, on disait un goupil. C'est du patois. Et Colbert, c'est coluber en latin : la couleuvre. C'est vraiment deux animaux, une opposition autour du Roi, on est au XVIIème siècle, Fouquet a soutenu La Fontaine... Donc, voilà c'était tout trouvé ! Il fallait faire le titre d'une fable.
Pour vous, qu'est-ce qui a été fatal à Fouquet ?
Lorànt Deutsch : Ce qui a été la goutte d'eau pour Fouquet, par rapport au Roi, c'est quand il a fait venir des sorbets. Fouquet s'en est aperçu là [Ndlr : lors de la somptueuse fête organisée par ses soins le 17 août 1661 pour l'inuaguration de Vaux-le-Vicomte]. Et la légende est vraie... Vous savez, Louis XIV a toujours eu des problèmes avec l'eau. L'hiver, l'eau gelait dans les verres à Versailles. Il n'arrivait donc pas à avoir de l'eau tempérée l'hiver et de l'eau fraîche l'été. Il n'a jamais réussi. Et en ce mois d'août torride, Fouquet arrive avec des sorbets, de la glace, ce que à l'époque, à Fontainebleau, Louis XIV ne pouvait pas avoir. Et ça, ça l'a rendu fou. Ca l'a rendu furibard. C'est ça qui a fait qu'il n'a pas voulu dormir sur place, qu'il est parti. A ce moment, il a quitté un peu son masque et là, Fouquet s'est rendu compte que c'était perdu au point qu'en sortant, il lui a offert Vaux-le-Vicomte, mais c'était trop tard. Et c'est véridique, il lui offre le château en sortant. Parce qu'il se doute qu'il y a un souci... Voyant la tête du Roi, il se dit qu'il faut qu'il lui offre. C'est un peu sa dernière carte et il la joue ce soir-là. Mais, il sait que c'est fini. Ca me fait penser un peu penser à aujourd'hui, on utilise à fond un ministre et puis quand il n'est plus défendable, on le dégage. Ce sont les disgrâces modernes.
Mais pourquoi il ne se doute de rien avant cela ?
Lorànt Deutsch : Il n'a pas voulu croire aux rumeurs. Il était fidèle à son Roi. Il se disait "c'est moi qui suis pourvoyeur d'argent du Royaume. Alors oui, je bénéficie des richesses, des largesses, de l'argent mais finalement, je ne le cache pas. Je montre un peu le faste pour la grandeur du Royaume au service du Royaume." A l'époque, il y a une autre notion qu'il faut connaître, c'est que le Roi est Roi de France et vise le rayonnement, la grandeur. La notion de grandeur est très importante à l'époque. On vise la grandeur du pays, plus que son bonheur, son enrichissement personnel. Et Fouquet, il est un peu là-dedans aussi. Tout ce qu'il fait, c'est pour faire vibrer les Arts, développer à l'étranger, faire rayonner la France. Et donc, il pense - même s'il est le premier à en bénéficier et en même temps, il est le premier auditeur, le premier à capter tout cela - que ça passe par son filtre mais qu'après c'est la France qui en profite. Comme le Roi Louis XIV, il vit dans le faste, mais c'est la France qui en profite, qui rayonne. Après, le petit peuple, c'est un débat qui n'a pas lieu d'être au XVIIème siècle. On n'y pense pas. C'est comme Marie-Antoinette, quand on lui dit : "on a besoin de pain", qui répond : "Ah bon. Ben mangez du pain". Ils n'ont pas conscience de ça, mais c'est parce que la question ne se pose pas à l'époque.
Est-ce que vous avez découvert des éléments de la vie de Fouquet que vous ne connaissiez pas ?
Lorànt Deutsch : J'ai découvert pendant le tournage qu'il était incarné et fébrile. Je crois qu'il a dû connaître - surtout lors de l'inauguration de Vaux-le Vicomte - ces masques qui tombent, cet avenir rayonnant et radieux qui finalement, s'effronde et s'écroule. Et surtout ce qui est terrible pour lui, c'est que pour son moment de gloire - qui était cette inauguration - il était malade à crever. Le supplice a donc été jusqu'au bout car il n'en a même pas véritablement profité puisqu'il était malade et fiévreux.
Comment avez-vous préparé votre scénario ?
Laurent Heynemann [le réalisateur]: Pour écrire le scénario, avec Didier (Decoin), on a énormément lu. Il y a plein de livres sur Fouquet. Ceux qui nous ont vraiment aidés... Alors, pas du tout Paul Morand. C'est un écrivain magnifique, sublime, c'est bien écrit, attachant... Paul Morand construit [son récit] autour d'un sentiment, qui est la jalousie de Louis XIV pour Fouquet. Et ça ne fait pas un film. Le mec est jaloux, on ne va pas passer trois heures là-dessus. Il y a surtout deux livres écrits par deux historiens majeurs de l'époque : Daniel Désert et surtout Jean-Christian Petitfils. Il est le grand spécialiste du siècle de Louis XIV et son livre sur Fouquet est quand même extrèmement complet. Il n'y a rien dans Petitfils qu'il n'y a pas ailleurs. Vous pouvez en lire 30 mais vous n'auriez lu que le Petitfils, cela aurait suffit. On a lu des livres et après Didier a écrit le scénario. Avec Didier, on a discuté pour savoir quel film on voulait faire, ce qui nous plaisait là-dedans, ce qu'on voulait raconter. Sur le plan proprement historique, ce qui nous intéressait, c'était ces bourgeois qui ont des désillusions sur la Monarchie mais qui n'ont n'a pas encore la capacité de concevoir qu'il faut un autre régime. C'est ça ces gens-là. Ils sont encore soumis à la Monarchie et c'est dans ce cadre-là qu'ils agissent. C'était le cadre historique dans lequel on était. On a beaucoup lu, il y a plein de bouquins, mais toujours est-il qu'après il faut être libre. Après, il faut faire un film.
Est-ce que tous les faits racontés dans la minisérie sont vrais ?
Laurent Heynemann : Tout est vrai. Tout est dans les livres. Si vous lisez un livre d'histoire sur Colbert, vous n'allez pas tout trouver tout de suite, il faut vraiment rentrer dans l'univers. Tout est vrai sauf la rencontre Colbert / Fouquet de la fin. Elle n'est pas impossible puisque Colbert était vivant. Un historien m'a dit que peut-être qu'une rencontre Louvois / Fouquet aurait été possible, que Louvois aurait pu aller voir Fouquet. La rencontre avec Colbert n'est donc pas impossible mais elle est imaginée. Et on ne pouvait pas ne pas la faire. Sur le plan de la fiction et du sens du film. Avec Didier, on s'est posé la question même pas cinq minutes. On s'est dit que ce qu'il manquait c'est qu'ils se confrontent une dernière fois. C'était une conclusion dramaturgique... On s'est regardé et on ne s'est pas posé la question pendant trois mois.Pour moi, cela détermine le sens du film, je trouve que ça l'éclaire. Et j'étais sûr que les acteurs seraient à tomber dans cette scène.
Que cherche à dire Colbert à la fin lorsqu'il dit "sauf si..." avant de se rétracter et de dire "Non, rien..."
Laurent Heynemann : Sauf si on renverse la Monarchie et qu'on fait la Révolution. Mais ça, il ne peut pas le dire. Il ne le sait même peut-être pas en vérité... Colbert ne peut pas concevoir que la Monarchie s'effondre. Mentalement, c'est exclu. Le faire croire, ca aurait été de la démagogie. On aurait fait croire que le mec est tellement lucide qu'il sait que dans 150 ans, on va couper la tête au Roi. Non, ça ne passe pas comme ça.
Quand on a traite d'un sujet comme celui-là, on est obligatoirement confrontés à des choix difficiles, on doit faire des ellipses. Qu'est-ce qu'on choisit de raconter ?
Laurent Heynemann : Cela n'est pas si difficile que ça, car on savait ce qu'on voulait raconter. Quand on fait une fiction historique, à dimension didactique, on veut que les gens apprennent quelque chose. C'est très important pour moi, je voulais que les gens apprennent quelque chose. J'ai une anecdote formidable... Au début de l'écriture du scénario, Philippe Noiret a eu la légion d'honneur. J'ai été invité, car j'ai fait deux films avec lui et on entretient des liens d'amitié très forts. C'était il y a 3/4 ans. C'est Villepin qui lui donnait la Légion. Après, il y avait un petit pot et De Villepin vient me voir pour me demander ce que je fais en ce moment. Je lui dis donc que je travaille avec Didier Decoin sur une fiction sur Colbert et Fouquet. Et il me dit : "Ah ! C'est d'actualité". Et franchement, je n'y avais pas pensé et là je me dis d'un coup : "mais bon sang... c'est éternel, c'est permanent, c'est moderne". Sauf que dans l'affaire Colbert / Fouquet, il y avait un arbitre qui s'appelle Louis XIV et qui n'était pas un rigolo, qui était un horrible bonhomme.
Thierry Frémont vous est de suite venu en tête ?
Laurent Heynemann : Non, pas du tout. C'était très compliqué... Le rôle est extrèmement ingrat. Il fallait donc trouver un acteur qui sache, non pas sauver le personnage, mais qui sache l'humaniser, le rendre très humain. Les acteurs n'aiment pas ce genre de rôle... Et j'avais peur de ne pas trouver à cause de ce problème d'antipathie du personnage. Fouquet est une victime de l'injustice et l'autre c'est celui qui l'enfonce. On a cherché... C'est venu de Gérard Moulevrier, le directeur de casting, qui a sortie l'idée comme ça. Et j'ai dit Banco. Je savais qu'il y avait la qualité d'acteur qui permettait de lever le personnage. Thierry Frémont est formidable, c'est un très très grand acteur.
La différence avec le film "Vatel"...
Laurent Heynemann : Vatel, c'était exactement le même goût - avec plus d'argent - c'était le même goût, le baroque. C'est 10 ans plus tard, on est d'accord. Vatel, c'est un film que j'admire beaucoup sur l'exactitude historique. Pour parler de notre ami Vatel, que l'on voit un tout petit peu dans notre film, quand Fouquet a été arrêté, il a fui en Angleterre, il s'est engagé comme cuisinier et il a vécu un peu dans la misère. Et Condé l'a retrouvé et l'a réengagé. Dans le film Vatel, il vient de revenir en France. Il est resté 10 ans en exil, il vient de revenir et c'est pour cela qu'il est déprimé comme ça. Parce que Vatel ne s'est pas suicidé simplement pour une histoire d'huîtres. C'était quelqu'un d'extrèmement dépressif. Et puis, ce n'est pas un cuisinier, c'est un maître d'hôtel. On le voit dans notre film, il a toutes les dettes, tous les problèmes d'organisation sur le dos, c'est à cause de lui si tout va mal et tout... Vaux-le-Vicomte, la vraie fête du 17 août 1661, c'était 6000 invités ! Quelle est la fête aujourd'hui où l'on invite 6000 personnes ? C'était la plus grande fête du XVIIème siècle, c'était grandiose.
Les costumes...
Carole Richert (Mme de Sévigné) : Nous avions d'ailleurs des costumes du film de Vatel. Ce sont des recompositions, c'est-à-dire qu'on récupère un robe, on la réajuste, on change le haut, etc. Les costumes ont effectivement plusieurs vies. Ca coûte tellement cher, c'est tellement hallucinant.
Et comment on se sent dans ces costumes ?
Carole Richert : Le mental se modifie immédiatement. Ca marche vraiment... C'est le même effet que de se retrouver en maillot de bain, on se sent en vacances. C'est pas le bon exemple mais bon (rires).
Sara Giraudeau (Marie-Madeleine Fouquet) : Moi, je trouve que ça amène une fragilité. Le personnage me le permettait aussi, mais cela vient aussi du manque de liberté qu'il y a dans ces costumes. Effectivement, ça amène une prestance, on ne peut pas se tenir le dos vouté, c'est impossible. Il y a quelque chose de très élégant mais le manque de liberté, le fait de ne pas pouvoir bouger du tout, il y a un moment donné, dans ma façon d'être aussi, j'avais plus de fragilité dans l'état d'être... La liberté de mouvement dans ces robes est quand même plus que limité...
Vous aviez déjà été vieilli pour les besoins d'un film ?
Sara Giraudeau : Non ça ne m'était jamais arrivée, donc ça me faisait très peur. Ca me faisait peur par rapport à mon âge...
Carole Richert : Oui par rapport à la crédibilité. Savoir s'il l'on va être crédible.
Sara Giraudeau : Même au niveau maquillage, c'était compliqué de vraiment me vieillir [Sara Giraudeau a 25 ans]. Après, je me suis dit que j'allais essayer de le faire le plus simplement possible, que je n'allais pas me prendre pour Meryl Streep. J'avais peur de mon incapacité a réussir à faire quelque chose de crédible. En fait, Laurent était dans une telle détente, dans une telle simplicité des choses que j'ai essayé juste d'être le plus simple possible. Et surtout pas de jouer quoi que ce soit, sinon on aurait été dans le faux tout de suite.
Carole Richert : On a été très bien dirigés, très en confiance. On savait avec Laurent si l'on en faisait trop... Cela aide, sinon, c'est un peu le gouffre. On est là avec son latex...
Les lieux de tournage...
Davy Sardou (Louis XIV) : On a tourné dans de très beaux lieux. A Vaux-le-Vicomte. Dans le château de Chambord, on a été dans la chambre de François 1er, ce qui est quand même un beau souvenir parce que ce n'est pas accessible aux visites. C'est accessible mais on n'a pas le droit d'aller dans le lit, nous on a été dans le lit ! (rires). On s'est assis sur les chaises, mais il fallait faire très attention bien évidemment. Mais, c'est assez magique, ça vous imprègne tout de suite pour les scènes et les personnages, plutôt que d'aller dans un studio... Tout était authentique mais réaménagé. D'ailleurs, il y a une scène par exemple dans le Prieuré de Louis XIV et c'est vraiment un Prieuré dans lequel il a été prier. Pas celui où il avait ses habitudes mais on sait qu'il a été prier dans cet endroit. Et c'était au château de Blois...
Vous connaissiez bien la vie de Louis XIV avant de l'interpréter ?
Davy Sardou : Très peu. Je connaissais ce qu'on connaît des cours à l'école. Je m'y suis intéressé. On connaît la grandeur du Roi, la légende qu'il y a autour... J'ai lu le roman de Max Gallo et celui de Jean-Christian Petitfils. Qui sont de très bons livres.
Comment avez-vous rejoint le projet ?
Davy Sardou : Je jouais au théâtre à l'époque dans la pièce Secrets de Famille et la productrice est venue la voir. Je crois qu'ils avaient en tête quelqu'un d'autre pour le rôle, mais qui n'a pas pu le faire pour des raisons de dates ou autres. Et donc, ils m'ont appelé, j'ai rencontré Laurent Heynemann et on s'est très bien entendu. Puis ensuite, j'ai dû donner de l'argent à Lorànt Deutsch...
Lorant Deustch passe au même moment - Lorànt Deutsch : Ah ben oui ! D'ailleurs, on fait bientôt Shakespeare ensemble, j'attends une petite cotisation.
Davy Sardou : On va vraiment rejouer ensemble à la rentrée dans la pièce de Shakespeare, Le Songe d'une nuit d'été. Ce n'était pas une blague ! On va se retrouver...
Et lorsqu'on joue Louis XIV durant tout un tournage, est-ce qu'à la fin, on ne sent pas supérieur ?
C'est invivable pour les autres ! (Rires) Il faudrait en parler à ma fiancée, elle l'a très très mal vécu ! Je prenais mon rôle très à cœur, donc bien évidemment, je ne faisais plus rien et il fallait que tout le monde soit à mes ordres (rires). A l'époque, tout était tellement dans la démesure pour se mettre à son service. C'était un Dieu, pas un homme, vraiment. Il était tout tout puissant... C'est presque grisant, c'est horrible, mais c'est le pouvoir, c'est grisant de se rendre compte que cet homme pouvait faire tout ce qu'il voulait, vraiment. Il n'avait pas de contrainte politiques, pas de Ministère qui aurait pu lui donner des ordres. Sur le tournage, ça allait, dans ma vie privée c'était plus difficile après (Rires) !
Marie-Christine, vous étiez familière de l'histoire de votre personnage, la mère de Fouquet ?
Marie-Christine Adam (Marie de Maupeou) : Je savais que c'était une femme extrèmement croyante. Toute sa famille également... C'était une femme d'une croyance absolument formidable. Je me suis donc inspirée de ça... Mais, elle n'était pas du tout une bigote. Elle avait vraiment la foi, et j'espère que ça transparaît dans mon interprétation. Elle était très lumineuse, elle a fait beaucoup de choses pour les pauvres. Curieusement, elle avait engendré ce garçon qui aimait beaucoup le luxe, qu'elle adorait en même temps. C'est une femme qui est toujours un peu en demi-teinte. Elle a toujours été très proche de sa belle-fille. C'est un drame épouvantable mais quand la machine est lancée, on ne peut plus rien faire... Surtout quand elle est lancée par ce monarque-là, c'était fini...
Comment c'était de travailler avec Lorànt Deutsch sur ce thème-là ?
Marie-Christine Adam : Je le trouve absolument merveilleux. Quand on lit le bouquin de Lorànt, on voit qu'il est quand même très au fait de la situation (rires). Moi, ce qui m'a bouleversée, c'est la dernière scène... Ce film est merveilleux. Tous les acteurs... Il y a quelque chose qui se passe. Même au niveau du texte, c'est écrit dans une belle langue, on est dans une langue riche. J'espère que ça va donner envie aux gens de se replonger dans des grands textes. Et pour nous c'était extraordinaire... Investis de nos personnages, on n'avait plus qu'à parler cette langue qui est magnifique.
Tout ce qui se joue dans la minisérie est très d'actualité...
Marie-Christine Adam : Ah oui, ça n'a pas changé.
Davy Sardou : Je ne vois pas de quoi tu veux parler (rires)
Marie-Christine Adam : C'est toujours pareil. Le pouvoir sera toujours le pouvoir.
Davy Sardou : C'est comme dans cette scène avec l'avocat Séguier, quand le Roi lui dit : "vous allez revoir le jugement parce qu'il ne me plaît pas." Et l'autre lui dit : "mais vous n'avez pas le droit, vous ne pouvez pas." Et il répond : "mais je suis le Roi, j'ai tous les droits. Et Séguier lui dit : "Vous avez le droit de grâce mais pas le droit de punir..." (rires). Et il part en faisant ses courbettes ! (rires)
Propos recueillis le 07 février 2011 à Paris
Retranscription : Raphaëlle Raux-Moreau